Saison des résultats: récession es-tu là?

Axelle Pinon, Carmignac

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Les bénéfices trimestriels des entreprises du S&P 500 devraient, selon le consensus, baisser de 7% par rapport à l'année dernière. Les mauvaises surprises devraient donc être limitées.

Au cours du premier trimestre, les marchés boursiers ont dû faire face à l'inconstance des investisseurs: ils sont passés d'un scénario «conte de fées» à un scénario dans lequel la croissance économique ne ralentit pas, pour finalement conclure que la récession était l'issue la plus probable. Avec le début de la saison des résultats, l'accent sera mis sur la recherche d'indices quant à l'impact potentiel d’une récession. Les investisseurs pourront ainsi réévaluer les fondamentaux de chaque entreprise à la lumière de cette saison des résultats et du risque de récession, ce qui leur fournira des indications essentielles sur leur potentiel de performances à long terme.

Nos principales observations pour cette saison de résultats sont les suivantes:

  1. Les bénéfices trimestriels des entreprises du S&P 500 devraient, selon le consensus, baisser de 7% par rapport à l'année dernière. Les surprises négatives devraient donc être limitées. Jusqu'à présent, cette hypothèse a été confirmée par la première série de publications qui a surpris positivement. En effet, la plupart des grandes banques américaines ont affiché des résultats solides malgré les turbulences du mois de mars. Pour l’instant, ces résultats ont souligné la résilience de l'économie américaine. Toutefois, à l'avenir, nous pensons que les avantages tirés de la remontée des taux d'intérêt devraient s'atténuer et les créances douteuses pourraient quant à elle augmenter, comme en témoignent les provisions supplémentaires constituées par les grandes banques. En effet, les effets d'un cycle de resserrement monétaire sans précédent et d'une détérioration des conditions macroéconomiques pourraient commencer à être ressentis non seulement par les banques, mais aussi par le marché actions dans son ensemble.
  2. Les prévisions de bénéfices par action (BPA) pour l'ensemble de l'année 2023 ont déjà été considérablement revues à la baisse depuis le pic atteint l'année dernière. Malgré ces révisions à la baisse, le consensus actuel suggère toujours un rebond des bénéfices à partir du troisième trimestre, qui accélèrera en 2024. Ce scénario n'est pas compatible avec le fait que de nombreux investisseurs anticipent une récession aux Etats-Unis d'ici la fin de l'année. Ainsi, même si les chiffres de ce trimestre ne devraient pas réserver beaucoup de surprises négatives, les anticipations de résultats pour la fin d’année et 2024 pourraient encore être significativement revues à la baisse au cours des prochains trimestres.
  3. D'un point de vue sectoriel, alors que la croissance des bénéfices a globalement été revue à la baisse, les plus fortes baisses sont attendues dans les secteurs de l'énergie, des matériaux, de la santé et, dans une moindre mesure, de la technologie. A mesure que les effets du resserrement des conditions de crédit se matérialisent dans l'économie réelle, la demande des consommateurs et des entreprises pourrait en souffrir.
SECTEURS EN VEDETTE

La consommation

Les économistes examinent de près le secteur pour estimer la santé des consommateurs et ainsi déterminer l'ampleur de la récession à venir. Jusqu'à présent, les consommateurs ont généralement pu absorber la hausse des prix permettant aux entreprises de répercuter la hausse des coûts, mais la situation pourrait changer. Dans ce contexte, certains segments pourraient s’en tirer mieux que d'autres:

  • Le luxe. Le consommateur chinois est de retour et le secteur du luxe en est l'un des principaux bénéficiaires. La fin de la politique du «zéro Covid» a été un puissant moteur pour LVMH et Hermès, qui ont publié des chiffres exceptionnels récemment. Pour ces entreprises, le consommateur chinois compense les premiers signes de ralentissement américain. Et à mesure que le ralentissement américain gagne du terrain, l’accélération de la demande chinoise devrait contrebalancer l'effet sur les bénéfices, jouant ainsi en faveur du secteur.
  • E-commerce. Après une année 2022 difficile, le géant du secteur Amazon devrait voir une moindre pression sur leur division ventes en ligne portée par les mesures de baisses de coûts et par les augmentations de prix. En outre, la phase de digestion post-Covid touche à sa fin : le taux de pénétration devrait revenir à son rythme de croissance pré-pandémie, offrant un moteur de croissance à long terme au secteur. La plus grande menace pour le e-commerce reste la récession. Toutefois, en relatif, le segment devrait mieux résister que le commerce de détail physique grâce à des gains de parts de marché.
  • Commerce de détail. Bien que la consommation américaine soit globalement bonne (l'emploi reste solide, les salaires augmentent, l'épargne est supérieure aux niveaux d'avant la pandémie), certaines tendances inquiétantes se dessinent en filigrane, notamment la décélération rapide de la croissance des salaires, qui, si elle se poursuit, pourrait devenir un risque pour le second semestre de l'année. Par conséquent, nous pensons que le commerce de détail reste globalement défavorable à court terme, malgré la résolution progressive des problèmes de stocks.

Le secteur technologique

Contrairement à l'année dernière, malgré un environnement fortement volatil, le secteur technologique a réussi à regagner ses lettres de noblesse dans le cœur des investisseurs depuis le début de l’année, porté par des mesures de réduction des coûts, par la baisse de l’inflation et par la baisse des taux d’intérêt. Pour comprendre si la surperformance peut durer, plusieurs éléments peuvent être observés:

  • Alors que les investisseurs se préparent à une récession avant la fin de l'année, tous les regards seront tournés vers la capacité des grandes entreprises technologiques à résister à une forte décélération de la croissance mondiale.
    Les entreprises technologiques ont été les premières à mentionner les prémices d’un ralentissement économique. Au cours de la saison des résultats du dernier trimestre, plusieurs entreprises technologiques comme Amazon, Microsoft et Google ont mentionné un ralentissement des dépenses IT alors que les entreprises cherchent à optimiser leurs structures de coûts pour faire face à une toile de fond macroéconomique qui s'affaiblit. Alphabet et Apple ont également mis en garde contre un ralentissement des dépenses de consommation et de la publicité. Par conséquent, les attentes en matière de bénéfices pour le secteur de la technologie ont considérablement diminué, laissant la place à des surprises positives.
  • Les mesures de réduction des coûts se sont accélérées au cours des derniers mois, les grandes entreprises technologiques se concentrant davantage sur la rentabilité afin de s'adapter à la fin de l'ère des taux très bas. Cela devrait constituer un soutien supplémentaire pour les mois à venir.
  • L'Intelligence artificielle semble être devenue une véritable tendance plutôt qu'une mode (comme ont pu l'être le Metaverse, les objets connectés ou la conduite autonome). La plupart des grands acteurs de la technologie sont présents dans le segments, et les investisseurs surveilleront de près les acteurs qui pourraient avoir manqué l'occasion de prendre le contrôle du «next big thing» de l'industrie. Par rapport aux tendances précédentes, ce qui change la donne, c'est que les opportunités de revenus liées à l'IA pourraient se présenter très rapidement, comme l'illustre la capacité de Microsoft à disposer déjà de plusieurs cas d'utilisation. Les acteurs de l'infrastructure Cloud et de la puissance de calcul pourraient également voir les opportunités s'accumuler.

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