La BNS suivra-t-elle la BCE?

Salima Barragan

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Le marché a commencé à escompter une baisse de taux, estime Martin Oetiker chez SYZ AM.

Imitant la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale, la Banque nationale suisse a maintenu, lors de sa dernière réunion de Juin, une politique monétaire expansionniste. Depuis, l’institut suisse a été également obligé d’intervenir sur le marché des changes pour contenir la vigueur du franc. Si la Banque centrale européenne annonce en septembre une baisse des taux, ce qui renforcera le franc suisse contre l’euro, comment la BNS ripostera-t-elle? Allnews a posé la question à Martin Oetiker, gérant senior chez SYZ Asset Management.

A partir de quel seuil la BNS intervient-elle sur le marché des changes?

Elle n’a pas de seuil prédéfini car elle intervient en fonction de la dynamique économique, de l’environnement politique et des mouvements des autres banques centrales, bref en fonction de l’évolution des marchés. Par exemple, la semaine passée, la BNS est probablement intervenue sur le marché à un niveau de 1,08 pour absorber la forte demande du franc suisse. Bien évidemment, nous pouvons remettre en question sa stratégie, car la deuxième alternative plus libérale consisterait à laisser le franc fluctuer librement, quitte à défavoriser les entreprises exportatrices et le tourisme. Or, conformément à notre Constitution, la BNS doit non seulement surveiller l’inflation, mais également tenir compte de l’évolution de la conjoncture. Elle se voit donc obligée d’intervenir.

«Je ne pense pas que la BNS agisse
selon une bande de fluctuation en termes d’absolu.»
Si la Banque centrale européenne baisse son taux directeur en septembre, ce qui porterait préjudice au franc suisse, comment la BNS réagira-t-elle?

La BNS sera forcée de suivre les mouvements de la BCE, et devra donc également baisser son taux de référence pour éviter une appréciation progressive du franc suisse. Par ailleurs, le marché obligataire a déjà commencé à escompter cette baisse de taux. Les rendements des obligations CHF à court terme et de bonne qualité sont descendus temporairement jusqu’au niveau de -1%. 

Savons-nous dans quelle bande de fluctuation la BNS maintiendra notre devise nationale?

Nous n’avons pas d’information concrète à ce sujet. Le marché estime que l’institut intervient lors des urgences comme les situations de stress international ou lorsque les investisseurs étrangers réduisent leurs expositions au risque et cherchent un «safe heaven». Dans de tels cas, la BNS est certainement plus vigilante. Etant donné qu’il s’agit d’un environnement dynamique, où la valeur d’une monnaie dépend d’une multitude de facteurs, je ne pense pas que la BNS agisse selon une bande de fluctuation en termes d’absolu. 

«Si tout le monde est acheteur de notre franc,
la BNS aura de la peine à faire barrage.»
Pourquoi se montre-t-elle toujours très opaque sur sa politique monétaire?

Je suppose qu’elle est opaque pour rester maîtresse de la situation et pour éviter une sorte de «front running» par d’autres acteurs du marché des changes. Il faut également prendre en considération le volume absolu du franc suisse par rapport aux autres grandes monnaies comme le dollar et l’euro. Si tout le monde est acheteur de notre franc, la BNS aura de la peine à faire barrage. 

Quelles sont les implications des taux négatifs (qui durent depuis 2014, soit bien plus longtemps que prévu) pour les détenteurs d’obligations?

Compte tenu de la baisse consécutive des taux d’intérêts jusqu’à ce jour, les détenteurs d’obligations ont réalisé une belle performance. Aujourd’hui, la question est de savoir si cette baisse va perdurer ou si situation va se retourner en leur défaveur. 

Quelles sont vos perspectives pour le marché obligataire suisse?

A des niveaux de rendement négatif, investir dans une classe d’actif dont on sait à l’avance qu’elle perd de l’argent laisse pensif. En revanche, si les taux devaient descendre davantage, la valeur actuelle des obligations continuera à monter. Nos perspectives tablent sur une continuation, voire une accélération de la baisse des taux. Les banques centrales, qui sont devenues les acheteurs naturels d’obligations ainsi que les caisses de pension et les assurances vie qui doivent remplir leurs engagements dans le futur, continuent d’acheter des emprunts, ce qui maintient la demande intacte. Cela dit, pour un client privé, il est vrai que cette classe d’actif paraît peu attractive ces jours. Mais quelle que soit la situation du marché, il faut rester positif, car il y a toujours des opportunités à saisir.

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