«Le deuxième pilier est un facteur essentiel d’embauche»

Philippe Rey

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Dans le choix d’un emploi, la prévoyance professionnelle joue un rôle clé, comme la rémunération. Entretien avec Yvonne Häring, présidente suppléante de la direction du groupe Pax.

Plusieurs mesures sont indispensables à la pérennité de la LPP au sein du système des trois piliers du système de prévoyance vieillesse (AVS, LPP et prévoyance individuelle). L’avis à ce sujet de Yvonne Häring, responsable du département produits & actuariat de Pax, qui applique un taux de conversion fractionné garantissant la transparence.

Quels sont aujourd’hui les plus grands défis du 2ème pilier?

Le plus grand défi dans la prévoyance professionnelle, la LPP, qui constitue le deuxième pilier, réside dans l’évolution démographique. Nous devenons toujours plus âgés. Depuis 1950, l’espérance de vie à 65 ans a augmenté de 60%. Ce qui est en soi un beau progrès ! Chaque année de vie gagnée doit être financée en raison de l’âge de la retraite fixé. Toutefois, nous devons satisfaire des promesses de rentes qui ne peuvent plus l’être avec un taux de conversion légal de 6,8%. Ce qui a pour corollaire un subventionnement des actifs en faveur des retraités et qui n’est pas prévu par le système de la prévoyance professionnelle.

En clair, il est impossible de compenser cette redistribution avec les rendements atteints de la prévoyance vieillesse. Nous devons adapter le 2ème pilier à la réalité économique et démographique. Au vrai, nous n’échapperons pas à un abaissement du taux de conversion, bien que cela ne soit pas facile à mettre en œuvre politiquement parlant.  

Comment peut-on rénover ce système? Préconisez-vous en particulier une cotisation pour le financement de la garantie de conversion, une réduction de la déduction de coordination et un aplanissement de l’échelonnement des bonifications en fonction de l’âge?

La prévoyance professionnelle est fondamentalement et certainement un système qui continuera à assumer une grande responsabilité sociale pour notre contrat de générations. Mais, en même temps, on doit s’adapter d’urgence aux changements économiques et sociétaux. Le taux de conversion (ndlr: pourcentage qui permet de convertir l’avoir de vieillesse en une rente de retraite annuelle) actuel devrait passer de 6,8% à 6%. Mais même un taux de 6% ne reflète de loin pas la réalité économique; ce qui nécessite un montant pour financer la garantie de conversion. Cette contribution rend possible le financement transparent des pertes persistantes de conversions en rentes.

Les collaborateurs doivent comprendre que la LPP est un élément important du paquet global présenté par un employeur et qu’un simple regard à court terme sur le salaire ne suffit pas.

En outre, une réduction de la déduction de coordination est nécessaire afin d’améliorer le niveau des prestations pour revenus faibles à moyens, en particulier pour les personnes travaillant à temps partiels et ayant plusieurs emplois. Cela permettrait aux personnes à bas salaires d’épargner davantage dans le cadre de la prévoyance professionnelle.

Enfin, un aplanissement de l’échelonnement des bonifications en fonction de l’âge est susceptible de stimuler l’embauche et l’emploi permanent des personnes de plus de 55 ans. C’est pourquoi Pax soutient cette mesure proposée par le Conseil fédéral. Sans oublier des mesures supplémentaires ciblées, qui puissent garantir aux générations transitoires (ndlr: les salariés amenés à prendre leur retraite ces prochaines années) les prestations prévues jusqu’ici. Ces mesures sont soumises à une procédure d’élimination des divergences au parlement fédéral.

Toute la réforme doit encore être adoptée par l’Assemblée fédérale. Il est dans l’intérêt de toutes les parties engagées de trouver des bons compromis, afin de transmettre aux générations futures une prévoyance professionnelle stable.

Une solution attractive dans le 2ème pilier est-elle un avantage compétitif décisif pour une entreprise pour lutter contre la pénurie de personnel spécialisé?

Une solution optimale LPP peut en effet devenir de plus en plus un facteur décisif pour le choix d’un emploi et le fait de le garder. Cependant, beaucoup d’employés et entreprises n’ont pas encore pris pleinement conscience qu’une solution réfléchie et d’envergure en matière de prévoyance professionnelle devient toujours davantage un facteur essentiel sur le marché du travail. A fortiori avec le manque de main d’œuvre spécialisée et les temps incertains qui règnent à présent.

Les collaborateurs doivent comprendre que la LPP est un élément important du paquet global présenté par un employeur et qu’un simple regard à court terme sur le salaire ne suffit pas. Ils doivent également prêter attention à la LPP dès leur jeune âge. Quant aux entreprises, elles doivent considérer comme partie intégrante de leur attractivité un 2ème pilier robuste en tant qu’employeurs de choix.  

Quel futur voyez-vous pour le 3ème pilier?

La dernière votation a démontré que nous étions, avec le bon sens typiquement suisse, en situation de mettre sur la bonne voie les réformes nécessaires de l’AVS et du 2ème pilier également. Néanmoins, le troisième pilier, purement privé, joue un rôle toujours plus grand dans notre système complet des trois piliers. Je recommande aussi vite que possible et, dans le cadre des possibilités individuelles, d’investir une part de son argent dans la prévoyance privée, afin de préserver son niveau de vie actuel lors de la retraite. Celui qui commence à investir tôt dans le 3ème pilier peut constituer un apport important pour sa prévoyance privée, même avec des petits montants.   

Les prestataires doivent devenir plus innovants pour chercher et trouver une sortie du modèle dual actuel dans la prévoyance professionnelle, à savoir le modèle d’assurance complet et les solutions semi-autonomes. Que fait Pax à cet égard?

Pax a développé avec «Pax Duo Star» un nouveau modèle flexible afin de sortir du choix limité entre autonomie partielle et assurance complète. C’est une solution alternative avec laquelle les cotisations d’épargne et les avoirs de vieillesse sont divisés en deux parts égales, une moitié avec une garantie à 100% et l’autre axée autour du rendement.

Cette solution combine sécurité et opportunité de rendement. Elle s’adresse aux sociétés qui ne veulent pas prendre de risque en épargnant le capital vieillesse de leurs employés, mais qui souhaitent cependant bénéficier de chances de rendement à long terme. Dans la partie orientée vers le rendement, l’avoir de vieillesse est investi de telle façon que les clients peuvent participer à l’évolution des marchés financiers, à l’instar d’une solution semi-autonome (ndlr: où les assurés assument le risque de placement).

Est-ce une véritable innovation sur le marché suisse?

C’est une étape supplémentaire dans le développement de la prévoyance professionnelle. Quelle que soit la situation des marché financiers, les clients profitent toujours:  soit de la garantie, soit des chances de rendement.

Peut-on dire de même s’agissant de votre nouveau modèle de taux de conversion?

Nous avons développé un nouveau modèle de calcul, qui prend toujours en compte, pour calculer la rente de vieillesse, l’avoir de vieillesse obligatoire et celui sur-obligatoire, contrairement à ce qui est pratiqué habituellement sur le marché (ndlr: un taux global ou uniforme pour l’ensemble de l’avoir de vieillesse).  

Pax s’assure ainsi que la redistribution des assurés actifs en faveur des rentiers soit réduite de façon correcte et équilibrée. Les assurés qui disposent d’un faible avoir de vieillesse sur-obligatoire touchent ainsi une rente plus élevée et ne sont pas désavantagés. Et une épargne additionnelle ou des rachats facultatifs conduisent à une rente de vieillesse plus élevée. La réduction de la redistribution bénéficie aux assurés actifs, grâce à une meilleure rémunération de l’avoir de vieillesse sur-obligatoire par le biais d’excédents.

Le montant de la rente de vieillesse individuelle repose sur trois bases de calculs. Dans l’intérêt des assurés, Pax s’oriente toujours vers la valeur calculée la plus élevée. En somme, il s’agit d’une solution d’avenir, qui prend en compte les intérêts de tous les assurés.

Pax peut-il devenir le meilleur assureur vie et prévoyance en Suisse? Votre focalisation exclusive sur ce domaine est-il un avantage au regard d’autres concurrents, en particulier Swiss Life, qui fait valoir des économies d’échelle?  

Nous aimerions être perçus par notre clientèle comme meilleur acteur dans notre métier. C’est notre vision; nous y travaillons chaque jour avec compétence et passion.

Nous ne pouvons pas nous comparer aux gros assureurs vie et prévoyance en termes quantitatifs. Nous voyons cependant notre avantage dans une taille gérable et une hiérarchie horizontale, qui nous permettent d’agir de manière très agile et flexible sur le marché. Par exemple en ce qui concerne le développement de produits, la reconnaissance des nouveaux besoins de la clientèle ou l’adaptation des offres existantes pour les partenaires de coopération, tels que Piguet Galland ou MoneyPark.

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