Comprendre la volatilité

William De Vijlder, BNP Paribas

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La baisse des taux longs est-elle davantage le reflet d’une fuite vers des valeurs sûres que d’une réévaluation des perspectives de politique monétaire à moyen terme?

Vendredi dernier les chiffres de la croissance américaine au T3 dépassaient les attentes tandis que l’inflation restait inférieure au consensus des prévisionnistes. Il y eut un temps où Wall Street aurait bondi, sur fond de références à un scénario de rêve, de croissance soutenue et de faible inflation comme dans la seconde moitié des années 1990, la fameuse ère des goldilocks. En réalité, le scénario s’apparente plus à un cauchemar: la bourse a baissé, assez significativement, poursuivant une tendance initiée il y a déjà quelques semaines.

Pour l’interprétation économique de ces développements, il y a lieu de comparer le comportement boursier avec celui d’autres classes d’actifs, un exercice toutefois compliqué par le fait que les corrélations entre classes d’actifs ont tendance à augmenter lorsque la tension monte.

Le différentiel de taux est fortement corrélé
au cycle économique.

Ainsi la baisse des taux longs est-elle davantage le reflet d’une fuite vers des valeurs sûres que d’une réévaluation des perspectives de politique monétaire à moyen terme. Ceci est rassurant puisque ces perspectives sont, à leur tour, étroitement liées aux anticipations de croissance économique. Une même impression de sérénité au niveau de la croissance du PIB se dégage lorsque l’on observe le marché obligataire des entreprises: l’écart de taux pour les émetteurs high yield a, certes, augmenté par rapport au taux des bons du trésor américain, mais demeure néanmoins dans le canal relativement étroit qui prévaut depuis quelques années.

Là encore, il s’agit d’un signe encourageant: le différentiel de taux est fortement corrélé au cycle économique, et lorsque l’on anticipe une chute de la croissance, la perspective d’une hausse sensible des défaillances d’entreprises fait grimper le taux des obligations d’entreprises par rapport à celui de la dette souveraine. L’absence d’un écartement important du spread suggère, donc, que les investisseurs n’anticipent pas de hausse sensible des faillites d’entreprises.

On peut pousser l’analyse un peu plus loin, et regarder la volatilité des performances boursières et obligataires. On ne regarde donc plus si, en tendance, la bourse et les taux baissent. L’idée est désormais de vérifier si hausses et baisses se succèdent à un rythme soutenu. Le cas échéant, cela traduirait des réévaluations rapides des facteurs déterminant le prix d’une action ou d’une obligation, une dynamique que l’on peut considérer comme l’expression d’une incertitude, d’un manque de conviction de la part des investisseurs. Ce point est important à deux titres.

Premièrement, qui dit incertitude dit aversion au risque élevée: ainsi, le risque existe que l’incertitude pèse durablement sur les rendements boursiers.

Deuxièmement, des recherches statistiques montrent que le passage à un régime de volatilité élevée est suivi – avec un certain décalage – par un ralentissement de la croissance, la volatilité boursière étant un bon indicateur avancé du cycle économique.

Cette relation s’explique par l’impact de la volatilité sur le coût de financement et l’appétence au risque, tant dans la sphère réelle (investissements des entreprises, consommation et investissements des ménages) que financière.

2018 est l’année du retour de la volatilité boursière
avec des pics élevés au mois de février.

Quels constats sommes-nous, donc, en droit de faire? Tout d’abord, 2018 est l’année du retour de la volatilité boursière avec des pics élevés au mois de février et, quoique dans une moindre mesure, dans un passé récent. La volatilité des taux longs, en revanche, n’a guère varié, et demeure faible. La même conclusion vaut pour les obligations high yield. Il en ressort que l’étroite corrélation qui a longtemps prévalu entre la volatilité de la bourse et celle du high yield s’est fortement atténuée.

Cette déconnexion pourrait s’expliquer par 1) une complaisance des investisseurs en obligations d’entreprises (resterait à savoir pourquoi), 2) les variations des perspectives de taux d’intérêt et de croissance ne sont pas le facteur à l’origine des mouvements des marchés actions, 3) les investisseurs en actions sont très nerveux, et tendent à surréagir aux données macroéconomiques par rapport aux investisseurs high yield, 4) le comportement récent des bourses est dicté par des inquiétudes concernant plutôt les résultats d’entreprises individuelles que les développements macroéconomiques. Étant donné les récentes déceptions sur le front des résultats de certaines entreprises, c’est probablement cette dernière interprétation qu’il faut privilégier. Plutôt que la crainte macroéconomique, c’est bien la crainte microéconomique qui semble dominer.

Article paru dans Le Jeudi du 1er novembre 2018

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