Les meilleures stratégies sur les obligations suisses

Salima Barragan

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«La duration dépend de l’horizon de temps de l’investisseur», estime Martin Oetiker, chez SYZ Asset Management.

 

L’économie suisse est en bonne santé. Cependant, les spreads de crédit sur les obligations libellées en franc suisse se sont écartés. Le marché semble anticiper une hausse future des taux d’intérêt directeurs qui sont actuellement négatifs. Or, selon Martin Oetiker, gérant senior chez SYZ Asset Management, le risque de la BNS est positivement biaisé. C’est-à-dire que les taux d'intérêt négatifs peuvent rapporter des revenus supplémentaires tant que l’inflation reste maitrisée. Éclaircissement de ses stratégies pour générer de l’alpha.

PRIVILEGIER LES SECTEURS PEU SENSIBLES AUX HAUSSES DE TAUX

Dans des conditions normales, l'élargissement des spreads de crédit est guidé par le rapport entre les ratios d’endettement et le coût du capital, c’est-à-dire les taux d'intérêt. «Depuis février, nous avons observé une augmentation quasi linéaire des écarts des primes de risque de crédit des émetteurs de qualité du segment «low investment grade », comme les BBB. En revanche, les spreads des obligations notées AAA à A étaient plutôt stables», explique Martin Oetiker. Mais la Banque nationale suisse, qui ne souhaite pas mettre sa monnaie nationale à risque, n’est pas pressée de hisser ses taux car cela renforcerait l’attractivité du franc suisse. Elle va probablement attendre que la Banque centrale européenne durcisse en premier ses conditions monétaires.

Les investisseurs qui anticipent une élévation des taux
ont tendance à réduire les durations de leurs portefeuilles.

Les entreprises suisses, qui ont préféré rémunérer leurs actionnaires que se désendetter alors que les conditions étaient favorables, vont devoir supporter des taux de refinancement plus stricts. Pour ce spécialiste en obligations suisses, les secteurs les plus sensibles au coût du capital, comme le bancaire et l’immobilier, souffriront le plus. Alors que la pharma, la chimie mais aussi, les bons de la confédération, seront les moins exposés.

EVITER LES DURATIONS COURTES

Dans la configuration actuelle de courbe des taux d’intérêt ascendante, les investisseurs qui anticipent une élévation des taux ont tendance à réduire les durations de leurs portefeuilles. Mais cette approche défensive pourrait s'avérer coûteuse. «Cela équivaut à une perte d’opportunité sur une duration plus longue qui se cumulera avec le temps», indique Martin Oetiker. Selon le spécialiste, cette stratégie est payante uniquement si la remontée des taux est immédiate. «Les investisseurs qui anticipent une forte hausse des taux d'intérêt doivent être précis dans leur timing. Car si elle ne se matérialise pas, leur stratégie à court terme sera moins efficace que celle à long terme», explique-il. D’ailleurs, jusqu’à présent, les maturités à court terme ont davantage souffert que celle à 10 ans et au-delà.

Les taux d'intérêt augmentant avec les maturités, les investisseurs sur les échéances longues surclassent ceux positionnés sur les courtes. «La pente de la courbe des rendements (différence entre les taux à long terme et ceux à court terme de la BNS) étant ascendante, l’on peut investir sur des échéances plus longues en générant des rendements positif grâce l’effet de portage à un taux nominal plus élevé», explique Martin Oetiker. De plus, si la structure de la courbe des taux reste identique, le «roll down» permet d’investir dans une obligation de maturité – par exemple – à 10 ans sur une période d’un an, pour obtenir à terme une maturité à 9 ans. «Au fil du temps, l'investissement initial sera de plus en plus court, ce qui entraînera un glissement vers le bas de la courbe des rendements», rajoute-il. Le yield étant inférieur sur une échéance plus courte, l’augmentation mécanique du prix de l’obligation engendre un rendement total positif.

La question de la duration dépend principalement
de l’horizon de temps de l’investisseur.

Enfin, pour le spécialiste obligataire, la question de la duration dépend principalement de l’horizon de temps de l’investisseur. «A notre avis, le choix de la duration dépend des objectifs de l'investisseur et de sa tolérance au risque. Par exemple, les fonds de pension et les compagnies d'assurance-vie sont prêts à compenser les risques de taux», souligne le gérant.

STRATEGIE DE L’ECHANTILLONAGE STRATIFIE

L’univers des obligations en franc suisse de l’index de référence de la bourse Suisse compte 1’350 titres, ce qui restreint la liquidité du marché. Les stratégies actives n’y sont donc pas adaptées car elles requièrent une rotation élevée des titres. «Le potentiel intrinsèque d’alpha, après coûts, est limitée dans le cadre des paris directionnels. Tout style d'investissement devant être adapté au marché, nous avons opté pour la stratégie d'échantillonnage stratifié où nous pouvons quantifier les risques de tracking error ex-ante à un niveau prédéfini», explique Martin Oetiker. En pratique, chaque tranche d'échéance indicielle est remplie d'un échantillon de titres disponibles sur la marché. «Pour ce faire, nous avons construit un index neutre. A l'intérieur de chaque poche d'échéance, nous choisissons les meilleures obligations de leur classe. Et c'est là que notre analyse de crédit joue un rôle important», poursuit le gérant. Ainsi, le taux de couverture de l'indice est d'environ un tiers et le taux de rotation des titres est bas. «La plupart de nos clients institutionnels sont peu enclins à prendre des risques. Ils sont en conséquence axés sur les indices de référence», rajoute-il. Au final, c’est le client qui définit son niveau de risque en fonction du tracking error maximal admis sur son portefeuille. Cette stratégie convient aux investisseurs à long terme et non à ceux en quête de rendements rapides.

Face à l’élévation des primes de risques, SYZ redouble de prudence dans la sélection des émetteurs. Pour chacun de ses indices de référence, elle ne choisit que les meilleures. « Notre processus d'investissement limite les risques idiosyncratiques. Nous attribuons à chaque émetteur un profil de risque combiné à une opinion (sous-pondération, neutre ou surpondération). Leur note finale entraine un poids relatif maximum et une fourchette de durée. La déviation possible à l’indice dépend de cette note. Ainsi, notre objectif est d'ajouter continuellement des quantités contrôlées d'alpha tout en évitant les risques de queue statistique», précise Martin Oetiker. Les activités d’analyse de crédit de SYZ Asset Management sont sous-traitées à une entreprise indépendante. Les prévisions des niveaux des taux d'intérêt étant complexes, elles ne peuvent toujours être fructueuses : « Nous avons constaté que la sélection des titres sur la base d'une analyse de crédit fondamentale et indépendante offre les meilleurs résultats. Tant en termes relatifs que absolus », conclut-il.