Les investissements immobiliers suisses font mieux que résister

Francesca Boucard, Swiss Life Asset Managers

2 minutes de lecture

Malgré des fissures dans l'économie, l’immobilier devrait continuer d’attirer les investisseurs, potentielle source de future hausse des valeurs.

©Keystone

Les prévisions économiques pour 2020 sont trompeuses: elles tablent sur une croissance annuelle du PIB de 0,7% jusqu’à fin 2019, et 1,3% en 2020. Le PIB est stimulé par les grands événements sportifs; les recettes de l’UEFA et du CIO intégrant les comptes nationaux car la Suisse héberge ces deux institutions. Sur un plan plus réaliste, l’économie réelle va rester engluée dans une certaine torpeur en 2020. Le secteur manufacturier sort tout juste d’une longue contraction, traduite par un PMI en deçà du seuil de croissance des 50 points sur la majeure partie de l’année 2019. Le génie mécanique et électrique pâtit toujours des incertitudes commerciales mondiales. La contagion aux PME et aux secteurs de services à l’orientation nationale devrait peser sur la dynamique intérieure et pousser légèrement le taux de chômage en 2020. 

Une performance stable

L’environnement de taux bas persistant (rendement d’une obligation de la Confédération à 10 ans attendu à –0,45% en 2022), l’immobilier devrait continuer d’attirer les investisseurs, potentielle source de future hausse des valeurs. L’économie ralentissant, la demande d’espace et le revenu devraient croître moins qu’avant, produisant des rendements totaux en moyenne stables en 2020. Nous observons de près l’évolution des valorisations, l’écart loyers potentiels/loyers du marché semblant se creuser: les loyers potentiels ne sont pas révisés en corrélation avec les évolutions du marché.

WP table sur une hausse des loyers de 0,2%
en 2020 dans le secteur des bureaux.
Les régions urbaines profitent

A l’été 2019, près de 7% du parc de bureaux en Suisse était à louer (Wüest Partner, WP). Le ralentissement économique associé aux tendances comme les bureaux partagés et le télétravail ont réduit la demande. La construction des dernières années a poussé l’offre. En moyenne, la demande est attendue stable au vu de la récente croissance de l’emploi, mais contenue par l’économie. WP table sur une hausse des loyers de 0,2% en 2020, validant notre estimation prudente. Cela profitera notamment à des villes comme Bâle, Lausanne et Zurich, mais aussi à de grandes aires rurales. Notons une nouvelle baisse des rendements, appelée à durer dans les principales villes. En périphérie, l’évolution sera au mieux stable.

Polarisation en cours

Dans un contexte de taux bas, le franc devrait rester fort face à l’euro, les consommateurs suisses vont donc continuer à dépenser à l’étranger. Cela ne va pas arranger les affaires du commerce de détail, au vu de la croissance du e-commerce. Ainsi, les commerçants réduisent leurs espaces. Les projets d’expansion concernant surtout les grandes villes, les emplacements de taille moyenne en profitent peu. L’emplacement reste clé, quelques mètres pouvant faire la différence. Les espaces vides accueillent de plus en plus de nouveaux formats et boutiques éphémères. WP attend toutefois une baisse des loyers de 1,5% en 2020.

Dans le secteur résidentiel, les initiatives
sociopolitiques affectent les projets de construction.
Le taux de vacance résidentiel toujours d’actualité

Il n’a que légèrement augmenté entre 2018 et 2019, passant de 1,62% à 1,66%. Selon WP, cela masque quelque peu les évolutions réelles, la hausse étant due à des singularités temporaires et à de nouvelles tendances: l’augmentation des ménages d’une seule personne est disproportionnée, la population suisse est ainsi répartie sur plus de foyers. Mais le taux de vacance devrait encore augmenter, l’offre étant supérieure à la demande. L’immigration, un des principaux moteurs de la demande, a enregistré un net recul et devrait rester à de faibles niveaux. Combinées, ces données tirent les rendements initiaux vers le bas, -0,9% en 2020 selon WP. De plus, le taux d’intérêt de référence devrait être de nouveau abaissé en mars 2020.

Densification règlementaire

Le choix de l’emplacement reste le principal risque dans un contexte de forte demande d’investissement, et la règlementation vient s’y greffer. Dans le secteur résidentiel notamment, local (à Bâle) et national (vote pour des appartement plus abordables), les initiatives sociopolitiques affectent les projets de construction. En outre, la demande des investisseurs en matière de durabilité doit être intégrée, et elle l’est progressivement dans la stratégie et la réflexion des propriétaires immobiliers.

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