Une visite aux entreprises indonésiennes

Andrea Astone, BMO Global Asset Management

5 minutes de lecture

Les entreprises indonésiennes prennent-elles conscience du risque climatique?

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  • Nous nous sommes rendus en Indonésie pour rencontrer les principales entreprises de l'industrie de l'huile de palme et du charbon et les presser de mettre en œuvre des stratégies plus agressives en matière de changement climatique.
  • Les progrès sont lents, les entreprises citant la forte demande de leur clientèle asiatique pour l'huile de palme non certifiée et pour le charbon.
  • Nous avons plaidé en faveur d'une approche plus proactive, en soulignant les potentiels changements de la demande à venir - en particulier dans le domaine du charbon, où certains pays asiatiques adoptent désormais des stratégies de décarbonation plus agressives.
  • Il est urgent d'intensifier la coordination de l'engagement des investisseurs auprès des entreprises indonésiennes pour accélérer les progrès.

L'Indonésie est l'un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, en raison de la déforestation et du changement d'affectation des terres. L'huile de palme, le caoutchouc, le sucre et le charbon sont essentiels à la croissance économique et à la balance commerciale du pays. Les appels à prendre des mesures pour limiter les impacts climatiques de leur production et de leur utilisation se heurtent à des obstacles importants. Parallèlement, les moussons et les pluies intenses de janvier 2020, qui ont provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes, ont été un rappel brutal de la vulnérabilité du pays aux risques climatiques.

Nous nous y sommes rendus pour rencontrer les entreprises de ces secteurs afin de mieux comprendre leurs pratiques actuelles et de promouvoir une approche plus stratégique
de la gestion des risques et des opportunités que le changement climatique aura sur leurs entreprises.

L'Indonésie est l'un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde,
en raison de la déforestation et du changement d'affectation des terres.
La production d'huile de palme durable progresse lentement

Nous avons rencontré l'une des plus grandes entreprises indonésiennes d'huile de palme pour discuter des défis auxquels le secteur est confronté pour justifier les investissements dans la mise en œuvre des normes de la Table ronde sur l'huile de palme durable (RSPO) et pour obtenir la certification.

Les projections actuelles de la demande de produits certifiés montrent que la demande est insuffisante. En effet, les entreprises de biens de consommation de pays tels que l'Inde, la Chine et le Pakistan, qui se taillent la part du lion de la consommation mondiale, n'ont guère besoin d'huile de palme certifiée.

Nous avons entendu des commentaires similaires lors d'une réunion d'engagement avec Bank Mandiri, l'un des acteurs les plus impliqués dans le financement du secteur de l'huile de palme. La réunion, à laquelle ont participé des représentants des départements de la gestion des risques de crédit de plusieurs banques de détail, a été le point d’orgue d’une année d'engagement très fructueuse avec la banque sur le financement du secteur. Nous sommes heureux d'annoncer qu'une approche plus stricte du financement de l'huile de palme est en train d’être mise en œuvre, conformément à son nouveau plan d'action pour un financement durable annoncé en août 2019, tout en évaluant les moyens d'utiliser son influence en tant qu'acteur clé du secteur pour favoriser des pratiques plus durables. Cependant, la banque s'est abstenue d'exiger de ses clients qu'ils obtiennent la certification RSPO (elle les y incite plutôt) parce qu'il n'y a pas d'impératif commercial à le faire.

Sans une pression significative des consommateurs finaux ou des acheteurs d'huile de palme en Asie, la voie à suivre pour une huile de palme durable reste floue. Malgré les difficultés, nous continuerons à nous engager auprès des producteurs, des acheteurs et des banques pour réclamer des pratiques agricoles plus durables, notamment le respect des normes de la RSPO.

Le plan d'approvisionnement en électricité de l'Indonésie pour 2018-2027
dépend fortement du charbon, et l’on anticipe une croissance régulière de la demande
de charbon dans la région de l'ASEAN au cours des prochaines décennies.
Le charbon est roi - pour l'instant?

La domination du charbon en Indonésie est incontestable. Ce produit est abondant dans le pays, représente 10% du total des exportations - ce qui en fait une source importante de devises étrangères - et est considéré comme essentiel pour alimenter la demande croissante d'énergie et donc pour stimuler la croissance économique. Il s’agit d’une source majeure de revenus pour les provinces productrices et, en fin de compte, pour le pays lui-même, l'industrie du charbon est étroitement liée aux élites politiques tant aux niveaux local que national. Ces réalités font que la transition vers une sortie du charbon est politiquement difficile.

Nous avons rencontré deux entreprises de l'industrie minière du charbon pour discuter de leur exposition aux risques et aux opportunités liés au changement climatique et de leur gestion. Les entreprises, tout en étant conscientes des conséquences potentielles pour leurs activités d'un abandon du charbon, en sont aux tout premiers stades de l'élaboration d'une réponse stratégique à ces risques. 

Nous avons exprimé nos préoccupations quant à leur stratégie de diversification dans la construction et l'exploitation de centrales électriques au charbon, qui pourrait entraîner des risques liés aux actifs rendus obsolètes.

Nos réunions ont confirmé notre point de vue selon lequel l'industrie indonésienne du charbon reste optimiste quant aux perspectives du charbon sur le marché intérieur et sur les marchés en croissance d’Asie du Sud-Est : Le plan d'approvisionnement en électricité de l'Indonésie pour 2018-2027 dépend fortement du charbon, et l’on anticipe une croissance régulière de la demande de charbon dans la région de l'ASEAN au cours des prochaines décennies.

Nous avons remis en question cette opinion en soulignant que l'industrie du charbon dans le monde entier est confrontée à des difficultés de plus en plus fortes en raison des préoccupations croissantes à l’égard du changement climatique, tant de la part des décideurs politiques que du public ; des défis croissants en matière de financement alors que plus de 100 grandes institutions financière sont limité leur financement pour des projets liés au charbon ; et, plus encore, de la baisse du coût des énergies renouvelables qui atteint des niveaux historiquement bas. Dans le même temps, un certain nombre de pays du sud-est asiatique ont commencé à s'éloigner du charbon. En 2019, des pays comme le Vietnam et la Thaïlande ont annoncé des plans de développement énergétique de grande envergure axés sur des sources d'énergie domestiques à zéro émission de charbon. Le gouvernement indonésien, lui-même un fervent partisan du charbon, a commencé à indiquer timidement de possibles changements dans la politique énergétique.

Nous avons donc vivement encouragé les entreprises à élaborer et à mettre en œuvre une réponse stratégique au risque lié au changement climatique qui soit à la fois conforme aux objectifs de l'accord de Paris et qui puisse les aider à mieux se positionner face aux futures évolutions réglementaires liées au charbon, aux changements de politique énergétique et à la transition énergétique. À l'avenir, nous poursuivrons notre engagement avec les deux entreprises en tirant parti de la collaboration avec le groupe Climate Action 100+.

Otoritas Jasa Keuangan
Lors de notre voyage, nous avons également rencontré l'autorité locale de régulation des services financiers, Otoritas Jasa Keuangan (OJK), pour discuter des pratiques de gouvernance des sociétés cotées en bourse. L'OJK a été le chef de file du programme de gouvernance d'entreprise en Indonésie au cours de la dernière décennie. En coopération avec la Société financière internationale (IFC), l'OJK a élaboré une feuille de route et un manuel de gouvernance d'entreprise qui ont été bien accueillis. En outre, il oblige les entreprises publiques à «se conformer ou expliquer» leur directive sur la gouvernance d'entreprise. Ces mesures ont joué un rôle important en contribuant à améliorer des domaines tels que la transparence. Toutefois, le manque d'application de la loi entrave les progrès sur d'autres questions, notamment les processus de nomination et d'élection des conseils d'administration, et les abus au travers des transactions réalisées entre parties liées. Nous avons réclamé des améliorations dans la capacité d'application de la loi et l'engagement avec la Bourse indonésienne afin de susciter un changement significatif et durable.
Conclusion

Près des trois quarts des exportations primaires indonésiennes sont destinées à l'Asie. L'omniprésence du charbon pour répondre aux besoins énergétiques croissants sur le continent et l'absence de demande de produits agricoles certifiés durables n'incitent guère les entreprises locales à s'attaquer de manière globale aux risques et aux opportunités à long terme liés au changement climatique et à d'autres facteurs de durabilité. Cela rend notre engagement plus difficile, mais pas impossible.

À l'avenir, nous prévoyons de tirer parti des relations que nous avons nouées avec les entreprises, ainsi que de la collaboration avec d'autres investisseurs, pour continuer à faire pression en faveur de l'élaboration et de la mise en œuvre de stratégies visant à atténuer les impacts sur l'environnement, tout en gérant les risques et en saisissant les opportunités liées au changement climatique.

 

 

Principaux risques
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