Le déclin du pétrole

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Si la forte baisse des cours devait se poursuivre tout au long de l'année, elle aurait un impact désinflationniste dans la plupart des pays.

©Keystone

L'accord Opep+ sur les limites de production s’étendait jusqu'à la fin du mois de mars et est donc arrivé à son terme. Les membres du groupe sont désormais libres de pomper autant de pétrole qu'ils le souhaitent. Par contre, la demande n’est pas au rendez-vous. L'Agence internationale de l'énergie prévoit une baisse annuelle de la demande de 90’000 barils par jour cette année - voir même pire si la crise COVID-19 dure jusqu'au second semestre. Ce serait la première baisse annuelle de la demande de pétrole depuis 2009. 

Le groupe Opep+ se réunira jeudi 9 avril pour tenter d’instaurer de nouvelles limites à la production. Les pays du G20 se réunissent quant à eux le 10 avril pour débattre du sujet. Il faut savoir que les pays producteurs de pétrole font tous face à un prix du pétrole qui ne leur permet pas d'équilibrer le budget de l'Etat ainsi que les comptes externes. Cependant, la situation budgétaire de ces pays reste enviable par rapport aux économies matures et importatrices de pétrole, et ils ont tendance à afficher d'importants excédents des comptes courants. Par conséquent, si ces derniers se détériorent actuellement, c'est au moins à partir d'une position de force relative. Dans ce contexte, les coûts de production ne sont pas la principale préoccupation, car ils sont faibles pour la plupart. Les coûts les plus bas sont observés en Arabie saoudite où ils sont estimés à 3 USD/baril, et le Royaume-Uni se situe dans la partie supérieure à 17,4 USD/baril. Si l'on inclut les coûts de transport, les chiffres correspondants s'élèvent à 9-44 USD/baril.  

Avec des prix en baisse de plus de 65% par rapport à 2019,
l'augmentation du PIB mondial serait de 0,65 à 1,3 point de pourcentage.

La baisse des prix du pétrole est positive pour la croissance. Le FMI estime qu'une variation de 10% du prix du pétrole se traduit par une variation du PIB mondial de 0,1 à 0,2 point de pourcentage. Avec des prix en baisse de plus de 65% par rapport à l'année dernière, l'augmentation du PIB mondial serait de 0,65 à 1,3 point de pourcentage (toute chose égale par ailleurs). Les pays producteurs de pétrole sont toutefois confrontés au double choc de la baisse des prix du pétrole et de la crise COVID-19. Leur poids dans l'économie mondiale est d'environ 17%, et une récession dans ces économies atténuera l’effet positif sur le PIB mondial attendu par ailleurs. Néanmoins, il faut dire que les perspectives mondiales auraient été plus négatives si elles avaient dû faire face à une forte hausse des prix du pétrole en plus de la crise actuelle. 

La baisse des prix du pétrole freinera également l'inflation à l'échelle mondiale, de la même mesure qu’elle impactera la croissance du PIB (mais dans le sens opposé). La part de l’énergie est intégrée dans l’IPC à des poids différents selon les pays, en fonction de sa part dans la consommation moyenne des ménages: généralement plus importante dans les pays matures que dans les pays en développement. Toutefois, si cette forte baisse des prix du pétrole devait se poursuivre tout au long de l'année, elle aurait un impact désinflationniste dans la plupart des pays. 

Les pays producteurs de pétrole dont l’économie est mixte,
comme la Norvège, surmonteront mieux cette tempête.

Cette situation devrait entraîner un élan de réformes dans les pays producteurs de pétrole. Tous les pays économiseront de l'argent sur les subventions énergétiques, qui devraient de toute évidence être supprimées – il est en effet scandaleux qu’elles soient supérieures aux dépenses d'éducation sur le plan mondial (6,5% du PIB mondial pour les premiers, contre 5,9% pour les secondes). Le moment est venu de s'attaquer à ce problème important et de réorienter ces dépenses. Les pays producteurs de pétrole dont l’économie est mixte, comme la Norvège, surmonteront mieux cette tempête. La diversification d'une économie implique des réformes à long terme, mais la nécessité d'une telle action est aujourd'hui d'autant plus évidente. Les Emirats arabes unis, par exemple, se sont hissés au 16e rang sur 190 pays dans l'indice 2020 Ease of Doing Business (facilité de faire des affaires). En 2010, ce pays occupait la 33e place, ce qui témoigne de ce qu'il est possible de réaliser avec un rythme de réformes soutenu.

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