La zone euro sous le nouveau régime inflationniste

François Collet, DNCA

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Le scénario d’une récession est peu probable en Europe pour les 12 prochains mois.

A ce stade de l'année, nombreux sont ceux qui tentent de déchiffrer l'orientation de la politique monétaire dans la zone euro. Actuellement, il est difficile pour la BCE de revenir à des hausses de 50 points de base, mais l’alternative consistant à ne pas augmenter les taux semble également compliquée, de sorte qu'une nouvelle hausse de 25 points de base en juin paraît plus probable. Le scénario le plus vraisemblable est celui de deux hausses supplémentaires, avec un taux de 3,75% comme point culminant. D'un autre côté, il est possible que le taux maximal ne soit que de 3,5% ou de 4%.

Bien entendu, en cas de détérioration des perspectives macroéconomiques, de surprise positive en matière d'inflation, voire de désinflation ou d'intensification de la crise bancaire, la BCE pourrait s'arrêter à une nouvelle hausse. Au contraire, s’il n’y a pas de décélération de l'inflation, et ainsi de suite, la BCE procédera à une nouvelle hausse en septembre. La banque centrale va rester aux taux maximums dans un avenir proche, c'est-à-dire au moins jusqu'à la fin de l'année, et la BCE ne pourra réduire les taux d'intérêt dans les 12 prochains mois après avoir atteint le maximum.

L'inflation de base est supérieure à 5% dans la zone euro.

La grande question est de savoir si ces niveaux correspondent à une politique monétaire restrictive ou à un retour à la normale. Il s'agit certainement d'une politique quelque peu restrictive, mais pas très restrictive. La première chose qu’il faut garder à l'esprit est que l'inflation de base est supérieure à 5% dans la zone euro. Cela signifie qu’il y a encore des taux négatifs réels, des taux inférieurs à l'inflation de base. On ne peut donc pas dire qu'il s'agit d'une politique monétaire très restrictive. Le deuxième point à considérer est qu'il est peu probable que la BCE revienne de sitôt à une politique de taux d'intérêt nominaux négatifs; zéro devrait être la nouvelle limite inférieure pour la banque centrale si une crise de grande ampleur devait se produire. Par conséquent, les nouveaux taux neutres devraient se situer entre 2 et 3% pour la BCE, ce qui lui laisse une marge de manœuvre pour descendre en dessous de ce niveau et tendre vers zéro si nécessaire. Elle devrait être en mesure de voter pour un taux de 5%, voire de 6%, si elle doit être très restrictive.

Tout cela s'inscrit dans un nouveau contexte de tarification. Le régime d'inflation a changé à cause de la transition énergétique et aussi à cause d'un choc négatif permanent du côté de l'offre, dû au manque de main-d'œuvre et aux difficultés rencontrées par les entreprises pour trouver des travailleurs qualifiés aujourd'hui dans une transition de la mondialisation. Par conséquent, cela exerce une pression à la baisse sur la croissance potentielle et une pression à la hausse sur l'inflation, provoquant ce premier facteur qui fait graviter vers une vision à long terme de l'inflation.

La légère désinflation observée cette année sera très positive pour la croissance.

Le deuxième facteur est qu’il y a trop de dette publique. Le seul moyen acceptable de réduire ce niveau élevé de dette par rapport au PIB est de laisser l'inflation augmenter légèrement par rapport à ce qu'elle était auparavant.

Un autre facteur est qu'en Europe, les salaires sont restés à la traîne de l'inflation, mais qu'ils augmentent maintenant, de manière générale. Ce sera un facteur assez important cette année; en raison de l'étroitesse des marchés du travail, les salaires vont rester élevés, ce qui commence déjà à se répercuter sur les effets de second tour de l'inflation et sur l'inflation auto-entretenue.

Dans un environnement d'inflation plus élevée, la volatilité de celle-ci l'est aussi. Cela signifie que, oui, il est possible de revenir à un niveau d'inflation de 2% et même en dessous, mais il s'agirait d'une désinflation transitoire, ce qu'il est très important de ne pas oublier.

Dans ces conditions, quelles sont les perspectives économiques de l'Europe? A court terme, en 2023, la situation est bonne. La légère désinflation observée cette année sera très positive pour la croissance. L'on dispose toujours d'un soutien budgétaire et bénéficions de la réouverture de l'économie chinoise. Tous ces facteurs sont positifs pour la croissance et compensent d'une certaine manière le resserrement de la politique monétaire, ce qui signifie que la croissance européenne devrait rester autour de 1% cette année.

En conclusion, la récession ne semble pas être un scénario probable pour les 12 prochains mois en Europe. Ce n'est évidemment pas la même situation qu'il y a deux ans, lorsque l'économie s'est rouverte. La situation redevient donc normale en termes de croissance: pas de forte réaccélération, mais pas de décélération non plus.

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