Le secteur automobile est en pleine mutation sous l’impulsion de nouveaux acteurs, principalement d’origine chinoise, spécialisés dans la production de véhicules électriques. L’attractivité des prix, nettement inférieurs à ceux des modèles européens expliquent la pénétration croissante des marques chinoises sur les marchés mondiaux. Cette dynamique exerce une pression considérable sur les constructeurs automobiles européens, dont les multiples de valorisation s’approchent de leurs plus bas historiques.
Dans ce contexte, la différenciation est plus que jamais la clef du succès. Ferrari, souvent comparée à Hermès dans le secteur automobile, se distingue par ses multiples de valorisation, comparables à ceux du leader du luxe, avec environ 48x les résultats nets par action 2025 contre 39x pour Hermès. Cette prime exceptionnelle contraste fortement avec celles d’autres marques comme Mercedes (5x) ou BYD (14x). Seule Tesla affiche des multiples encore plus élevés (67x), en raison de son image de précurseur dans le secteur des véhicules à batteries électriques.
L’innovation logicielle: un atout stratégique pour Tesla
Contrairement aux constructeurs automobiles traditionnels qui se concentrent principalement sur l’ingénierie industrielle et le design des véhicules, Tesla a, dès ses débuts, mis l’accent sur l’importance des logiciels dans ses véhicules. Cela inclut les mises à jour OTA (over-the-air) qui permettent l’amélioration continuelle des véhicules, ajoutant de nouvelles fonctionnalités, optimisant les performances, et corrigeant certains problèmes sans visite dans un centre d’entretien.
Le développement d’offres logicielles dans l’habitacle des voitures à l’attention du conducteur, voire de ses passagers pourrait aider les marques à se différencier davantage et développer de nouvelles sources de revenus récurrents. Tesla a notamment exploré cette voie et certains constructeurs chinois suivent cette tendance, comme NIO avec son concept de Battery-As-A-Service.
Les défis post-Covid et l’impact des mesures protectionnistes
Depuis 2023, la Chine est devenue le premier exportateur de voitures au monde devant le Japon. En réponse, les Etats-Unis et l’Union Européenne ont adopté des mesures protectionnistes visant à ralentir la pénétration des marques chinoises sur leurs marchés respectifs. Le risque inhérent à ces barrières douanières est de voir la Chine protester en augmentant ses propres tarifs douaniers, notamment sur les produits de luxe français ou les produits manufacturés américains comme les iPhones.
D’autre part, des constructeurs européens fabriquent certains de leurs modèles en Chine et seront taxés comme les constructeurs chinois lorsqu’ils voudront vendre leurs produits en Europe ou aux Etats-Unis. Les constructeurs allemands, dont BMW et Mercedes, sont les principaux concernés. Les mesures protectionnistes tendent donc à pénaliser aussi bien les industriels que les consommateurs, la hausse des droits de douanes contribuant à la hausse des prix.
De nombreux gouvernements ont initié des mesures de soutien afin d’encourager les constructeurs à accélérer la transition vers la production de véhicules électriques. L’allocation massive de ressources et de capital a contribué à la production excessive de modèles électriques. Alors que la pandémie de Covid-19 avait ralenti les chaînes de production et réduit les inventaires de voitures faisant bondir leurs prix, aujourd’hui le secteur fait face au problème inverse avec une offre nettement supérieure à la demande. L’ajustement post Covid-19 est plus laborieux et long qu’anticipé.
Toute la chaîne de production est déstabilisée par la hausse des inventaires de voitures électriques. Ainsi, le prix du lithium subit les contrecoups d’une demande au ralenti, alors que les constructeurs attendent de voir leurs surplus d’inventaire diminuer. L’ouvertures de nombreuses mines de lithium pour approvisionner une demande qui s’annonçait exponentielle a également contribué à la chute du prix du minerai. Albemarle, un des plus gros producteurs de lithium au monde, a annoncé revoir ses projets d’exploitation à la baisse afin de ne pas produire à perte. De nombreuses mines plus petites devront fermer car non rentables. L’ajustement post-covid, se fait ainsi à tous les niveaux de la chaine de valeur automobile.
L’industrie des semi-conducteurs, qui faisait face à des pénuries pendant la pandémie, subit désormais le ralentissement de la demande. Ainsi, des sous-traitants comme Infineon ou NXP Semiconducteur, affichent des performances plus décevantes en attendant que le secteur automobile réduise ses inventaires.
L’ascension des constructeurs chinois: Un défi pour l’industrie Mondiale
Les barrières à l’entrée ont considérablement baissé. La transition vers l’électrique coûte moins cher aux constructeurs chinois qui se sont lancés dans la production de véhicules électriques (VE) à partir d’une page blanche. Le soutien important du gouvernement chinois aux VE, sous forme de subventions, d’incitations et de développement d’infrastructures a permis à des entreprises, telles que BYD, NIO et Xpeng, d’émerger en tant que leaders. Elles bénéficient de coûts plus faibles, de matériaux plus abordables et sont prêtes à réduire leurs marges pour doper les ventes à l’international et gagner des parts de marché. Leurs cycles d’innovation sont deux fois plus rapides qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis car moins réglementés. Leurs chaines d’approvisionnement sont essentiellement basées en Chine, que ce soit les minerais pour les batteries électriques, y compris les terres rares, les semi-conducteurs ou la main d’œuvre bon marché. Grâce à des partenariats avec des fabricants locaux de batteries comme CATL, les constructeurs ont mis au point des technologies de batteries avancées, offrant une plus grande autonomie et une recharge plus rapide à des coûts compétitifs. Les constructeurs chinois sont ainsi en mesure de pénétrer n’importe quel marché avec des modèles bien conçus, efficients et à des prix attractifs. BYD, le plus important d’entre eux, occupe déjà à la 11e place mondiale des constructeurs de voitures.
L’offre mondiale de voitures est excessive, notamment pour les véhicules électriques. La compétition entre constructeurs bat son plein et seuls les meilleurs, ceux capables de se démarquer de la concurrence, survivront. Les subventions locales ou les tarifs douaniers ne sont que des ajustements temporaires qui ne pourront contrer les tendances à long-terme. Dans cet environnement, les constructeurs européens semblent les plus à risque.