La prime Brexit, version terrain

Felipe Villarroel, TwentyFour AM

2 minutes de lecture

Les incertitudes provoquées par le Brexit représentent un gisement d’opportunités pour les investisseurs obligataires, à condition d’être sélectifs.

©Keystone

La situation politique du Royaume-Uni, et en particulier la position tranchée du nouveau Premier ministre britannique, Boris Johnson, vis-à-vis du Brexit, a abondamment été commentée sur les marchés ces dernières semaines et leur impact a été immédiat. La livre sterling a reculé de 6% par rapport à ses niveaux plafond les plus récents et les spreads de crédit domestiques se sont avérés moins performants que ceux des marchés européen et américain. 

Nous maintenons l’exposition au crédit libellé en livres,
tout en faisant preuve d’une grande sélectivité.

Comme dans la plupart des situations d’incertitude, ces mouvements se sont faits à l’aveugle et ils paraissent avoir contaminé l'ensemble du marché britannique. Ceci crée, bien évidemment, des opportunités et c'est la raison pour laquelle nous maintenons l’exposition au crédit libellé en livres sterling, tout en faisant preuve d’une grande sélectivité. Par ailleurs, une telle conjoncture illustre bien la nécessité de disposer d’une vision globale des marchés lorsque l’on investit dans les titres à taux fixes.

Cas pratique

La semaine dernière, Yesterday Pension Insurance Corporation (PIC), l'assureur britannique spécialisé dans les plans de retraite à primauté de prestations, a émis sa première obligation de type RT1 (Restricted Tier one). PIC est un établissement très réglementé dont l'activité consiste à vendre des assurances-rente à des caisses de pension afin de leur permettre de couvrir tout (pension buy-out) ou partie (pension buy-in) de leurs engagements. Sur ce créneau très spécialisé, mais important par sa taille, l’assureur britannique est parvenu à se tailler une part de marché significative, tout en menant une stratégie prudente. Quoique relativement peu connu, PIC affiche un bilan qui approche des 50 milliards de livres sterling et, l’an passé, Fitch lui a attribué la notation A.

Une valeur relative convaincante

L'obligation de type RT1 émise la semaine passée est un titre perpétuel noté BBB-, assorti d’une première option de remboursement anticipé dans dix ans. A l’émission, cette obligation offrait un rendement de 7,375%, ce qui représente un peu plus de 9% en dollars après la couverture du risque de change. Elle présente donc un profil intéressant si on la compare à l’indice BBB US Corporate dont la duration est similaire, mais dont le rendement s’établit à 3,55% pour une notation qui n’est que très légèrement supérieure, l’écart entre les deux étant seulement d’un cran. Quant à l’indice BBB US Financial en dollars, dont la duration est inférieure d’environ deux ans à celle de l’obligation RT1 émise par PIC, son rendement n’est que de 3,57%. Pour parvenir à un rendement de 9% en dollars, les investisseurs devraient descendre très bas dans l'univers des titres «non investment grade» et il leur faudrait s’exposer à de la dette d’entreprises des marchés développés ou de la dette émergente en devises fortes. 

Compte tenu du rendement offert, les investisseurs dans PIC sont suffisamment
rémunérés pour endosser les risques qui pourraient peser sur l’assureur.

Il est certain que les indices sélectionnés pour la comparaison présentent une duration plus courte que les obligations RT1 émises par PIC et que ces dernières comportent un risque de remboursement anticipé (étant perpétuelles, elles sont assorties d’un calendrier de remboursements anticipés potentiels). Cependant, nous sommes convaincus qu’elles restent très intéressantes du point de vue de leur valeur relative, à la fois du fait que leur émetteur est strictement réglementé et parce que, dans l’environnement actuel, le rendement devient une denrée extrêmement rare.

Immunisée contre le Brexit

PIC est une entreprise axée sur le Royaume-Uni et ses activités sont exclusivement domestiques. Par conséquent, il est peu probable que ses affaires aient à pâtir du Brexit, même au cas où il se ferait sans accord. Cela dit, si le climat macroéconomique venait à se détériorer et que les rendements obligataires ou la livre sterling subissent des influences contraires, l’assureur pourrait en subir les conséquences au niveau de ses performances. Néanmoins, nous estimons que, compte tenu du rendement offert, les investisseurs sont suffisamment rémunérés pour endosser ce type de risques. Et en ce qui nous concerne, les incertitudes provoquées par le Brexit restent un gisement d’opportunités pour les investisseurs.

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