Perspectives 2020

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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2019 nous a appris à vérifier la certitude apparente avant d’en déduire des attentes sur l’évolution des marchés financiers.

Il y a un an, tout le monde s’accordait sur la poursuite de la normalisation de la politique monétaire de la Fed, et sur l’augmentation de son taux directeur de 50 points de base en 2019. Au dernier trimestre 2018, les analystes se demandaient si la correction des cours sur les marchés des actions était un signe avant-coureur de récession. On prévoyait alors une année difficile sur le front des placements.

La réalité fut tout autre et les principales places boursières ont connu une irrésistible ascension. Une évolution d’autant plus étonnante au vu des incertitudes quant à la dynamique conjoncturelle. Selon Google Trends, le nombre de recherches du terme «récession» aux Etats-Unis en août 2019 était au plus haut depuis janvier 2008, début de la dernière récession majeure. Quel lien entre l’incertitude des internautes et les bénéfices à deux chiffres sur le marché des actions?

La clé de cette énigme est la politique monétaire: en 2019, la Fed a tourné bride et renoncé à de nouvelles augmentations de taux. En lieu et place, elle a abaissé par trois fois son taux directeur, de 75 points de base au total.

A la lumière des prévisions démenties de l’an passé, il convient d’être critique quant aux opinions prévalant actuellement. La plupart des analyses actuelles reposent sur trois certitudes présumées. Primo, il existe un large consensus quant à la poursuite à long terme du soutien à la politique monétaire. En 2019, les investisseurs ont tout simplement capitulé, et chacun se prépare visiblement à un long prolongement de la phase actuelle de taux bas. Au vu de la timide inflation persistante, aucune des grandes banques centrales n’augmentera ses taux directeurs en 2020, une estimation que nous partageons. De plus, un relèvement des taux aux Etats-Unis est plutôt rare en année électorale. Toutefois, la future orientation de la politique monétaire outre-Atlantique comme dans la zone euro est mise à l’épreuve. Politiques fiscale et monétaire se confondent de plus en plus. A moyen terme, cette tendance devrait s’accompagner d’une hausse des rendements des emprunts d’Etat à duration longue.

Seconde certitude parmi les prévisionnistes, une certaine faiblesse de la croissance économique en 2020 également. Un avis que nous partageons aussi: nous tablons sur 1,7% pour les Etats-Unis et 0,9% en zone euro, soit en-deçà de la prévision du consensus. Le manque d’impulsions venant des pays émergents en est une des principales raisons. L’économie chinoise croît aussi lentement qu’en 1990 et la croissance du PIB de l’Inde a été divisée par deux par rapport à 2018. L’agitation politique en Amérique latine va perdurer en 2020. Contrairement aux trois dernières phases de reprise, les pays émergents ne sont plus la locomotive de l’économie mondiale. Mais comme 2019 l’a montré, le marasme économique n’empêche pas l’engagement sur le marché des actions. Les évaluations des différentes classes d’actifs entre elles seront clé. Et à cet égard, actions comme immobilier restent pour l’heure avantageuses par rapport aux titres à revenu fixe.

Contrairement à 2018, les dernières semaines de 2019 ont été marquées par l’euphorie boursière. Soudain, tous les obstacles politiques des derniers mois semblaient s’être volatilisés. L’accord commercial partiel entre Pékin et Washington ainsi que les espoirs d’une conclusion prochaine à la saga du Brexit semblent avoir rendu le futur plus prévisible.

Et les analystes d’être armés d’une troisième certitude que nous ne pouvons partager. Selon nous, les impondérables politiques demeurent considérables. Les élections en Italie ouvrent la voie au scénario du retour de la Ligue du Nord au pouvoir. La trêve dans le conflit sur le budget de l’Etat italien opposant Rome à la Commission européenne pourrait bientôt s’achever. Et le Brexit n’a pas dit son dernier mot. Les négociations quant aux futures relations avec l’UE pourraient à nouveau troubler les marchés. Enfin, il y a fort à parier que la campagne électorale américaine ne va pas être de tout repos. Les décideurs chinois le savent bien. En 2020, une issue complète au litige commercial semble hors de portée pour Donald Trump. Enfin, les premiers jours de cette année ont ravivé le spectre d’une escalade des tensions au Proche-Orient.

Deux des trois certitudes présumées quant aux perspectives pour 2020 entrent dans le scénario de base de Swiss Life Asset Managers pour la conjoncture et les marchés financiers. Nous tablons sur une politique monétaire durablement accommodante et une faible croissance. Nous mettons un point d’interrogation quant à la possibilité de contenir les risques politiques, comme certains l’espèrent depuis peu. Par conséquent, nous considérons le ravivement des foyers géopolitiques mentionnés plus haut comme le risque majeur posé à la conjoncture et aux mouvements sur les marchés financiers.