Changement de contexte pour les marchés obligataires

Jean-Philippe Donge, Banque de Luxembourg Investments

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Inscrite à 10,6% en octobre 2022, l’inflation pour la zone euro s’établit désormais à 5,2%. Mais cela demeure encore bien au-dessus de l’objectif des 2%.

Il y a quelques mois, nous nous attardions sur l’épisode de remontée des taux que nous connaissons depuis deux ans maintenant. Nous en exposions les principales raisons et ses impacts pour la gestion obligataire. Confinement, politiques conjoncturelles procycliques, résilience du marché de l’emploi et guerre en Ukraine expliquaient globalement la remontée de l’inflation. Après dix hausses ininterrompues des taux de la BCE, l’inflation s’affiche en net recul pour la région. Inscrite à 10,6% en octobre 2022, l’inflation pour la zone euro s’établit désormais à 5,2%. Mais cela demeure encore bien au-dessus de l’objectif des 2%.

2023: Les marchés obligataires, un retour de plus de dix ans en arrière…

Alors qu’il se situait à presque -1% en septembre 2020, le rendement à l’échéance affiché par l’emprunt de référence allemand à 5 ans se situe à présent aux alentours de 2,8%. Ce niveau n’avait pas été observé depuis 2011 durant la crise de la dette européenne (relative à la situation des dettes grecque et portugaise). Sur les deux dernières années, c’est donc à une remontée de près de 4% que nous avons assisté sur le marché de la dette souveraine de qualité et d’échéance moyenne. Les autres classes d’actifs ne sont pas en reste: sur la même période, le rendement de l’emprunt de référence américain à 5 ans (la dette du Trésor américain) passe de 0,19% à près de 4,6%.

Pour ce qui est des actifs obligataires plus risqués et affichant un surplus de rendement, nous avons une dette d’entreprise en euro de rang « investment grade » qui offre près de 4% de rendement et une dette des pays émergents qui s’affiche à plus de 5% lorsque libellée en euro et 8% pour celle en dollar. De fait, et en tenant compte à la fois de considérations techniques ainsi qu’en nous basant sur une analyse des fondamentaux, les investissements obligataires présentent à nouveau un certain nombre d’opportunités intéressantes. Seule se pose encore la question de la continuité de la remontée des taux directeurs en Europe et aux Etats-Unis, en particulier.

Les enjeux évoluent eux aussi

Quoi qu’il en soit, la situation que nous connaissons actuellement s’avère être transitoire à bien des égards et ce, sur le court comme sur le plus long terme, en fonction des considérations qui sont prises en compte. L’économie européenne fait montre de signes d’affaiblissements avec une activité industrielle qui affiche un ralentissement important, en Allemagne notamment. Le chômage y progresse depuis plusieurs mois. Sur l’ensemble de la zone euro, les marchés immobiliers s’inscrivent à la baisse du fait du resserrement des conditions de crédit. Le ralentissement de l’activité (tant en Europe qu’en Chine) couplé au renchérissement du crédit affecte aussi les entreprises dont certains ratios de dette se détériorent même s’ils partent d’une base relativement solide (hausse du niveau d’endettement et dégradation de leur capacité à couvrir leurs charges d’intérêt).

Sur le plan géopolitique, la question du leadership mondial est de plus en plus prédominante. Le sommet des BRICS à Johannesburg en août dernier est une nouvelle manifestation de la remise en question de l’équilibre mondial qui prévaut depuis la chute du mur de Berlin. Ce sommet de Johannesburg, comme d’autres initiatives récentes, nous renvoie à la conférence de Bandung de 1955, conférence à laquelle ont participé divers pays asiatiques, moyen-orientaux et africains. Bandung avait pour objectif de promouvoir la coopération et la neutralité dans un contexte de Guerre froide. Près de trois quarts de siècle plus tard, l’avènement des BRICS, la volonté affirmée de nombreux états de procéder à une dédollarisation de leur économie, les velléités de la Chine sur Taiwan, la remise en question de la relation sino-américaine, la relocalisation de chaînes de productions en dehors de la Chine et en faveur d’autres pays tels que le Mexique ou le Vietnam mais aussi la redéfinition des échanges entre la Chine et la Russie et leur implication pour les autres grands pays émergents sont autant de développements qui redéfinissent la nature des échanges à l’échelle mondiale.

Par ailleurs, les récentes catastrophes climatiques comme les incendies de forêt au Canada, nous rappellent l’importance de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique.  

Certains de ces changements sont d’ordre structurel et prendront du temps pour se concrétiser. D’autres engendrent des opportunités à plus court terme sur les marchés de la dette publique comme privée. Face à ces développements, il se dégage à la fois des risques (inflation persistante ou aggravée, voir stagflation, dégradations de fondamentaux dans le chef de différents types d’émetteurs, multiplications des zones de conflit, etc…) mais aussi des opportunités pour les investisseurs (éventualité d’un cycle haussier sur les matières premières, accélération de l’industrialisation de certaines économies, accroissement des échanges commerciaux sur certaines zones, etc.).

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