Ne pas céder au «oil bashing»

Andrea Biscia, DECALIA

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Sous pression, les grandes compagnies pétrolières peinent à redorer leur blason, pourtant, elles sont nombreuses – surtout en Europe – à réorienter leurs activités.

Pour des raisons environnementales évidentes, il n'est guère à la mode – voire acceptable – de détenir des actions pétrolières. Actions qui ont d’ailleurs sous-performé ces dernières années. Mais leur envolée de 2021 traduit peut-être davantage que le seul rebond post-pandémie du prix du brut. Et si l’«investissement d’impact» était une meilleure option que de désinvestir?

Les «majors» subissent des pressions de toutes parts: des gouvernements (y compris américain désormais) avec leur objectif CO2 2050, des militants écologistes, des fonds de pension, du grand public et même des tribunaux. Céder au «oil bashing» est certainement tentant, mais pas nécessairement le meilleur moyen de sauver la planète.

Bien sûr, il est vital pour le monde de se défaire des combustibles fossiles. Mais c'est une transition qui prendra du temps – et nécessitera de revoir nos habitudes de consommation. Dans l’intervalle, la demande de pétrole perdurera et de nombreux grands producteurs non cotés, parfois de pays où les préoccupations climatiques sont bien moins influentes, seront prêts à y répondre.

Même s’agissant des sociétés cotées, se débarrasser de leurs actions revient à les laisser en mains d'autres investisseurs, peut-être moins bien intentionnés. Il est vrai que les «majors» auraient plus de difficulté à se financer sur les marchés et pourraient voir augmenter le coût de leur dette, mais ces arguments sont peu convaincants au regard des liquidités qu'ils génèrent.

Il faut également reconnaître les efforts déployés par ces entreprises pour limiter leur impact environnemental, tant direct (élimination de leurs propres émissions) qu'indirect (réduction de l'intensité carbonique des combustibles produits). Peut-être même que le «Big Oil» pourrait faire partie de la solution.

Cela semble particulièrement le cas en Europe, où les producteurs consacrent d'importantes sommes aux énergies alternatives (éolienne et solaire) ainsi qu'à des opportunités émergentes telles que la capture du carbone ou l'hydrogène vert. Royal Dutch Shell, Total (rebaptisé TotalEnergies), BP et Equinor sont désormais tous alignés sur l'objectif 2050 de zéro émission nette. Aker BP, petite société d'exploration & production active sur le plateau continental norvégien, est plus avancée encore dans la transition, avec des émissions de moins d'un tiers de celles de l'industrie mondiale. Démontrant comment les entreprises énergétiques peuvent appliquer leurs compétences traditionnelles à de nouveaux domaines, Aker vient de s'associer à BP et Statkraft pour développer l'énergie éolienne offshore en mer du Nord.

Les Américains Exxon Mobil et Chevron sont effectivement à la traîne. Bien qu'ayant aussi annoncé une réduction de leurs émissions, ils ne se sont pas engagés à atteindre le net zéro. Tout comme ils ne participent pas à des projets solaires ou éoliens de grande échelle. Exxon est particulièrement sous pression, éjecté l'an dernier de l’indice Dow Jones – dont il faisait partie depuis 1928! – et ayant récemment vécu une assemblée générale difficile, qui a vu le fonds activiste Engine No.1, soutenu par certains grands actionnaires (mécontents des performances financières) imposer deux nouveaux administrateurs. D'autres sociétés américaines sont cependant plus engagées dans la nécessaire transition énergétique, à l’instar d’Occidental Petroleum en matière de capture du carbone.

Au final, les investisseurs qui choisissent d'ignorer le secteur pétrolier commettent peut-être une erreur de jugement. En restant impliqués, les actionnaires sont mieux à même d’influer sur son évolution. Et, qui sait, ils pourraient y trouver un intérêt financier…