«From TINA to TALA»

Cédric Dingens, NS Partners

3 minutes de lecture

Pendant longtemps privé de réelle alternative aux actions, l’investisseur a enfin l’embarras du choix.

Au cours des dernières années, un environnement de marché marqué par des taux à zéro et une faible volatilité a contraint la plupart des investisseurs - sous couvert de la formule «TINA – There Is No Alternative» - à privilégier les actions. Résultat: les marchés ont connu un marché haussier sans précédent qui a coupé les ailes des gérants cherchant à ajouter de la valeur par une gestion active. Aujourd’hui, la situation s’est inversée et l’on assiste (enfin) au retour en grâce des hedge funds et des stratégies alternatives. De fait, le mantra en vogue est aujourd’hui devenu «TALA - There Are a Lot of Alternatives». Tour d’horizon des stratégies gagnantes en 2022 et de celles qui sur lesquelles il faudrait se pencher en 2023.

Le talent revient au sommet de l’affiche

Les 18 derniers mois ont vu le rebond fracassant de l’inflation et 2022 a ainsi connu l’une des remontées de taux les plus rapides de toute l’histoire de la Fed. Par ailleurs, le regain des incertitudes macroéconomiques a entraîné une volatilité accrue sur toutes les classes d’actifs. Si cela a gêné la plupart des acteurs, cette situation a toutefois permis aux traders les plus talentueux de revenir sur le devant de la scène et retrouver les feux de la rampe.

Les fonds Equity Long/Short à la peine

Il faut dire que les marchés actions ont été difficiles à traiter l’année dernière, avec en moyenne pas moins d’une rotation Value/Growth par mois. En conséquence, les gérants Equity Long/Short fondamentaux ont souffert, notamment ceux ayant un biais croissance et qualité et une sous-pondération au secteur de l’énergie en général. Ainsi, même si les gérants ont pu générer un alpha positif sur la partie Short, 2022 a malgré tout été l’une des pires années en termes de génération d’alpha sur la partie Long pour les raisons évoquées ci-dessus.

Les gérants Actions ont souffert

Fortement influencé par l’évolution des taux d’intérêt, comme en témoigne la corrélation inverse presque parfaite entre l’évolution du MSCI World et les taux 10 ans US, le marché Actions n’était clairement pas propice aux gérants fondamentaux, dont les titres ont fortement sous-performé sans aucune raison fondamentale sous-jacente. En conséquence, l’indice HFRI Equity Hedge a perdu -10,4% en 2022, avec des baisses de -17,1% pour le fonds AKO Europe, de -12,0% pour Blackrock Strategic ou encore de -12,7% pour  Egerton. La tendance s’est toutefois retournée à partir du quatrième trimestre 2022 et le début de cette année a été bien meilleur pour ces gérants.

Le retour de balancier devrait être favorable

La nouvelle encourageante est que, si l’on observe les statistiques de génération d’alpha des gérants Equity Long/Short sur plus de 30 ans, on constate qu’il existe une cyclicité marquée. Autrement dit, avec la normalisation des taux d’intérêts, 2023 pourrait bien marquer le retour de performances intéressantes pour les gérants Equity Long/Short. Cela est encore plus vrai si l’on raisonne en termes relatifs, car il n’est pas évident aujourd’hui d’imaginer des marchés actions très porteurs avec un ralentissement économique et des bénéfices de sociétés revus à la baisse.

De son côté, la Chine a été une histoire en soi, avec une volatilité qui y a atteint des sommets. Dans ce contexte, les gérants Equity Long/Short chinois ont plutôt bien navigué, ce qui leur a permis d’afficher une performance bien meilleure que celle de l’indice Eurekahedge Greater China L/S Index, en baisse de 14,6% en 2022 à comparer avec -23,6% pour l’indice MSCI China. Les gérants ont plutôt bien protégé à la baisse puis ont augmenté le risque ces derniers mois pour capturer une belle partie de la hausse du marché. Cette dernière séquence nous incite à poursuivre une exposition au marché chinois via une approche Equity Long/Short.

Un rôle de stabilisateur

Pour leur part, les stratégies Relative Value ont joué un rôle parfait de stabilisateur dans les portefeuilles. En effet, selon UBS HF PB, la performance des gérants Relative Value a été de +3,9% en 2022. Les plateformes comme Millennium +11,7%, DE Shaw Oculus +20,4% ou encore Balyasny Atlas Enhanced +10,4% ont vu leurs encours augmenter significativement. Ce modèle permet d’attirer les meilleurs traders et leur capacité à gérer le risque de façon efficace permet d’afficher des performances très peu corrélées au marché. Par leur faible volatilité pour une partie significative d’entre elles, elles représentent une alternative au segment obligataire dans un portefeuille, sans avoir à subir les conséquences de l’évolution des taux d’intérêt. Les espérances de rendement continuent d’être intéressantes, notamment si les niveaux de volatilité restent à des niveaux relativement élevés.

And the winner is…

Enfin, la grande stratégie gagnante en 2022 a été le Global Macro discrétionnaire. Il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources du monde des hedge funds des années 70 et 80, marquées par des marchés sans direction évidente et une inflation élevée. Si nous nous référons encore une fois aux données d’UBS HF PB, les gérants macro discrétionnaires ont empoché +23,1% l’année dernière. Les gérants ont gagné beaucoup d’argent en pariant sur la hausse des taux, ce qui a permis à un spécialiste de ces marchés comme Rokos d’afficher une performance de +50,9% en 2022. En raison de leur nature opportuniste et de leur faculté à déployer du risque sur toutes les classes d’actifs, leur terrain de jeu s’est considérablement accru ces derniers temps. De plus, leur tendance à privilégier les futures et options leur permet d’être long en termes de convexité et leur confère ainsi une asymétrie intéressante. Autre bonne nouvelle, ils sont désormais payés pour attendre, ce qui permet une gestion plus souple de leur book. Parmi les belles performances affichées en 2022, nous pouvons mentionner Caxton Macro en hausse de +34,8% ou Brevan Howard Master +20,1%.

Il est difficile de prédire comment l’année 2023 va se dessiner, mais force est de constater qu’il existe un regain d’intérêt pour les stratégies actives. C’est une question de philosophie d’investissement, ainsi qu’une volonté de dormir plus sereinement, tout en mettant ses économies au travail sur les marchés.

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