Trois moteurs et deux risques pour 2021

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Relance budgétaire massive, soutien monétaire sans faille et surtout réouverture des économies, les moteurs de la croissance et des marchés pour 2021 sont là.

© Keystone

Après une année 2020 marquée par une chute brutale de l’activité mondiale (-3,5% selon les dernières estimations du FMI), 2021 sera l’année du rebond. Déjà, notre indicateur MMS de Momentum Économique mondial, à 47, s’est nettement redressé depuis les creux du deuxième trimestre.

Même si les marchés ont du mal, en ce début d’année, à reprendre leur marche en avant, inquiets devant le regain de vigueur du virus, les moteurs pour retrouver l’optimisme sont bien là.

Tout d’abord, la dépense budgétaire est considérable, d’un bout à l’autre de la planète. Si l’on cumule les relances fiscales et les garanties ou aides directes dans les entreprises, on arrive au chiffre vertigineux de 14000 milliards de dollars en 2020, soit 15% du PIB mondial.

Et 2021 commence sous les mêmes auspices: rien qu’aux Etats-Unis Joe Biden souhaite 1900 milliards de relance supplémentaire et envisage d’annuler purement et simplement les emprunts étudiants, qui représentent plus de 1600 milliards de dollars.

Et cela sans compter avec le serpent de mer du renouvellement des infrastructures américaines, que les ingénieurs des Ponts et Chaussées américains avaient évalué en 2016 à 4000 milliards de dollars!

L’Europe n’est pas en reste: même en Allemagne, le directeur de cabinet d’Angela Merkel, Helge Braun appelait le 26 janvier à suspendre la limite constitutionnelle de déficit public fixée à 0,35% du PIB.

Face à ce déferlement d’argent public, les banques centrales restent en soutien. Jerome Powell l’a rappelé lors de sa conférence de presse du 27 janvier: parler de normalisation de la politique monétaire est prématuré, il faut «finir le travail». Autant dire que les dettes publiques – près de 100% du PIB mondial fin 2021 selon le FMI – n’auront aucun problème à être financées et que les conditions de crédit resteront très favorables pour les entreprises et les ménages. Or, historiquement, aucun mouvement prolongé de baisse sur les marchés ne s’est produit sans hausse préalable de taux ou autre resserrement des conditions monétaires. Le «Powell put» est toujours là.

Le momentum économique mondial s’est redressé à 47 contre 19 en juin

Mais le soutien essentiel à la croissance et à la hausse des marchés restera l’ouverture des économies grâce aux vaccins et aux progrès sanitaires.

Même si la production et la logistique ont du mal à suivre la demande, le deuxième trimestre devrait voir une accélération très rapide du rythme de vaccination mondial et l’agrément de plusieurs nouvelles molécules. Et les nouvelles biotechnologies semblent pouvoir gagner la course de vitesse avec les mutations du virus!

L’épargne accumulée grâce aux plans de soutien budgétaire devrait alors accélérer la reprise. Aux Etats-Unis, ce sont plus de 1600 milliards de dollars d’épargne excédentaire qui pourraient ainsi venir propulser la consommation!

La reflation reste donc bien le scénario central pour cette année. Mais ce chemin, positif pour l’économie comme pour les marchés, n’est pas exempt d’embûches. Au-delà du risque sanitaire d’une mutation incontrôlée et plus rapide du virus, deux risques majeurs se profilent.

Le premier est celui de la surchauffe. Les matières premières ont déjà beaucoup monté en 2020 (+68% pour le bois de construction, +37% pour le soja, +27% pour le cuivre) et le mouvement ne semble pas stoppé. Plus significatif encore, le prix du transport de marchandise a explosé: le conteneur de frêt en provenance de Shanghai a vu son prix multiplié par 2,5 depuis mai 2020. Bien sûr, les banques centrales ont insisté sur leur grande mansuétude à venir sur ce sujet. Pas question de remonter les taux brutalement dès que le seuil des 2% sera franchi. Il n’en demeure pas moins qu’une poussée forte de l’inflation sur quelques semaines rendraient nerveux les banquiers centraux… et les investisseurs.

Le second est celui de la fragmentation des économies et des sociétés. La pandémie a élargi les fossés entre les secteurs et les régions bénéficiant de tendances porteuses à moyen terme et les autres. Les différentiels de croissance entre l’Asie, l’Amérique et l’Europe sont devenus béants. Celui entre la haute technologie, le numérique, et l’hôtellerie restauration, l’est tout autant.

L’épidémie également suscité la première «récession des services» de l’histoire récente. Or le secteur des services est aussi celui qui permet l’accès à l’emploi de populations souvent fragiles. Ces populations forment le socle des fameuses «classes moyennes», dont le soutien est crucial pour les démocraties occidentales. Le retour à meilleure fortune ne devra pas oublier ces fracassés de la crise. Surtout à l’aube d’un cycle électoral européen qui culminera avec les élections françaises en avril 2022.

Il est donc de la première importance de maintenir aussi longtemps que nécessaire les soutiens budgétaires et monétaires à l’économie, sans s’inquiéter outre-mesure de poussées temporaires de l’inflation. Les gouvernements et les banques centrales l’ont compris. Le climat des marchés devrait rester porteur mais volatile cette année.