L’essor de l’intelligence artificielle, à la force de la puce

Harry Waight, Columbia Threadneedle Investments

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Bien qu'existant depuis des dizaines d'années, l’IA est véritablement sortie de l'ombre au cours des 18 derniers mois, pour s'imposer comme LA technologie qui façonnera la prochaine décennie.

A l’instar de ChatGPT, les outils d’IA génératrice de langage destinés aux consommateurs ont su capter l’intérêt du public, passant en quelques mois de l’anonymat aux feux des projecteurs. ChatGPT est l’application qui a connu la croissance la plus rapide de tous les temps, passant de zéro à 100 millions d’utilisateurs actifs dans les deux mois qui ont suivi son lancement, une prouesse que TikTok avait mis neuf mois à accomplir, contre deux ans et demi pour Instagram.

Entraînée à partir d’une quantité astronomique de données provenant de l’Internet, et affinée grâce aux interactions avec des centaines de millions d’utilisateurs, l’application ChatGPT est capable d’écrire des livres et des poèmes, de répondre à des questions, de rédiger des courriels et des documents de présentation, de planifier des vacances, de résumer des précédents juridiques et de rédiger des codes sophistiqués. Elle peut même inventer des blagues. Je me suis laissé prendre au jeu en demandant à l’AI d’inventer une blague sur les marchés financiers. En moins de deux secondes, elle m’a pondu la réponse suivante: Question: «Comment appelle-t-on un trader qui a perdu toutes ses économies? Un ancien trader!»

Si la blague ne me permettra sans doute pas de percer dans le milieu de l’humour de sitôt, j’ai déjà entendu bien pire. A l’heure où il ne fait plus aucun doute que l’IA automatisera la prise de décision et les tâches créatives de manière encore plus radicale que les robots n’automatisent les tâches physiques (c’est-à-dire que votre plombier pourrait y survivre bien plus longtemps que votre comptable), les capitaux des investisseurs affluent en masse vers le segment, en quête de la prochaine révolution. Il existe déjà plus de 500 start-up spécialisées dans l’IA génératrice de langage et, même si l’on exclut l’investissement de 10 milliards de dollars de Microsoft dans OpenAI, ces start-ups ont levé plus de 11 milliards de dollars en peu de temps auprès d’une communauté de capital-risqueurs désespérément à la recherche d’un nouveau thème autour auquel se rallier.

En cas de ruée vers l'or, achetez les pelles

Pour les investisseurs, il est toutefois extrêmement difficile de deviner lesquelles de ces start-ups deviendront les grandes entreprises de demain, et lesquelles finiront aux «oubliettes de l’entrepreneuriat», ou même si la technologie de l’IA deviendra une «commodité» (un produit de base) omniprésente, sans que personne ne soit en mesure de la facturer. Mais dans toute ruée vers l’or, il est toujours possible de faire son beurre en vendant des pelles, même si personne ne finit par trouver de l’or. Dans la course à l’intelligence artificielle, ces pelles prennent la forme de puces, qui soutiendront l’intensité de calcul inévitable d’un monde où les machines pensent à notre place.

Nous exploitons ce thème notamment par l’intermédiaire de TSMC, la première fonderie de semi-conducteurs au monde, qui détient plus de 50% du marché mondial de la fabrication de puces. Les puces fabriquées par TSMC sont utilisées partout, des smartphones aux voitures en passant par l’industrie du matériel médical. Elles contribuent à accélérer et à réduire le coût de la puissance de calcul et du stockage de la mémoire, ce qui a permis de démocratiser la diffusion de la technologie dans le monde à un niveau effarant, chacun des 7 milliards de smartphones que 85% de la population mondiale transporte dans sa poche étant exponentiellement plus puissant que l’ordinateur utilisé par la NASA pour guider le vol Apollo 11.

L’IA continuera d’accroître l’intensité de calcul, et donc la soif de puces. Les recherches menées par OpenAI ont montré que la puissance de calcul utilisée pour entraîner les plus grands modèles d’IA a doublé tous les 3,4 mois depuis 2012, ce qui représente une évolution quasiment exponentielle. Nvidia, Google, Apple et consorts vont consacrer d’énormes sommes d’argent au développement de puces sophistiquées pour soutenir cette puissance de calcul accélérée, et ils s’adresseront à TSMC pour fabriquer ces puces. Applied Materials a parlé de «l’ère de l’IA», qui verra le chiffre d’affaires de l’industrie des puces passer de 500 milliards de dollars à 1000 milliards de dollars par an. TSMC, ainsi que Nvidia, dont les unités de traitement graphique (GPU) dominent l’IA, seront au cœur de cette croissance, quelle que soit l’entreprise d’IA orientée vers le consommateur qui finira par dominer le secteur.

Plus en amont, nous détenons une participation dans ASML, le principal acteur mondial dans le domaine des équipements de lithographie, qui utilisent la lumière pour modéliser des circuits sur des plaquettes de silicium. Sans cet équipement de modelage, la miniaturisation des semi-conducteurs est impossible. En investissant des milliards de dollars dans la recherche et le développement durant pas moins de 17 ans, ASML s’est arrogé 100% des parts du marché mondial de la lithographie dans l’ultraviolet extrême (EUV), qui permet de créer des circuits d’une finesse extraordinaire sur les puces. Pour générer cette lumière EUV, un laser à CO2 envoie deux impulsions laser distinctes sur une goutte d’étain en mouvement rapide, ce qui vaporise l’étain et crée une lumière EUV, et ce jusqu’à 50’000 fois par seconde.

Chacune de ces machines EUV coûte des centaines de millions de dollars, prend 12 à 18 mois à fabriquer et implique la coordination de milliers de fournisseurs. Livrée à TSMC, Intel et Samsung, chaque machine pèse 180 tonnes et nécessite d’être démontée et transportée dans 40 conteneurs d’expédition et plusieurs avions, et une fois installée sur le site d’un fabricant de puces, son entretien nécessite la présente d’une équipe d’ASML sur place. ASML dispose d’une avance considérable en matière de recherche et développement par rapport à ses concurrents, d’un carnet de commandes de plusieurs dizaines de milliards de dollars et ses machines incroyablement sophistiquées sont théoriquement assez précises pour toucher votre pouce avec un pointeur laser depuis la lune.

Demande structurelle de puces

La diffusion de l’intelligence artificielle dans l’économie et à travers le monde sera un événement remarquable, profondément impactant et sans doute aussi terriblement angoissant. Elle entraînera probablement à la fois la création et la destruction d’entreprises et modifiera à jamais la façon dont le travail est effectué. Mais une chose ne fait quasiment aucun doute: il faudra de plus en plus de puissance de calcul, et les puces seront à la base de cette évolution. Nous pensons que TSMC et ASML sont deux des entreprises les mieux positionnées au monde pour soutenir ce boom de la fabrication de puces.

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