Composer avec les changements de discours ambiants

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

2 minutes de lecture

Jusqu’ici, l’année 2023 se caractérise par d’incessants changements des discours ambiants. Et il pourrait bien en aller de même jusqu’en fin d’année.

Même si l’année 2022 a été éprouvante pour les investisseurs, le discours ambiant était simple: l’inflation était trop forte et la Réserve fédérale a dû réagir en relevant drastiquement ses taux, ce qui a pénalisé les actions et les obligations, tout en soutenant le dollar américain.

Jusqu’ici, l’année 2023 est un bien meilleur cru (le S&P 500 est en hausse de 7%) mais elle se caractérise par d’incessants changements des discours ambiants. Et il pourrait bien en aller de même jusqu’en fin d’année. Par conséquent, les investisseurs devront faire preuve d’habileté pour mener leur barque dans les mois à venir.

Les conditions de crédit se durcissent: mauvais pour la croissance

Aux Etats-Unis comme en Europe, les autorités de réglementation ont réagi promptement pour apaiser les tensions dans le secteur bancaire, évitant ainsi une crise financière systémique. Résultat, les retraits de dépôts sont moins importants, les banques font moins appel à la Fed pour obtenir des liquidités et les indicateurs de tensions sur les marchés de financement restent contenus.

Toutefois, on observe des signes de poursuite du durcissement des conditions de crédit, ce qui pourrait freiner la croissance à moyen terme. Selon l’enquête de la Fed de Dallas sur les conditions de crédit bancaire menée entre le 21 et le 27 mars, les prêts commerciaux et industriels, le crédit immobilier et les volumes de prêts sont en baisse tandis que les conditions de crédit continuent de se durcir. De tels évolutions ne sont pas de bon augure pour la croissance d’ici quelques mois.

Même s’il n’est pas facile de composer avec la versatilité des discours ambiants, c’est une bonne chose que les taux reflètent un scénario plus pessimiste que les actions.
Fléchissement de l’emploi américain: à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle

Selon les dernières données, les créations d’emplois salariés non agricoles sont ressorties à 236'000. Il s’agit du plus faible chiffre mensuel depuis décembre 2020. Le salaire horaire moyen a augmenté de 0,3% en mars, après la hausse de 0,2% enregistrée en février. Sa progression en glissement annuel est tombée à 4,2%, au plus bas depuis juin 2021. Le taux d’activité a grimpé à 62,6%, en hausse pour le quatrième mois consécutif. Il est au plus haut depuis la pandémie.

Ces chiffres sont cohérents avec le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) de février, qui a fait état d’une diminution du nombre de postes à pourvoir dans le pays, à 9,9 millions, au plus bas depuis mai 2021. Le nombre de postes vacants rapporté au nombre de demandeurs d’emploi est ainsi tombé à 1,67, contre près de 2 auparavant.

Les optimistes y verront le signe d’une détente du marché de l’emploi avec un rééquilibrage de l’offre et de la demande de main d’œuvre. Les pessimistes y percevront le signe d’une dégradation nettement plus marquée dans les mois à venir.

Avec la décrue de l’inflation, la croissance devient LA préoccupation

La publication, mercredi passé, de l’indice des prix à la consommation (IPC) aux Etats-Unis a montré un tassement de l’inflation globale en mars à 5,0% sur un an, contre 6,0% en février. D’ailleurs, les effets de base favorables pourraient faire tomber l’inflation globale des prix à la consommation à 3% d’ici l’été.

Même si la Fed (et les marchés) accordent encore davantage d’importance à l’inflation sous-jacente, qui reste à un niveau élevé (5,6% en mars), la perspective d’une décrue de l’inflation globale à 3% pourrait conforter l’idée que c’est la croissance, et non l’inflation, qui dictera les décisions de la Fed et la performance du marché.

Divergences entre taux et actions: un enseignement positif

Par conséquent, même s’il n’est pas facile de composer avec la versatilité des discours ambiants, c’est une bonne chose que les taux reflètent un scénario plus pessimiste que les actions. En fait, cette divergence d’appréciation est un facteur clé qui peut conduire à préférer les obligations de qualité au détriment des actions. En effet, ces dernières ne semblent pas encore refléter le tassement de la croissance des bénéfices qui coïncidera probablement avec un virage accommodant de la Fed en fin d’année.

Dès lors, la Recherche d’UBS formule un avis Least Preferred à l’égard des actions et recommande de ne pas se limiter aux actions américaines et aux valeurs de croissance. Dans sa stratégie mondiale, elle maintient son avis Most Preferred à l’égard des obligations. Plutôt que les obligations à haut rendement, elle privilégie les obligations high grade (d’Etat) et investment grade, ainsi que les obligations durables et celles des marchés émergents.

A lire aussi...