Le combat pour changer les codes du monde de la mode n’a jamais été aussi important.
Par définition, l’industrie de la mode compte parmi les secteurs qui évoluent le plus rapidement, et a posé de nombreux défis aux investisseurs durables au fil des années. En vingt ans, notre travail dans ce secteur a montré comment nos opinions sur les thèmes pouvaient évoluer et a également levé le voile sur nos efforts d’engagement dans le cadre de notre rôle d’investisseur.
A mesure que le concept de «mode éphémère» se répandait, les chaînes d'approvisionnement de l’industrie vestimentaire se sont étendues en raison de la pression impitoyable sur les coûts, les pays émergents proposant des salaires plus faibles, une législation du travail moins contraignante et des allègements fiscaux dans le but de décrocher des contrats auprès des marques les plus réputées. Cependant, depuis le lancement des fonds Sustainable Future (SF) en 2001, nous avons toujours pensé qu’il était incohérent d'avoir des conditions de travail peu sûres et dégradantes, tant du point de vue commercial que de l’investissement ou du bon sens.
La Fashion Revolution Week est devenue une date incontournable du calendrier pour le développement durable, et l'édition de l’an dernier, dans un contexte de pandémie de COVID-19, s’est révélée particulièrement pertinente en encourageant plus que jamais les entreprises à protéger les employés tout au long de leurs chaînes d'approvisionnement en période de stress.
De manière générale, l’objectif de cet événement est de renforcer la transparence dans l’industrie mondiale du prêt-à-porter, et l’un des principaux moyens pour y parvenir est de publier un indice annuel dédié à la transparence dans le secteur de la mode (Fashion Transparency Index). Ce dernier classe 250 des plus grandes marques et enseignes de vêtements sur la base de 220 indicateurs, couvrant divers thèmes comme le bien-être animal et le climat, le travail forcé, l’égalité des sexes, la divulgation de leurs fournisseurs, les déchets et le recyclage. Les principaux résultats appuient notre opinion actuelle concernant ce secteur: s’il est clair qu’il y a eu des améliorations, il reste beaucoup à faire, car les marques sont loin d’obtenir de très bonnes notes et la moyenne, décevante, tourne autour de 23% (par rapport à une moyenne de 21% pour 200 marques interrogées en 2019). Nous félicitons H&M, qui arrive en tête de classement avec 73%, et distinguons Puma, que nous détenons dans nos fonds, pour sa septième position sur 250 marques.
Compte tenu de ces résultats, nous pensons que notre thème dédié à l’amélioration de la surveillance des chaînes d’approvisionnement et du contrôle qualité est plus important que jamais, et qu’il est nécessaire de réaliser des améliorations considérables. Seulement 2% des marques publient une stratégie mesurable et des délais de mise en œuvre pour garantir que tous les travailleurs dans l’ensemble de leurs chaînes d'approvisionnement disposent d’un minimum vital et nous considérons cette absence de progrès sur une question aussi importante sur le plan social comme un risque majeur pendant la pandémie de COVID-19 et après celle-ci.
Alors que le secteur de la mode est en proie à des problèmes de durabilité, nous nous sommes détournés des grandes enseignes et il convient de savoir pourquoi nous avons fait ce choix. Depuis le lancement des fonds SF, l’un de nos domaines d’engagement les plus importants concerne les normes de travail dans les chaînes d'approvisionnement et plusieurs projets ont vu le jour pour les améliorer, allant du projet De Meilleurs bénéfices dans un Monde meilleur lancé par Oxfam en 2006 à la Fashion Revolution elle-même, une initiative qui a vu le jour suite à la catastrophe de Rana Plaza en 2013.
Il y a dix ans, nous terminions un projet détaillé d'évaluation des chaînes d'approvisionnement de l’industrie de la mode, et en concluions que les conditions de travail étaient inacceptables pour un certain nombre d’entre elles, qu’un changement devait s’opérer, et qu’il existait des opportunités pour les entreprises qui seraient en mesure d'apporter des améliorations. Nous avions porté notre attention sur la nécessité d’un travail et d’un salaire convenables dans l’ensemble de la chaîne et avions identifié le groupe Inditex, possédant la marque Zara, comme un investissement possible pour nos fonds, car nous pensions que son modèle d'approvisionnement de proximité était garant d’une forme de production plus durable.
Après des années d’analyses menées de façon continue, nous avions conclu en 2016 que les enseignes s'étaient montrées incapables de réaliser des améliorations suffisantes dans les chaînes d'approvisionnement et que la réputation de la mode éphémère en avait été ternie à jamais. Ce thème présentait plus de risques que d’opportunités pour les grandes enseignes et nous avions vendu quelques positions comme H&M, et finalement Inditex en 2018.
Cela ne veut pas dire que nous n’identifions plus d’opportunités au sein de ce thème, mais nous nous concentrons désormais sur des entreprises qui évaluent les chaînes d'approvisionnement pour le compte des enseignes. Le secteur du TIC (Testing, Inspection and Certification, ou «Test, inspection et certification») est indispensable pour le développement durable, et garantit la sécurité des produits à la fois pour les utilisateurs et pour ceux qui les confectionnent. Du fait de la complexification des chaînes d'approvisionnement, des innovations, des réglementations strictes et de la demande croissante en matière de développement durable, ce secteur bénéficie d’un taux de croissance structurelle à long terme qui devrait continuer à augmenter plus rapidement que le PIB mondial.
Nous avons identifié l’entreprise Intertek comme ayant une exposition positive et bénéficiant de la croissance des normes de sécurité, de l’externalisation, des réglementations et du développement durable. Elle dispose aussi du profil de développement durable, des fondamentaux d'entreprise et de la valorisation dont nous avons besoin pour effectuer un investissement en toute confiance.
Aujourd’hui plus que jamais, la capacité à gérer les chaînes d'approvisionnement sera déterminante pour la réussite dans l’industrie de la mode. Selon nous, les impacts positifs générés tout au long de la chaîne peuvent réduire les risques associés au secteur de la mode et les risques commerciaux, à la fois à court terme et après la fin de la crise de la COVID-19: la lutte pour révolutionner la mode n’a jamais été aussi importante.