Thomas Jordan quittera la BNS fin septembre

AWP

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Le Biennois à la tête de la Banque nationale suisse depuis 2012 juge le moment opportun pour se retirer, le retour à la stabilité des prix étant accompli.

Le président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), Thomas Jordan, quittera ses fonctions le 30 septembre. Le Biennois avait pris la tête en 2012 d’un institut d’émission en crise après la démission de Philipp Hildebrand, l’une des nombreuses tempêtes que M. Jordan aura traversées à la barre de la banque centrale helvétique.

Se présentant visiblement détendu devant la presse réunie vendredi au siège zurichois de l’institut d’émission, M. Jordan a déclaré se trouver en bonne santé. Durant l’été 2021, ce dernier avait subi avec succès une intervention médicale après un examen préventif, reprenant ensuite son activité. Agé de 61 ans, le président du directoire de la BNS a ajouté avoir entamé la réflexion quant à son départ de la banque centrale helvétique depuis un certain temps. Le retour à la stabilité des prix accompli, le moment opportun est venu, a-t-il poursuivi.

Tirant un bref bilan de douze années passées à la tête de la BNS, le Biennois a relevé que son mandat n’a pas vraiment connu de période calme. «Une crise a succédé à une autre». Mais dans l’ensemble, il n’y a rien à regretter rétrospectivement, a-t-il répondu à une question à ce sujet. Lors de la crise ayant vu Credit Suisse sombrer, la BNS a pu éviter une crise financière en collaboration avec la Confédération et l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma).

A l’heure d’évoquer son avenir, Thomas Jordan a ajouté ne pas avoir de projets, soulignant son engagement total jusqu’au terme de son mandat. Le banquier central n’a pas souhaité évoquer sa succession, la question ne relevant pas de ses attributions. Composé de trois membres, soit le président et deux vice-présidents, le directoire de l’institut d’émission est nommé par le Conseil fédéral, sur proposition du Conseil de banque de la BNS, lequel se joignant à la direction de la banque centrale, a déclaré dans le communiqué faisant part de la démision de M. Jordan «regretter au plus haut point» sa décision.

Nombreuses crises

Arrivé à la direction générale de la BNS en 2007, Thomas Jordan a été mis très rapidement à contribution. Le banquier central a traversé la crise financière de 2007-2008 en qualité de responsable du fonds de stabilisation créé en vue de reprendre des actifs illiquides d’UBS, la grande banque systémique alors en graves difficultés.

La nomination de Thomas Jordan la tête de la BNS est intervenue dans un contexte de crise pour l’institution, le Biennois ayant remplacé Philipp Hildebrand, contraint à la démission suite à des transactions controversées sur devises réalisées par son épouse d’alors. Il est confirmé dans ses fonctions en avril 2012, après une période d’intérim de trois mois.

La levée du taux plancher entre le franc et l’euro en 2015 fut l’un des faits marquants de la présidence de M. Jordan, alors que la crise du Covid-19 et la chute de Credit Suisse auront marqué la fin du mandat.

Près de huit ans de taux négatifs

Défendant, notamment face au secteur bancaire helvétique, de longues années une politique monétaire ultra accommodante, le président démissionnaire de la BNS a mis un terme en septembre 2022 aux taux d’intérêts négatifs qu’il avait lui-même introduits en 2015.

Né en 1963 à Bienne, Thomas Jordan est entré à la BNS en 1997. Il a fourni une «contribution décisive» à l’élaboration de la nouvelle stratégie de politique monétaire introduite fin 1999, précise le communiqué. Le banquier central est nommé suppléant à la direction en 2004 et accède au saint des saints trois ans plus tard.

Début 2010, il accède à la vice-présidence de la BNS, oeuvrant dans cette fonction au développement de l’actuelle série de billets de banque et du volant anticyclique de fonds propres, un instrument destiné à éviter les bulles immobilières.

Cette démission constitue une grosse surprise, souligne Karsten Junius, chef économiste de la banque J. Safra Sarasin sollicité par AWP. L’actuel président aura fortement contribué à renforcer la crédibilité de la BNS, notamment en ramenant l’inflation dans la cible visée plus rapidement que les autres grandes banques centrales.

Il ne sera pas facile pour son successeur de marcher sur des traces aussi glorieuses, à en croire M. Junius. L’avis est partagé par l’économiste Stefan Gerlach, l’un des trois membres de l’autoproclamé «Observatoire de la BNS». Le successeur de Thomas Jordan pourrait bien être choisi à l’externe, puisque traditionnellement la direction générale compte deux membres provenant du secteur privé et un ayant fait ses classes à la BNS.

Martin Schlegel accèdera un jour à la tête de l’institut d’émission, mais pas dans l’immédiat, de l’avis de Stefan Gerlach. L’actuel vice-président de la BNS, la quarantaine, ne siège que depuis août 2022 à la direction générale. Le Conseil fédéral pourrait bien choisir quelqu’un de plus expérimenté.

L’UDC fait une «confiance aveugle» à Jordan, le PS critique

L’UDC regrette l’annonce de la démission du président de la Banque nationale suisse (BNS) Thomas Jordan, qui jouissait d’une «confiance presque aveugle» du parti. Le PS critique de son côté la «monarchie héréditaire» qui règne à la BNS.
Pour l’UDC, Thomas Jordan «était un garant de la stabilité de la BNS», a déclaré le chef du groupe parlementaire Thomas Aeschi à Keystone-ATS. Le parti souhaite qu’une personnalité similaire lui succède à la tête de l’institution, ajoute le Zougois, qui préside la commission de l’économie du Conseil national.
Les Vert’libéraux ont salué pour leur part le travail solide du Bâlois, qui a fait preuve de calme en période de turbulences. La stabilité des prix est garantie, estime le PVL. Le parti attend du prochain président qu’il adopte la même attitude, qu’il prenne mieux en compte les risques climatiques dans sa stratégie de placement et qu’il se penche sur la crise de Credit Suisse.
Le PS se montre, lui, plus critique. Il réclame la fin de la «monarchie héréditaire» à la BNS. Il déplore que M. Jordan a quasiment désigné lui-même son successeur, Martin Schlegel, qui devrait le remplacer à la tête de la banque.
Le parti exige du futur président que la BNS procède à nouveau à des versements d’argent, comme l’exige la Constitution fédérale. Celle-ci donne en effet «deux missions claires» à la BNS: mener une politique monétaire qui serve les intérêts généraux du pays et distribuer deux tiers de son bénéfice aux cantons.
Or, depuis la fin de la politique des taux d’intérêt négatifs, la BNS a versé plus de huit milliards de francs d’intérêts aux banques, alors que la Confédération et les cantons n’ont rien reçu, déplore le PS. Qui exige aussi que la BNS prenne en compte des objectifs de durabilité dans ses placements.

 

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