Software, les oubliés de l’IA

Stéphanie Rheinboldt, Banque Heritage

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Si l'année 2023 a été marquée par un ralentissement significatif dans le développement des logiciels, 2024 s’annonce comme une année plus prometteuse.

Alors que le secteur des semiconducteurs connait un véritable essor grâce à l’intelligence artificielle (IA), les éditeurs de logiciels semblent être relégués au second plan, marqués par un désintérêt latent. Cette divergence est particulièrement frappante lorsque l’on examine l’écart de performance de ces deux piliers technologiques: depuis le début de l’année, l’indice des logiciels (IGV) n’a augmenté que de 7,6% tandis que celui des semiconducteurs (SOXX) a bondi de 28,5%.

Mais pourquoi observe-t-on une telle disparité? Il semblerait que le secteur des logiciels soit pénalisé par un manque d’investissements, les dirigeants d’entreprises préférant se concentrer sur le déploiement de leurs stratégies autour de l’IA. Ainsi, l’implémentation d’outils d’IA génératives par les fournisseurs de logiciels pourrait d’abord améliorer leurs marges avant d’augmenter leurs revenus, en réduisant notamment les coûts de programmation.

Pourtant, le marché des logiciels frôle les 700 milliards de dollars de chiffre d’affaires et est en bonne voie pour doubler d’ici 2030, porté par une offre très large, diversifiée et évolutive qui englobe les systèmes d’exploitation (Windows, macOS), les logiciels de productivité (Word, Excel), les applications commerciales (CRM, ERP), les logiciels de conception et de multimédia (les outils de conception graphique et de montage vidéo) et les logiciels spécialisés par secteur (outils de gestion des soins de santé ou logiciels bancaires).

Le secteur a également connu d’importantes transformations ces dernières années marquées notamment par une transition accélérée vers le Cloud et le développement des modèles de logiciels en tant que service (SaaS). Les logiciels hébergés sur le Cloud offrent évolutivité, flexibilité et rentabilité, permettant aux utilisateurs d’accéder aux programmes et aux données à distance par l’intermédiaire d’Internet. Leur modèle d’affaires basé sur les abonnements, caractérisé par des revenus récurrents et un investissement initial minime, s’avère particulièrement attractif. Ce système réduit considérablement le risque financier et permet aux entreprises de moduler leurs dépenses selon leurs besoins spécifiques. Une fois développé, le logiciel peut être distribué à des millions d’utilisateurs à un coût marginal minime, générant ainsi d’importantes économies d’échelle et des marges substantielles pour le secteur.

Si 2023 a été marquée par un ralentissement significatif dans le développement des logiciels, 2024 s’annonce comme une année plus prometteuse. Les entreprises relançant des initiatives de transformation du cloud basée sur des applications d’IA générative devraient connaitre une croissance solide. Le développement d’applications pour appareils mobiles (smartphones, tablettes) est une autre tendance notable qui accroit cependant les risques de cyberattaques. La demande de logiciels et de solutions de cybersécurité fiables augmente de manière exponentielle, en réponse à la multiplication des cybermenaces et des violations de données, exacerbées par l’usage de l’IA et les accès via des appareils mobiles. Malgré des performances boursières à peine meilleures que le reste du secteur des logiciels, les intentions de dépenses dans la cybersécurité restent élevées.

Actuellement, celles-ci sont orientées vers des domaines bien spécifiques tels que la sécurité du cloud ou la sécurité des données au dépend des budgets pour la gestion de la vulnérabilité, le courrier électronique et les pares-feux. Les risques évoluent et les budgets devraient continuer de croître pour couvrir l’ensemble des risques, y compris ceux qui semblent moins pressants. Les clients essaient également de consolider leurs dépenses et réduisent le nombre de fournisseurs favorisant les leaders du marché, comme Palo Alto, Zscaler et Crowdstrike qui profitent de cette consolidation pour étendre leur gamme de services.

Les sociétés de logiciels ont encore de belles cartes à jouer. Microsoft en est le meilleur exemple. Devenue rapidement une référence industrielle en matière de bureautique, l’entreprise a su s’adapter aux innovations technologiques et proposer de nouveaux services dans des domaines variés (ex: Cloud, Jeux Video, IA). Au sein du secteur technologique, leurs qualités défensives provenant de la récurrence des revenus et du potentiel colossal d’innovation de l’IA ouvrent des perspectives plus qu’encourageantes. Le risque majeur est de voir les «hyperscalers» comme Amazon, Microsoft ou encore Google concurrencer directement certains sous-secteurs des logiciels. En effet, leurs plateformes IA permettent d’ores et déjà d’automatiser la production de jeux vidéo, d’offrir des services de e-learning ou de simplifier les tâches RH des sociétés. Ces géants offrent une infrastructure robuste et évolutive qui permet de gérer et d’analyser de vastes volumes de données de sécurité, renforçant ainsi la protection globale des systèmes informatiques. Les logiciels de cybersécurité en bénéficient, améliorant leur capacité à détecter et neutraliser les menaces de manière proactive et en temps réel.