Tweets, commerce et turbulences: l’art de faire du surplace

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

3 minutes de lecture

A l’heure du bilan semestriel 2019, la période d’expansion de l’économie mondiale ne semble pas avoir atteint ses limites naturelles.

En juillet, l’économie américaine aura enregistré la période de croissance la plus longue de son histoire. Le chômage est à son plus bas niveau depuis plusieurs décennies. Pour autant, certains signes montrent clairement que l’économie mondiale est en surchauffe. L’inflation, souvent le signe annonciateur d’un marasme économique, est absente. Le fait que l’inflation reste faible est pour le moins préoccupant pour l’économie mondiale. Globalement, la période d’expansion de l’économie mondiale ne semble pas avoir atteint ses limites naturelles. Les soubresauts politiques pourraient la dévier de sa trajectoire. 

La guerre commerciale pourrait-elle
mettre un terme à la reprise mondiale?

La Première ministre britannique Theresa May a fait naître l’espoir qu’un accord serait trouvé sur le Brexit qui serait de nature à contenter ses collègues du Parti Conservateur et le reste des parlementaires britanniques. Le gouvernement italien est en conflit ouvert avec Bruxelles. Plus inquiétant au plan systémique pour l’économie mondiale, les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine semblent être au point mort. Même si un accord était trouvé dans les prochains mois, il y a des chances qu’il soit incomplet et assorti de nombreuses conditions. Le graphique montre dans quelle mesure les barrières douanières sont en train d’inverser plusieurs décennies de mondialisation. 

GRAPHIQUE 1: TARIFS DOUANIERS AMÉRICAINS PAR RAPPORT À L’HISTOIRE
Taux des droits de douane réel en % (droits de douane perçus en % du total des biens importés)

Source: Esteban Ortiz-Ospina et Max Roser «International Trade», US International Trade Commission, USITC, US Census, J.P. Morgan Asset Management. Les droits de douane réels actuels touchent les machines à laver, les panneaux solaires, l’acier et l’aluminium, ainsi qu'environ 250 milliards de dollars d’importations chinoises. Le reste des importations chinoises et les automobiles mondiales (pièces automobiles comprises) sont des mesures proposées sur environ 290 milliards de dollars de biens pour chacune. Au 13 juin 2019.

 

LA FED EST-ELLE DÉCIDÉE À RAPPUYER SUR L’ACCÉLÉRATEUR?

Les actions et les obligations semblent connaître des trajectoires divergentes. Le cercle est peut-être carré : le marché s’attend à ce que la Réserve fédérale (Fed) recolle les morceaux et soutienne la croissance américaine. À l’échelle mondiale, nous apprenons une nouvelle fois que cette expansion ne saurait se passer de taux d’intérêt bas pour se poursuivre ; le retour de taux «normaux» semble improbable. 

La Fed est sans nul doute confrontée à une pression politique très forte. Si la thèse affirmant que la Fed n’est pas un «champion national» commence à faire son chemin, l’opinion publique pourrait commencer à se poser la question de savoir si elle mérite les pouvoirs qui lui ont été conférés. Si la reprise vient à s’essouffler, la Fed sera désignée comme le principal bouc émissaire. 

La Fed pourrait être incitée à cibler une période
de remontée de l’inflation dans les prochaines années.

Les indicateurs économiques montrent déjà un certain ralentissement et l’incertitude pèse suffisamment sur les perspectives pour justifier une baisse. La Fed est actuellement en train de revoir son référentiel en tenant compte du problème d’une inflation qui reste faible, elle pourrait être incitée à cibler une période de remontée de l’inflation dans les prochaines années. Le marché a déjà intégré trois baisses d’ici la fin de l’année. Bien que cela constitue un revirement spectaculaire, nous ne sommes pas contre l’argument selon laquelle ces baisses seront appliquées. 

GRAPHIQUE 2 : PRÉVISIONS DE TAUX DES FONDS FÉDÉRAUX
Taux des fonds fédéraux en %, attentes des marchés et du FOMC

Source: Bloomberg, Réserve fédérale américaine, J.P. Morgan Asset Management. Les prévisions sont des estimations médianes des membres du Federal Open Market Committee (FOMC). Les attentes du marché sont calculées d’après les swaps de taux d’intérêt à 1 jour. La performance passée n’est pas un indicateur fiable des résultats actuels et futurs. Au 19 juin 2019.

 

LES DÉFIS DE L’ALLOCATION D’ACTIFS 

Même s’il n’est jamais facile de déterminer la durée du cycle, les investisseurs ont toujours eu la bonne idée de réallouer progressivement une partie de leur portefeuille investie en actions vers les obligations et les liquidités à mesure que le cycle avançait et que la banque centrale relevait les taux. Même si les investisseurs réallouaient trop tôt et les cours des actions augmentaient toujours davantage, ils recevaient au moins un rendement honorable sur leurs obligations d’État de qualité, avec la promesse de rendements sur le capital lorsque les taux d’intérêt finissaient par baisser.

Les marchés ne brossent pas un tableau excessivement optimiste.

L’incapacité des banques centrales à normaliser les taux d’intérêt dans ce cycle limite les possibilités pour les investisseurs de trouver un refuge et d’attendre que la tempête passe tout en conservant un rendement honorable. De plus, brader les actifs risqués aura un coût si la dégradation des indicateurs économiques et le repli du marché des actions incitent l’administration américaine à revoir son agenda commercial. Le président semble hésiter entre vouloir apparaître inflexible sur les enjeux commerciaux pour ne pas trahir son slogan de campagne «America First» et vouloir une économie forte et un électorat confiant dans les perspectives en matière de créations d’emplois avant l’élection de novembre 2020. 

Les valorisations en termes de ratio cours/bénéfice à terme (P/E) sont proches de leurs niveaux historiques dans la plupart des pays développés, même si nous pensons qu’elles reposent sur des prévisions de bénéfices qui sont quelque peu élevées. Cependant, les marchés ne brossent pas un tableau excessivement optimiste, ce qui rassure quant à l’ampleur du risque baissier. Les indices boursiers des marchés émergents et le Japon sont les principaux segments du marché mondial dans lesquels les ratios P/E à terme sont inférieurs à leurs niveaux récents.

RECHERCHER LES ACTIFS QUI FOURNISSENT UNE PROTECTION 

Il semble judicieux de rester exposé au marché des actions en optant pour des valeurs qui ont tendance à être plus défensives. En termes de style, cela laisse augurer d’un revirement au profit de la valeur et des grandes capitalisations au détriment des petites capitalisations et de la croissance. 

Si la prochaine crise donne lieu à des mesures de politique monétaire plus
expérimentales, les marchés devraient s’inquiéter des conséquences inflationnistes.

Nous avons tout intérêt à privilégier les actifs qui protègeront le portefeuille si l’hypothèse selon laquelle les politiques finiraient par prendre des décisions rationnelles s’avère infondée. En bref, nous ciblerions les actifs qui seraient performants en cas de risque extrême, ceux qui affichent une probabilité faible mais qui ont un impact fort. Les bons du Trésor américain ont gagné du terrain mais leurs cours peuvent encore augmenter s’il s’avère que les États-Unis se trouvent confrontés à une crise plus grave. Les autres options sont les devises valeurs refuges telles que le yen japonais ou le franc suisse, sans oublier l’or.

Il existe également des solutions sur les marchés alternatifs. Les fonds macro ont tendance à être les plus réactifs dans un contexte politiquement chargé et peuvent changer d’actifs à l’échelle mondiale et par classe, et utiliser des instruments dérivés pour isoler les portefeuilles dans les périodes de forte volatilité. L’immobilier et les infrastructures sont généralement peu corrélés avec les marchés des capitaux et offrent un rendement plus élevé en contrepartie d’une faible liquidité. 

De plus, si la prochaine crise donne lieu à des mesures de politique monétaire plus expérimentales, un nouveau chapitre dans la saga de la planche à billets, les marchés devraient s’inquiéter des conséquences inflationnistes. Le risque inflationniste pourrait augmenter la valeur de ces actifs réels. Dans ce scénario, une prime plus élevée pourrait être exigée sur les obligations indexées sur l’inflation. 

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