La lente remontée du pétrole

Axel Botte, Ostrum AM

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La situation au Moyen-Orient alimente le rebond du pétrole, les marchés d’actions décalent à la baisse mais le crédit résiste.

©Keystone

 

Le pétrole fait une nouvelle fois dérailler les marchés d’actions. Le baril de brut réagit à l’extension du conflit israélo-palestinien à l’Iran, en franchissant le seuil des 90 dollars pour la première fois depuis l’automne 2023. Le soutien américain à Israël paraît remis en cause à la suite des derniers développements. L’instabilité de la région rejaillit aussi sur les anticipations d’inflation et les perspectives d’allègements monétaires de la Fed.

Parallèlement, les tensions commerciales se renforcent. La rhétorique américaine s’est durcie, au sujet des surcapacités chinoises en amont de la visite de Janet Yellen à Pékin. La faiblesse du yuan et l’effondrement des prix à l’exportation des biens chinois liés à la transition énergétique (véhicules électriques, panneaux photovoltaïques…) sont insupportables pour l’industrie américaine. Le risque protectionniste s’accroît, malgré les déclarations d’intention excluant un scénario de découplage des deux plus grandes économies mondiales.

La situation des finances publiques inquiète en France et en Italie.

Dans ce contexte troublé, les actions américaines corrigent de 2%, d’autant que la performance à deux chiffres au 1er trimestre motive des prises de profit. Le T-note s’échange brièvement à 4,40%. Le spread contre Bund s’est tendu à 200pb, proche des sommets des deux dernières années. A l’inverse, le resserrement du crédit se poursuit, malgré les tensions impactant le marché du high yield. Le billet vert reste ferme, ainsi que l’or.

Moment de doute pour la désinflation

Les dernières publications font état d’une croissance américaine proche de son potentiel, au premier trimestre. L’emploi progresse de 303’000 en mars, ce qui porte le total des créations d’emplois à 829’000 sur les trois premiers mois de l’année. Le taux de chômage reste inférieur à 4%. Les tensions salariales apparaissent contenues (+4,1% pour le salaire horaire moyen). L’entrée en vigueur, le premier avril, de la hausse du salaire minimum en Californie (+ 18% dans la restauration rapide) laisse planer le risque d’une réaccélération des rémunérations. L’inflation interne n’est clairement pas à 2%. C’est également le cas en zone euro où le prix de la valeur ajoutée (+5,3% au quatrième trimestre 2024) est déconnecté de l’inflation mesurée par l’IPCH (2,4% en mars). L’inflation dans les services (4%) ne s’améliore plus depuis 5 mois. Les enquêtes (PMI) préfigurent une reprise, tirée par les économies du sud. La hausse du pétrole, dans ce contexte, risque de mettre un terme à la tendance à la désinflation. En Chine, les enquêtes de conjoncture s’améliorent.

La hausse du brut et les publications solides contribuent à la remontée des taux à long terme. Le T-note s’échange près de 20pb au-dessus de la clôture trimestrielle. L’engagement de la Fed à baisser les taux déplace le risque financier sur les maturités plus longues. Pour cette raison, la repentification de la courbe des taux à travers une nouvelle hausse de la prime de terme est un scénario plausible. Le Bund sera également sous pression, compte tenu du niveau du spread proche de 200pb. La zone euro n’est certes pas le 13e district de la Fed mais ce qui se décide à Washington ne peut être ignoré, d’autant que l’euro s’échange sous 1,08 dollars. Un tournant accommodant prématuré risquerait d’affaiblir la monnaie unique, avec à la clé une résurgence de l’inflation importée.

Cela étant, la situation des finances publiques inquiète en France et en Italie. La consolidation budgétaire est un exercice pour le moins inhabituel, en France surtout. Pour autant, les prochaines décisions des agences de notation (en avril et mai) alimenteront les flux vendeurs qui ont déjà ramené le spread de l’OAT au-dessus des 50pb. La mise au jour de détournements de fonds européens en Italie est aussi de nature à mettre de la pression sur le spread. L’écartement de l’OAT et du BTP fait naturellement tache d’huile sur l’ensemble des dettes souveraines.

Le crédit est étonnement solide, dans ce contexte. Les flux entrants sur la classe d’actifs amplifient le resserrement des spreads. L’asset swap spread moyen (75pb), insensible au risque de dégradation de la note de la France, est au plus bas depuis 2022. L’iTraxx est aussi stable, autour de 55pb. Le marché du high yield est plus chahuté. Les candidats au défaut sont plus nombreux et les spreads des signatures les plus faibles se tendent. Le Crossover s’échange autour des 300pb. Les marchés d’actions ont corrigé avec la hausse du baril et l’emploi (S&P -2%). En Europe, les banques et l’énergie résistent, dans un marché globalement mal orienté. La volatilité implicite remonte au-dessus de 15%. Shanghai en profite pour reprendre 2,5%.

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