Brexit – C’est aujourd’hui mais l’incertitude demeure

Philippe Waechter, Ostrum AM

2 minutes de lecture

Les Britanniques ont fait un choix politique plus qu’économique. Cette dimension politique va encore conditionner les choix qui seront faits par Boris Johnson.

Le Brexit est avant tout un choix politique qui traduit la volonté des britanniques de se réapproprier leur capacité à décider. C’est par ce prisme qu’il faut analyser leur décision de quitter l’Union européenne. L’appartenance à l’Union européenne a été perçue comme pénalisante par la société britannique.

Ce n’est en aucun cas un choix conditionné principalement par des considérations économiques. Que celles-ci aient pu être utilisées pour peser sur les orientations est une chose mais supposer que ce soit d’abord un choix économique avant une volonté politique n’est pas pertinent.

D’ailleurs, lors de la campagne pour le référendum du 23 juin 2016, l’argument économique suggérant un risque fort sur la croissance en cas de Brexit n’a pas fait bouger les lignes. Les scenarii, développés par la London School of Economics ou par le Trésor, indiquant une forte contraction du PIB n’ont pas porté. Le risque économique n’a jamais réussi à compenser la volonté politique.

A l’époque, le cœur des discussions ne portaient pas sur l’impact économique du référendum mais sur l’autonomie politique qu’il permettait notamment dans les choix sur la politique migratoire. La presse s’est fait l’écho de ce choix puisque l’argument économique n’a jamais réussi à faire la «une» dans la durée.

Pendant les 3 années suivant le référendum, les faits ont donné raison aux électeurs britanniques. Le risque économique, mis en avant, n’a pas été perçu comme pertinent puisqu’il n’y a pas eu de catastrophe économique. L’écart qui s’est dessiné entre le PIB observé et la tendance calculée de la reprise de 2013 au référendum s’est accru dans la durée et est une mesure du coût du Brexit. Celui-ci est déjà considérable.

Cependant, comme le Brexit ne commencera que le 1er février, l’analyse des conséquences économiques est encore à venir.

La question du Brexit a polarisé la société britannique. Chacun a été obligé de se définir sur cette question et ce choix nécessaire a conditionné tous les autres y compris les choix économiques. Alberto Alésina, Armando Minao et Stefania Stantcheva (voir ici) montrent cela sur des données américaines. La lecture et l’interprétation des faits économiques est conditionnée par la polarisation de la vie politique. Il y a un biais cognitif selon le lecteur échappant ainsi à une lecture objective des faits économiques.

On peut certainement utiliser ce cadre pour les britanniques après le référendum sur le Brexit et surtout après sa mise en œuvre par Boris Johnson. Depuis qu’il est entré en politique, le premier ministre est marqué par sa capacité à s’adapter aux changements d’humeur des britanniques. Il saura adapter la politique économique aux attentes. Il a déjà évoqué cette question sur les dépenses de santé.

Dès lors le domaine des possibles est très large car les choix économiques ne sont plus déterminés par des critères purement rationnels ou idéologiques mais ils deviennent conditionnés par la position politique de celui qui fait ce choix en fonction de ce qu’il croit être les attentes de ses électeurs.

Une conséquence immédiate est que l’incertitude sur la situation du Royaume Uni vis à vis de l’Union européenne n’est pas réduite. D’ailleurs, jusqu’à présent, les choix n’ont pas encore été faits quant à la position du Royaume Uni vis à vis de l’Union. Le choix de l’accès au marché unique sera-t-il central avec l’avantage de maintenir la Grande Bretagne dans la chaine de valeur européenne ou y aura-t-il rupture avec l’Union européenne? On peut toujours plaider que la première branche de l’alternative est la plus rationnelle et la moins pénalisante tant pour les britanniques que pour les européens. Mais cela dépendra de la perception qu’auront le gouvernement britannique et Boris Johnson en particulier des souhaits de ses électeurs. Une grande économique diversifiée comme celle des britannique pourra-t-elle se plier dans la durée aux injonctions et décisions de Bruxelles? Rien n’est moins sûr.

Boris Johnson souhaite aboutir à la fin de l’année 2020, c’est très court. Il a fallu plus de trois années pour valider la séparation. 11 mois suffirait-il pour faire l’inventaire détaillé des relations entre les deux? Si la séparation doit effectivement avoir lieu le 31 décembre prochain, c’est très proche et le risque d’un «Brexit dur» demeure.

A lire aussi...