Précurseur sur les marchés secondaires de private equity

Nicolette de Joncaire

4 minutes de lecture

Pionnier des fonds «evergreen», Pantheon ouvre un bureau à Genève. Entretien avec Carlos Arias.

Fondé à Londres en 1982 et détenu en majorité par le groupe américain AMG depuis 2010, Pantheon investit dans les placements privés, sur les marchés primaires et secondaires, tant dans le capital-investissement que dans la dette privée et l’infrastructure et, plus récemment dans l’immobilier. A fin juin, ses encours se montaient à 94,6 milliards de dollars dont 62 milliards en gestion discrétionnaire qui inclut stratégies dédiées et mandats, et le reste en advisory. Les deux tiers des encours, soit 66 milliards de dollars sont placés dans le private equity. Précurseur sur les marchés secondaires et sur l’accessibilité à une large clientèle, Pantheon lançait son premier véhicule «evergreen» en 1987. Fin novembre, la société de gestion ouvrait un bureau à Genève dirigé par Carlos Arias. Entretien.

Quel est le positionnement de Pantheon au sein des marchés privés?

Nous disposons d’une capacité d’investissement spécialisée dans différents domaines – private equity, private debt, infrastructure et l’immobilier -, et pour chaque classe d’actif, nous couvrons l’ensemble du cycle avec une approche à forte conviction et un accès aux meilleurs General Partners, ceux dont l’accès est le plus difficile. Notre robuste réseau construit sur plus de 40 ans nous permet ainsi une ouverture sur des transactions hors marché d’une qualité exceptionnelle. Nous investissons tant sur les marchés primaires que secondaires et en coinvestissement directement dans les sociétés en portefeuille avec nos GP partenaires sans jamais entrer en concurrence avec eux. Notre terrain de prédilection est le «mid-market», un univers où la taille des fonds se situe entre 200 millions et 5 milliards de dollars et la valeur des entreprises sous-jacentes se situe entre 200 millions et 2,5 milliards de dollars. C’est l’univers d’investissement le plus large et le plus diversifié en private equity avec près de 2'300 GPs et plus de 33'000 sociétés non-cotés. En comparaison, l’univers mid-market coté à 4'700 sociétés. Mais nous sommes très sélectifs et notre univers actuel se résume à 600 General Partners au maximum pour le capital-investissement, 70 pour la dette privée et une cinquantaine pour l’infrastructure. Quand nous sélectionnons un GP, nous examinons entre autres son track record, sa stratégie de création de valeur, son comportement lors des cycles passés, son approche au levier et évitons les premiers millésimes. En d’autres termes, nous minimisons les risques sur l’équipe de gestion. Nous avons été parmi les premiers à lancer des véhicules sur les marchés secondaires : un fonds de capital-investissement en 1988, un autre sur les infrastructures en 2010 et un troisième sur la dette privée en 2018. Avec pour résultat un track inégalé sur les marchés secondaires.

Quels sont les avantages que présentent les entreprises de ce segment «mid-market»?

Les entreprises de cet univers ont un potentiel de croissance plus important, des multiples d’entrée plus bas et des fenêtres de sortie plus larges que les large caps. Le potentiel de performance y est plus élevé et les dispersions entre le premier et quatrième quartile sont plus hautes. Si vous avez le savoir-faire que nous avons pour naviguer le mid-market, vous arriverez à accéder et à maintenir les performances de premier quartile. Pour sortir de l’investissement, nous pouvons tabler sur une introduction en bourse ou une acquisition stratégique par une autre société ou par un autre fonds de private equity. Sur le plan sectoriel, nous diversifions mais évitons les secteurs cycliques en leur préférant par exemple les acteurs de la santé ou de la tech à «mission critique». Nous portons une attention particulière aux modèles d’affaires à revenu récurrent. Nous sommes aussi conservateurs sur le levier, tant celui des sous-jacents qu’au niveau de nos fonds et nos transactions où nous n’utilisons généralement peu ou pas de levier.

A quelle clientèle vous adressez-vous?

Notre clientèle est très diversifiée mais nous ne traitons qu’avec des investisseurs qualifiés. Nous nous adressons aussi bien aux investisseurs institutionnels - fonds de pension, assurances, fonds de dotation ou fonds souverains qu’à la fortune privée - banques, family offices ou gestionnaires indépendants – ainsi qu’à certains grands consultants spécialisés. Nous sommes également parmi les précurseurs dans l’écosystème des fonds marchés privés evergreen avec un premier fonds lancé en 1987 qui gère plus de 3 milliards de dollars. Ce fonds est le premier des quatre programmes de notre plateforme evergreen qui gère près de 7 milliards en tout et offre des solutions liquides et semi-liquides Ces produits ont joué un rôle très important notamment dans l’expansion de notre base d’investisseurs dans le segment de la gestion privée. Pantheon sait travailler aussi bien avec des clients avec peu d’expérience des marchés privés qu’avec des investisseurs expérimentés à la recherche de stratégies spécialisées pour compléter et améliorer leur portefeuille de marchés privés.

Que dénote l’ouverture du bureau de Genève?

Elle complète l’éventail de nos bureaux européens de Londres, Berlin et Dublin et démontre notre engagement vis-à-vis de notre clientèle institutionnelle et de gestion privée existante en Suisse qui a plus de 20 ans. Genève est l’un des principaux centres de gestion de fortune au monde et nous permettra de répondre aux besoins des clients suisses ainsi qu’au reste de l’Europe francophone ainsi qu’aux marchés italien et espagnol.

Quelle sera, selon vous, l’évolution des marchés privés?

Les encours mondiaux des marchés privés se montent à 13’800 milliards de dollars dont 7500 milliards sur le private equity seulement. Sur les 5 dernières années, la croissance annuelle a été de 18% par an malgré la perte de souffle de 2022, année où, tout de même, 1200 milliards ont été levés. La combinaison de l'évolution des besoins des investisseurs, de la volatilité croissante des économies et des marchés, et de l'amélioration de l’offre de solutions d’investissement va continuer d’alimenter l’appétit pour les marchés privés qui continueront d’aider les investisseurs à optimiser leurs portefeuilles. La sophistication des marchés privés se poursuivra, ce qui entraînera de plus en plus de spécialisation. Les marchés secondaires vont continuer sur leur trajectoire de croissance. Ce qui est intéressant c’est de voir comment le secondaire a évolué, ce qui était dans le passé un outil de liquidité est devenu avec le temps une classe d’actif à part entière avec plus de 100 milliards de dollars déployés en 2022 rien qu’en private equity. Un récent rapport de Bain indique que sur les quelques 275'000 à 295’000 milliards de dollars d’actifs sous gestion à échelle globale, toutes classes d’actifs et investisseurs confondus, la moitié est aux mains d’investisseurs individuels alors que sur les marchés privés, cette proportion est à peine de 16%. Cela laisse donc une immense marge à une croissance possible notamment avec l’appétit que l’on observe au sein de la gestion privée si les barrières structurelles – liquidité, transparence, réglementation – sont peu à peu levées et que «l’expérience de l’investisseur» continue de s’améliorer grâce a notamment toute l’innovation que l’on observe dans la fintech. Ajoutons que le désengagement des banques depuis la crise de 2008 est l’un des principaux moteurs de la croissance de la dette privée, marché qui a pris son envol depuis quelques années et qui lève plus de 200 milliards de dollars chaque année, plus de quatre fois les montants levés il y a à peine 10 ans en arrière pour atteindre des actifs sous gestion globaux de plus de 1'400 milliards de dollars fin 2022. Finalement, le marché de l’infrastructure privé a également profité d’une croissance exceptionnelle sur les dix dernières années avec une expansion annuelle de capitaux levés proche de 20% et des actifs sous gestion globaux de plus de 1'200 milliards dollars fin 2022. L’investissement en infrastructure offre stabilité, protection naturelle contre l’inflation et prévisibilité que les investisseurs apprécient particulièrement.

Que pensez-vous de la performance des marchés privés aujourd’hui et dans les années à venir. Pourquoi investir en marchés privés aujourd’hui?

Les marchés privés ont un historique de surperformance vis-à-vis des marchés cotés. Une étude en particulier démontre que pendant les bull markets que nous avons vécu de 2004 à 2006 et 2010 à 2019, la performance moyenne du private equity a été de 15,5% pour la médiane et de 28,7% pour le 1er quartile contre 13,3% pour le Dow Jones Industrial Average (DJIA). Lors des bear markets de 2002 à 2003, 2007 à 2009, 2020 et 2022 à 2023, l’étude démontre une performance moyenne du PE de 7,5% pour la médiane et 18,8% pour son 1er quartile contre 2,3% pour le DJIA. De 1990 à 2022, la surperformance des TRI du private equity vis-à-vis de l’indice MSCI World a été de 7% pour la médiane et de plus de 16% pour le 1er quartile. Je pourrais continuer ainsi sur bien d’autres indicateurs mais pour conclure les marchés privés et le private equity ont su démontrer au cours des derniers cycles leur capacité à offrir plus de stabilité et de résilience dans les portefeuilles face à des environnements volatiles. Cela se confirme plus encore dans le mid-market où la performance est généralement moins affectée par la volatilité grâce à une décorrélation plus importante avec les marchés publics que le segment large caps, une plus grande agilité des équipes d’investissement et une utilisation généralement moins agressive de l’ingénierie financière.

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