Le capital humain est un moteur essentiel de la croissance durable

Jean-Philippe Desmartin & Elise de Coligny, Edmond de Rothschild Asset Management

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Une entreprise qui prend soin de ses effectifs aura forcément une plus grande capacité à attirer et retenir les talents. Et donc à conduire le changement et à innover.

Pendant les années 2010, avant comme après la signature de l’accord de Paris sur le climat fin 2015, les analyses ESG se sont concentrées sur le pilier environnemental. La crise du Covid a constitué une rupture car elle a mis en lumière des problèmes sociaux, tels que la santé publique, la qualité des chaînes d'approvisionnement, l'emploi, les inégalités et des changements profonds dans la gestion des ressources humaines tels que le télétravail. Ce rééquilibrage entre les enjeux sociaux et environnementaux nous renvoie aux racines de la durabilité formalisée en 1987 dans le rapport Brundtland – où le développement économique répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

Plus récemment, certains aspects intangibles au sein du pilier social, ont ainsi été identifiés comme des sources de création de valeur à long terme pour les entreprises. Le capital humain est l'un d'entre eux.

En 1965, le futur prix Nobel, Gary Becker, définissait le concept de capital humain comme «la capacité productive qu'un individu acquiert par l'accumulation de connaissances et de savoir-faire généraux ou spécifiques».

Une entreprise qui investit dans son capital humain, donc dans la formation et l'amélioration des compétences de ses employés, en garantissant un lieu de travail sûr et de bonnes conditions de travail, verra une amélioration de sa productivité. Des formations régulières sont indispensables pour faire face à l'obsolescence des compétences, faire évoluer les connaissances dans le but de générer des gains de productivité plus importants. Investir dans le capital humain, c'est aussi investir dans l'amélioration des conditions de travail et dans le bien-être des salariés. Cela se traduira par des niveaux d'engagement plus élevés, entraînant des performances économiques supérieures.

Les entreprises qui se distinguent par la qualité de leurs pratiques «RH» ont également tendance à offrir des rendements supérieurs à ceux de leurs pairs.

Un cercle vertueux est alors créé. Une entreprise reconnue pour prendre soin de ses effectifs aura forcément une plus grande capacité à attirer et retenir les talents. Cela se traduira par des équipes plus engagées et plus stables, capables de conduire le changement et d'innover. Cette boucle de rétroaction positive peut être exploitée par l'investisseur car les entreprises qui se distinguent par la qualité de leurs pratiques «RH» ont également tendance à offrir des rendements supérieurs à ceux de leurs pairs.

Une quantité importante de recherches universitaires et de praticiens a établi une corrélation claire entre les bonnes pratiques de gestion du capital humain et la performance financière. Dans une pièce centrale de la recherche académique sur le sujet, le professeur de finance de la London Business School Alex Edmans, a conclu en 2011 que sur une période de 25 ans (et ajustée en fonction de la taille et des biais sectoriels), les entreprises ayant les meilleures pratiques RH ont généré un alpha moyen de +3,5% par an. La mise à jour de ces travaux par les chercheurs Boustanifar et Kang en 2021 est venue confirmer ces résultats.

La Grande Démission aux Etats-Unis a également été un catalyseur. Un nombre record de personnes ont quitté leur emploi alors que l'économie se remettait de la pandémie du COVID-19. Aux Etats-Unis, sur la période de mai à septembre 2021, 20 millions de salariés ont volontairement quitté leur emploi, soit 14% des effectifs, un record historique. L'ampleur de ce phénomène a incité de nombreuses entreprises à repenser leurs politiques d'embauche et réévaluer la manière de retenir les talents. Dans le dernier Employment Outlook Survey (Q3 2023) du groupe Manpower, 77% des employeurs affirment avoir du mal à recruter les talents avec les compétences recherchées. C’est un plus haut depuis 17 ans.

La capacité supérieure à attirer et à retenir les talents est devenue critique dans un contexte de concurrence accrue entre employeurs. Une culture RH performante devient de plus en plus un atout stratégique. En Suisse, pays qui se caractérise structurellement par un faible taux de chômage, le sujet est tout aussi prégnant.

C’est une thématique d’autant plus d’actualité à l’heure de l’intelligence artificielle, où les nouveaux outils sont adoptés par des millions de personnes en quelques jours et où l’obsolescence des compétences s’accélèrent à un rythme toujours plus rapide. Si l’IA ne sera pas le grand destructeur d’emploi annoncé, nos métiers évoluent et continueront d’évoluer, toujours plus vite. Ainsi, la capacité à se réinventer, à se transformer et à s’adapter sera clé.

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