Les difficultés de l'immobilier américain sont avant tout un problème américain

Jan Viebig, ODDO BHF

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Le taux d'inoccupation sur le marché américain de l'immobilier commercial (bureaux) s'élevait désormais à plus de 19%. Il est donc plus élevé qu'au lendemain de la crise financière de 2008, où il s'élevait à environ 18%.

Les hausses des taux directeurs n'ont pas d'effet immédiat, mais se manifestent généralement dans l'économie avec un décalage de plusieurs mois. C'est désormais le cas du marché immobilier américain... Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes s'il n'y avait pas le marché immobilier américain qui émet des signaux inquiétants. Le taux d'inoccupation sur le marché américain de l'immobilier commercial (bureaux) s'élevait désormais à plus de 19% au troisième trimestre 2023. Il est donc plus élevé qu'au lendemain de la crise financière de 2008, où il s'élevait à environ 18%.

Mais les effets restrictifs de la hausse des taux ne sont pas seulement visibles dans l'immobilier commercial. Fin 2021, le taux d'un prêt hypothécaire à trente ans aux États-Unis était d'environ 2,7%. Fin octobre 2023, ce taux a atteint un pic de près de 7,8%. Actuellement, un tel prêt coûte environ 6,6%.

Sur le marché des bureaux, on constate en outre que le besoin en surface diminue structurellement et donc à long terme en raison de l'évolution des conditions de travail, comme le home office par exemple. Sur le marché de l'immobilier commercial, ce sont surtout les investisseurs financiers qui sont actifs: fonds immobiliers, sociétés de participation ou véhicules d'investissement comme les REIT (Real Estate Investment Trusts), qui veulent tous obtenir un rendement attractif pour leurs investisseurs. Ces investisseurs financiers souffrent aujourd'hui particulièrement de la hausse des taux d'intérêt, des taux d'inoccupation et peut-être de la nécessité de remplacer, dans un avenir proche, les financements existants datant de la période des taux bas par de nouveaux prêts plus coûteux.

Sur le marché de l'immobilier commercial, les investisseurs financiers ressentent en outre la pression croissante des banques qui, de leur côté, resserrent leurs conditions car elles craignent une augmentation des faillites sur le marché immobilier. En effet, les banques qui ont axé leurs activités sur les financements immobiliers sont désormais elles-mêmes sous pression. Ainsi, le 6 février 2024, l'agence de notation Moody's a abaissé la note de crédit de la banque régionale New York Community Bancorp de Baa3 à Ba2, soit au niveau «Ram». Mais certaines banques allemandes ont également des risques de crédit sur le marché immobilier américain. Les amortissements nécessaires qui en découlent vont certes peser sur leurs revenus, mais ne devraient pas les mettre en grande difficulté.

...Face aux difficultés du marché immobilier, certains investisseurs ont l'impression de se retrouver dans le passé. Mais nous sommes convaincus que la crise actuelle n'a pas grand-chose à voir avec la crise financière des années 2007 et 2008, même si celle-ci a débuté sur le marché du logement et donc sur le marché immobilier. Nous sommes également d'avis que la situation du marché immobilier américain doit être prise au sérieux et observée avec attention. Mais il n'est pas encore question d'une crise de l'ampleur de celle de 2008.

La différence essentielle est que les difficultés actuelles du marché immobilier étaient déjà prévisibles en raison de la hausse des taux d'intérêt. En ce sens, cette crise ne prend pas les acteurs du marché au dépourvu. De nombreux investisseurs institutionnels se sont préparés très tôt à des risques plus élevés dans l'immobilier américain. Il ne faut pas non plus s'attendre à ce que la crise immobilière se propage en Europe. Il n'est pas exclu qu'elle puisse également toucher l'un ou l'autre acteur du marché en Europe. Mais jusqu'à présent, cette crise est avant tout un phénomène américain.

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