Tentés par un burger sans viande?

Michele Pedroni, DECALIA

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Substituts d'origine végétale: d’une niche vers un marché grand public.

Tous ou presque savent désormais que le régime omnivore classique n'est pas viable. Fondamentalement malsain, il exerce une énorme pression sur l'environnement – et soulève des questions éthiques. Le futur? Les régimes flexitariens, centrés sur des mets d’origine végétale tout en autorisant la viande à l’occasion, gagnent en popularité, en particulier chez les Millenials.

L'urgence écologique de réduire la consommation de viande est évidente. La moitié des récoltes mondiales sert aujourd’hui juste à nourrir le bétail, avec un taux de conversion inefficace (8kg de nourriture pour produire 1kg de viande de bœuf). Sans parler des 20'000 litres d'eau (l'équivalent de 365 douches quotidiennes) nécessaires à abreuver le bétail et irriguer les cultures.

Sur le plan de la santé, bien que les scientifiques n'aient pas pu conclure avec certitude qu'un régime à base de végétaux rallonge la durée de vie, peu étant les végétariens à adopter un mode de vie malsain, il est de plus en plus apparent qu’une consommation de viande réduite contribue à faire baisser la pression artérielle, les taux de cholestérol et de sucre, ainsi que le poids corporel.

Quant aux pressions sociétales, elles semblent avoir été encore accrues par la crise du COVID-19. Le ralentissement forcé de la chaîne de valeur alimentaire a soulevé des questions sur les conditions éthiques et sanitaires des usines de conditionnement de viande – particulièrement vives aux États-Unis. Pas étonnant que 18% des acheteurs de substituts aient fait leur premier pas durant la pandémie, et que 92% entendent continuer.

Quelles sont alors les alternatives à la viande? Des produits végétaliens sont sur le marché depuis quelques années, à base surtout de tofu, seitan, champignons et fruits du jacquier – donc au goût assez particulier. Il en va de même pour les offres végétariennes, avec comme ingrédients supplémentaires de l’œuf ou de la gélatine. Les solutions à base d'insectes sont une autre option, dont la conversion énergie/protéines est supérieure à la viande – mais le profil sensoriel, là encore, peu attrayant pour le consommateur occidental. À l'heure actuelle, le segment le plus prometteur est celui des nouveaux substituts végétaliens. En utilisant des sources non animales d'acides aminés, de lipides, d'oligo-éléments et de vitamines, les chercheurs ont élaboré un «muscle» très similaire à la viande, même dans son aspect «saignant». Enfin, demain verra de la viande développée en laboratoire, par prolifération de cellules animales – un processus encore en phase de test.

Pour une adoption plus généralisée, les substituts de viande à base de plantes ou de cellules devront non seulement surmonter l'obstacle sensoriel et une forme de néophobie alimentaire, mais aussi baisser les prix. Le surcoût reste en effet important, notamment aux États-Unis où les burgers de «bœuf» de Beyond Meat se vendent plus du double du prix standard.

Pour autant, la bataille pour les substituts de viande est lancée et de nombreux acteurs se disputent une tranche de ce qui pourrait devenir un gâteau de plusieurs milliards d'euros d’ici quelques années. Les géants de l’agroalimentaire, pressés de toutes parts par ces tendances de consommation plus saines (et plus locales), se lancent dans l'aventure par le biais d'acquisitions coûteuses, mais dont l'impact sur les résultats reste mineur. Les enseignes de viande ont, elles, tenté de lancer leur propre gamme (par exemple, le burger végétal Raised & Rooted de Tyson), avec un succès limité. Quant aux quelques «pureplays» cotés (le principal concurrent de Beyond Meat, Impossible Foods, étant toujours privé), ils affichent des valorisations élevées. Difficile donc aujourd’hui pour les investisseurs d’avoir à la fois le burger et l’argent du burger!