Accompagner les entreprises tout au long de leur processus de «wealth creation»

Yves Hulmann

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Pour Michael Bär, CEO de MBaer Merchant Bank, nombre de banques veulent gérer la fortune des plus riches mais sans se demander comment celle-ci a été créée au départ.

Pourquoi vaut-il la peine de créer une nouvelle banque en Suisse aujourd’hui? Michael Bär, directeur et fondateur de MBaer Merchant Bank qui a démarré ses activités en Suisse en 2018, explique les objectifs de l’établissement qui se positionne en tant que banque des entrepreneurs, de leurs entreprises et de leurs familles. Entretien.

Pourquoi avoir créé MBaer Merchant Bank d’emblée en tant que banque en 2018, plutôt que de proposer des services en tant que gérant indépendant ou comme conseiller en investissement?

Dans mes activités professionnelles par le passé, je me suis souvent demandé pourquoi j’avais eu l’impression qu’une banque ou un prestataire de services financiers faisait bien ou mal son travail. Au lieu de simplement critiquer le travail effectué par d’autres ou de se plaindre quand quelque chose ne va pas, je me suis dit qu’il était plus intéressant d’essayer de faire mieux soi-même. En me demandant ce qu’il serait possible d’améliorer, je suis arrivé à l’idée que le concept de «merchant bank» correspondait le mieux à l’offre de service que nous voulions proposer chez MBaer Merchant Bank.

A quoi correspond le concept de «merchant bank» et comment le mettez-vous en œuvre chez MBaer?

Dans les grandes lignes, je dirais qu’il s’agit d’accompagner une entreprise ou des entrepreneurs dans toutes les activités qui leur permettent de créer de la valeur, de la suivre tout au long de son processus de «wealth generation». Si l’on remonte plus loin dans le passé, beaucoup de banques en Suisse avaient débuté leurs activités en tant que «merchant bank», contribuant de cette façon à l’essor de l’industrie helvétique dans différents secteurs.

«Je ne crois pas vraiment au scénario d’une récession modérée. Je n’ai encore jamais assisté à un atterrissage en douceur de l’économie de ma vie.»
Était-il clair dès le départ que MBaer Merchant Bank devait avoir une licence bancaire?

Aujourd’hui, il est bien sûr possible de proposer des services financiers sous différentes formes. Toutefois, si l’on prend l’exemple des gérants de fortune indépendants, il en existe déjà un très grand nombre en Suisse. S’agissant des négociants en valeurs mobilières, ces structures ne disposent que d’une possibilité d’action limitée. Quant aux sociétés de conseil, il s’agit aussi d’un domaine très concurrentiel. En tant qu’établissement au bénéfice d’une licence bancaire, nous disposons chez MBaer d’une envergure plus large et nous pouvons vraiment fournir aux entreprises les services dont elles sont besoin.

Quel est actuellement le secteur d’activité le plus important pour MBaer Merchant Bank – la gestion de fortune, la finance d’entreprise, le conseil?

Nos relations d’affaires avec nos clients débutent souvent dans le cadre de services que nous proposons à des entreprises pour les accompagner et garantir les opérations de paiement. Notre clientèle est avant tout constituée de clients d’entreprise. Lorsque ces clients estiment avoir été bien servis dans un domaine – qu’il s’agisse de la gestion de leur trésorerie (cash management), de services liés au trafic des paiement ou d’autres prestations comme le conseil en matière d’acquisitions –, ces relations d’affaires se prolongent souvent de façon naturelle dans le domaine de la gestion de fortune. Il s’agit le plus souvent d’une continuité de la relation d’affaires plutôt que d’une segmentation stricte entre activités gestion de fortune et celles de corporate finance. Nous avons toujours misé sur une approche très flexible centrée sur la relation avec nos clients et nous préférons éviter que nos équipes travaillent chacune dans leur coin.

Ce sont donc les activités de merchant banking, qui conduisent ensuite à celles de gestion de fortune.

Oui, en général, les choses vont dans ce sens. De plus, il est à mon avis plus naturel qu’une relation d’affaires commence de cette manière. J’aurais de la peine à aller vers un client et lui dire : voici ce que nous faisons, confiez-moi s’il vous plaît votre fortune et je vais m’occuper de la gérer. Une telle offre de service ne me paraîtrait pas entièrement honnête. Aujourd’hui, beaucoup de banques ou des gérants de fortune veulent d’emblée avoir accès la fortune des plus riches mais sans jamais se préoccuper de savoir comment cette fortune a été créée au départ. C’est tout l’inverse chez MBaer Merchant Bank. En accompagnant une entreprise tout au long de son développement et de son processus de «wealth creation», on peut à mon avis ensuite nettement mieux évaluer quels sont ses besoins en matière de gestion de fortune également et mieux répondre ainsi aux attentes de nos clients grâce à notre connaissance de leur situation spécifique. Par exemple, il arrive souvent que nous ayons affaire à des dirigeants de PME qui sont extrêmement habiles dans leur domaine d’activité mais qui ne savent pas trop comment ils pourraient organiser une succession à la tête de l’entreprise ou sa transmission à la prochaine génération. Les questions de succession et d’héritage peuvent rapidement devenir un véritable casse-tête pour certaines entreprises – cela nécessite un savoir-faire qui va bien au-delà des aspects liés à la seule gestion de fortune.

2022 a été un exercice très difficile sur le plan financier. Au début de 2023, quels sont les principaux facteurs de préoccupation de vos clients?

Je pense tout d’abord que le conflit en Ukraine a modifié en profondeur les préoccupations des gens – dans la population en général tout comme chez les entrepreneurs. Cette situation leur pose des questions beaucoup plus existentielles. Pour de nombreux entrepreneurs et investisseurs, la question est désormais moins de savoir si je vais gagner 1% de plus ou de moins avec tel ou tel placement. Certaines entreprises se préoccupent aujourd’hui davantage de savoir si elles auront tout bonnement encore accès à suffisamment de liquidités si la situation se détériorait, de savoir si leurs marchandises peuvent être transportées ou livrées à tel ou tel endroit en toute sécurité. De manière générale, je pense que l’argent qui est placé en dehors de l’entreprise doit l’être fait de manière extrêmement prudente. Mieux vaut avoir un rendement un peu plus faible mais être certain d’avoir accès à son argent.

Quelles sont vos attentes concernant l’économie pour la suite de l’année 2023?

Je suis convaincu que l’on va connaître une récession beaucoup plus importante qu’une simple phase de ralentissement de la conjoncture. Je ne crois pas vraiment au scénario d’une récession modérée. Je n’ai encore jamais assisté à un atterrissage en douceur de l’économie de ma vie. De plus, la stratégie à venir des banques centrales me paraît encore très difficile à lire et à interpréter. Jusqu’à la fin 2021, la Fed avait toujours parlé d’inflation «transitoire», or ce n’est pas du tout ce qui s’est produit ensuite en 2022. À mon avis c’est possible que les banques centrales procèdent à davantage de hausses des taux pour contrer l’inflation que ce que beaucoup d’acteurs du marché anticipent. Je m’attends ainsi à une année qui restera difficile sur les marchés et pour l’économie dans son ensemble.

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