Vers un vrai plan fiscal 100% européen

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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L'ensemble des mesures prises par l'Allemagne représente 9,1% de son PIB nominal.

En Europe, les différentes mesures destinées à soutenir l’économie connaissent aussi une forte hausse. L'Allemagne a jusqu'à présent annoncé un emprunt de 150 milliards d'euros, un budget supplémentaire de 156 milliards d'euros, un fonds de sauvetage de 500 milliards d'euros et le gel des règles relatives au frein à l'endettement du pays. L'ensemble de ces mesures représente 9,1% du PIB nominal de l'Allemagne. Hier, les ministres de l'économie et des finances de l'Union ont réaffirmé que la clause de sauvegarde des règles budgétaires du pacte de croissance et de stabilité avait été activée face à la grave récession économique que connaît l'Union européenne.

Le soutien de l'UE à l'Italie, en particulier, fait l'objet de nombreuses discussions. Des obligations COVID-19 ont été proposées, de même que des prêts d'urgence sous les auspices du mécanisme européen de stabilité, le MES. Des informations pourraient être communiquées sur ces questions le 26 mars, lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'UE. Il existe plusieurs options:

Le président Macron a suggéré que la Banque européenne
d'investissement puisse être un émetteur.
  1. Avec la suspension des règles du Pacte de stabilité et de croissance, tous les pays sont libres d'engager les dépenses dont ils ont besoin tant qu'elles sont liées à la lutte contre le COVID-19. Les pays sont alors soutenus par des achats d'actifs de la BCE.
  2. Le MES est en fait le prêteur fiscal de dernier recours dans la zone euro. Il pourrait activer les transactions monétaires directes, ou TMD. Pour une crise différente, plutôt nationale, ces fonds seraient assortis de conditions concernant, par exemple, la mise en œuvre future des réformes des systèmes de retraite. Toutefois, les fonds pourraient être spécifiques à la lutte contre le COVID-19 et se limiter aux seules dépenses liées à la crise, notamment les dépenses de santé, les allocations de chômage et le soutien aux entreprises. Le MES dispose actuellement de 410 milliards d'euros, soit 3,4% du PIB de la zone euro. S'il fallait une occasion pour activer le TDM, cette occasion est arrivée.
  3. Il existe également une disposition qui a été approuvée par le Parlement européen en mars 2019, mais qui doit encore l’être par le Conseil européen pour devenir opérationnelle, et qui prévoit l'émission de titres adossés à des obligations souveraines, les SBBS. Ces titres sont destinés à être émis par des entités privées créées à cette fin. Les SBBS regrouperaient les obligations souveraines de différents pays et les reconditionneraient, offrant ainsi aux acheteurs une exposition plus diversifiée au marché des obligations souveraines de l'UE que ce que les banques nationales, notamment, possèdent habituellement. Son objectif était de réduire la spirale infernale par laquelle les gouvernements et les banques s'affaiblissent mutuellement, comme ce fut le cas lors de la crise financière mondiale. Si l'émetteur est une entité privée, il n'y aurait que le risque du secteur privé, et aucune mutualisation du risque entre les gouvernements européens. Toutefois, le président Macron a suggéré que la Banque européenne d'investissement puisse être un émetteur.
Tout nouveau type de coordination fiscale au sein de l'UE ou de la zone euro
nécessiterait de modifier les traités, ce qui n'est pas près de se produire.

Les avantages d'une obligation ou d'un fonds COVID-19 à l'échelle de l'UE ou de la zone euro seraient triples. Une telle obligation témoignerait de la solidarité régionale en temps de crise et enverrait ainsi un signal politique important. Elle permettrait sans doute d'accroître la transparence et la responsabilité. Elle pourrait également permettre à ceux qui disposent de moyens suffisants de soutenir directement les actions prises pour atténuer l'impact de cette crise. Pendant la Seconde Guerre mondiale, 84 millions d'américains ont acheté pour 185 milliards de dollars d'obligations de guerre.

Tout nouveau type de coordination fiscale au sein de l'UE ou de la zone euro nécessiterait de modifier les traités, ce qui n'est pas près de se produire. L'Allemagne serait désireuse de participer à la discussion d'un projet allant dans le sens indiqué ci-dessus, mais elle a exclu tout ce qui pourrait modifier le fonctionnement du budget de l'UE. La bonne nouvelle est donc qu'il existe des options viables pratiquement prêtes à l'emploi.

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