Des produits structurés durables, ça existe!

Levi-Sergio Mutemba

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Malgré une baisse d’intérêt en 2023, Sylveline Besson d'Indosuez Wealth Management assure que tout est fait pour garantir clarté et transparence.

En matière d’investissements durables, les structures de produits les plus médiatisées sont les fonds traditionnels, les exchange-traded funds (ETF) et les fonds de marchés privés. Ce qui donne l’impression que les produits structurés sont peu concernés par les problématiques liées à la durabilité. Une fausse impression, dans la mesure où les produits structurés durables se traitent déjà depuis près d’une dizaine d’années. Et pas seulement dans le segment purement environnemental ou climatique.

En ce qui concerne les produits structurés «verts», les investisseurs ont le choix entre trois approches de durabilité, si l’on peut dire. «La première approche consiste en des produits indexés sur la performance de sous-jacents auxquels une solide note ESG est attribuée», explique Sylveline Besson, Head of Marketing, Investment Products & Services chez Indosuez Wealth Management, contactée par Allnews. Ces notes ESG peuvent être déterminées par des agences de notation spécialisées, internes ou indépendantes de la banque émettrice ou distributrice.

Les produits structurés solidaires donnent lieu à une donation à des associations caritatives ou des organismes engagés.

Plus durables encore sont les approches à «impact». Celles-ci pouvant être intégrées dans les programmes d’émissions spécifiques des émetteurs. «En effet, les produits structurés à impact incluent une obligation émise dans le cadre du programme d’émissions vertes de l’émetteur, les montants investis par les clients permettant de financer ou refinancer des projets environnementaux clairs et identifiés, comme l’installation d’un parc d’éoliennes par exemple», poursuit Sylveline Besson.

Une troisième approche consiste en des produits solidaires. «Dans ce cas, la souscription donne lieu à une donation à des associations caritatives ou à des organismes engagés dans des causes environnementales ou sociales», souligne Sylveline Besson. Ce à quoi correspond, par exemple, la solution d’investissement Indosuez Blue Cycle.

«Ce type de solution innovante, qui vise à agir en faveur de la préservation de l’eau et des océans, permet de donner plus de sens et un impact aux investissements réalisés par les clients». Cette solution utilise ainsi le programme des titres de créance structurés émis par Crédit Agricole CIB dans le respect des principes applicables à ses obligations vertes.

Le sous-jacent de ce produit repose sur un indice composé d’entreprises recourant à des processus d’eau efficaces, au recyclage de l’eau ou à des sources d’eau alternatives. La composante solidaire ajoutée se présente sous forme d’un don correspondant à un pourcentage du montant investi par le client, complété par Indosuez et Crédit Agricole CIB, afin de soutenir l’utilité et l’innovation à travers les projets de trois fondations et associations.

«La France est de loin le plus important marché européen pour les produits structurés ESG, devant l’Allemagne et l’Italie»

L’experte précise que la plupart des types de structure convient au segment durable, qu’il s’agisse de produits de participation, de protection du capital ou d’optimisation de rendement. Cependant, le produit ne pourra pas être indexé à la baisse de la performance du sous-jacent ayant une notation ESG élevée. «Rappelons également que les actions ne sont pas les seuls sous-jacents pouvant être utilisés, un bon nombre de produits de taux d’intérêt étant également largement traités sur le marché.»

Il faut dire, cependant, que l’année 2023 ne fut pas particulièrement favorable aux produits structurés durables. En Europe, les ventes de produits structurés liés à des sous-jacents dotés d’une notation ESG ont en effet baissé de 36% en 2023 (à 9,6 milliards de dollars) par rapport à 2022, selon les données de Structured Retail Products (SRP). L’an dernier, 1475 produits structurés ESG ont ainsi été émis contre près de 2500 un an plus tôt.

«La France est de loin le plus important marché européen pour les produits structurés ESG, devant l’Allemagne et l’Italie», observent Nikolay Nikolov et Marc Wolterink, analystes de la plateforme de données Derivia Intelligence (propriétaire de SRP), spécialisée dans les produits complexes. Ces trois marchés ont contribué à eux seuls à hauteur de 95% des volumes de ventes en 2023 (la France occupant la première place avec près des deux tiers du marché européen).

On y remarque également que les sous-jacents les plus utilisés au cours des cinq dernières années sont des indices. Tel que le SBF Top 50 ESG EW Decrement 50 Points Index, sur lequel est basée la performance de plus de 210 produits totalisant des actifs sous gestion (AUM) de 2,7 milliards de dollars. Ou l’Euronext Climate Objective 50 Euro EW Decrement 5% Index (plus de 30 produits pour des AUM de 2,7 milliards de dollar également).

Les directives suisses de la SSPA aideront les investisseurs à naviguer parmi les diverses approches de durabilité.

Pour l’exercice 2023, c’est toutefois l’iEdge ESG Transatlantic SDG 50 EW Decrement 5% NTR Index qui a connu le plus grand succès, avec des ventes de 830 millions de dollars pour 12 produits sur cette seule année, observent les experts de SRP. Avec 12 produits utilisant cet indice comme sous-jacent, la banque Natixis enregistre les plus importants volumes traités. Tandis que Société Générale s’est distinguée grâce à six produits ayant comme sous-jacent l’indice Solactive Transatlantic Biodiversity Screened 150 CW Decrement 50 Index.

Enfin, notons également que les investisseurs sont confrontés à des défis substantiels, lorsqu’il s’agit d’investir dans des produits structurés durables. Le processus de transition vers un portefeuille plus durable peut non seulement s’avérer complexe, mais il s’agit aussi de déterminer et comprendre les critères permettant d’évaluer objectivement l’impact réel des investissements en termes de durabilité. Il y a également la crainte que la prise en compte de critères durables ou non-financiers affecte de façon négative la performance financière.

C’est pourquoi l’on voit se multiplier des directives, normes ou orientations diverses visant à aider les investisseurs à naviguer parmi les différentes approches de durabilité. En Suisse, en l’occurrence, l’Association Suisse des Produits Structurés (SSPA) a publié au second semestre de l’année dernière (en juillet 2023) ses propres lignes directrices. À savoir les SSPA Sustainability Transparency Guidelines.

«Cette initiative est importante, dans la mesure où elle offre aux investisseurs de la clarté sur les normes minimales exigibles pour les produits structurés classés comme durables, incombant à la fois aux émetteurs et aux distributeurs», conclut Sylveline Besson, qui est également membre du Comité de Direction de la SSPA et représente les banques privées et autres institutions financières du côté buy-side en Suisse.

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