Le paradoxe d'un monde étrange

Mario Montagnani, Vontobel

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Les actions grimpent, l'économie plonge.

Notre scénario d’un choc mondial et profond mais temporaire causé par la pandémie n’a pas changé. Nous croyons toujours à une reprise économique en U, même s'il faudra probablement plus de temps que prévu pour retrouver des niveaux antérieurs au Covid-19. Ces derniers mois, des indicateurs économiques plus moroses que jamais et des perspectives bénéficiaires fortement revues à la baisse ont été intégrés dans les prévisions des économistes et des analystes. Ces derniers anticipent désormais un deuxième trimestre 2020 historiquement faible, un rebond au T3 et une reprise modeste au T4, avec à la clé une contraction d’environ 4% de l’économie mondiale. Entre-temps, les gouvernements et les banques centrales poursuivent leurs mesures de relance budgétaires et monétaires tous azimuts: baisses de taux d’intérêt et injections de liquidité massives, programmes de rachat d’actifs et vastes plans de soutien. À court terme, la volatilité demeure toutefois élevée en raison du manque de visibilité concernant l’évolution future de la pandémie et la date à laquelle un vaccin sera mis au point et commercialisé, surtout si l’on considère la possibilité d’une deuxième vague dans des pays qui lèvent actuellement le confinement. De plus, les tensions entre les États-Unis et la Chine refont surface et viennent s’ajouter aux incertitudes.

Dans ce contexte et après un rally vigoureux et soutenu des marchés depuis les plus bas de mars, l’Investment Committee (IC) de Vontobel Wealth Management a décidé d’ajuster ses positions au niveau des sous-catégories d’actifs.

Dans le segment des titres à revenu fixe, l’IC a pris la décision de réaliser des prises de bénéfices dans les obligations investment grade (IG) et de réduire son positionnement à neutre. Le coronavirus ayant plongé les marchés du crédit dans la tourmente, nous avons décidé de neutraliser ce segment en faveur des obligations à haut rendement ou high yield (HY). D’un côté, on a pu observer un resserrement significatif des différentiels de taux sur les IG, de sorte que la prime de risque perd de son attrait. Entre-temps, les différentiels sur les HY n’ont pas suivi le même rythme de reprise que le reste du marché, ce qui ouvre des opportunités dans ce segment. Nous maintenons notre appréciation positive des obligations des marchés émergents (EM), car cette classe d’actifs nous semble attrayante en termes de risque/rendement. Les segments investment grade et high yield étant neutralisés, notre positionnement est donc globalement neutre sur le segment à revenu fixe.

Concernant les actions, après avoir relevé notre positionnement sur les actions suisses à positif fin mars en raison de leurs qualités et de leurs caractéristiques défensives, l’IC estime que le moment est venu de réaliser certains bénéfices et de réduire ce segment à neutre. En rétrospective, cette décision nous a été favorable car les actions suisses ont surperformé la plupart des indices mondiaux et en particulier européens durant cette période. Au même moment, nous avons relevé notre positionnement de négatif à neutre sur les actions japonaises. L’économie japonaise tirée par les exportations est fortement exposée à la reprise économique de ses voisins et notamment de la Chine. Comme la Chine a été la première à sortir du confinement et a déjà relancé son activité économique, le Japon nous semble sur la bonne voie pour en profiter. Après avoir neutralisé les deux segments, notre positionnement est donc globalement neutre sur les actions. À long terme, les marchés boursiers offrent toujours de la valeur et disposent à notre avis d’un potentiel de hausse. Néanmoins, compte tenu des incertitudes susmentionnées et du rebond vigoureux auquel nous assistons depuis mars, les valorisations sont proches ou au-dessus de leurs niveaux historiques. Il faudrait des signaux de reprise supplémentaire pour soutenir à la fois la performance et les valorisations à partir de là, d’où notre positionnement neutre.

L’IC maintient son appréciation pour tous les autres segments, c’est-à-dire son orientation négative sur les emprunts d’État, positive sur les obligations des marchés émergents et neutre sur toutes les autres régions au sein de l’univers des actions. Nous restons également positifs à l’égard des placements alternatifs (PA) dans l’ensemble, avec une position neutre sur les matières premières et les hedge funds ainsi qu’une préférence pour l’or et d’autres types de PA tels que les titres adossés à des assurances.

  1. Liquidités
    Face au bas niveau des taux d’intérêt, les liquidités demeurent globalement l’une des classes d'actifs les moins attrayantes. Avec les récentes baisses de taux, les banques centrales américaine et européenne ont une fois de plus montré leur détermination à redynamiser la croissance économique. La Banque nationale suisse devrait leur emboîter le pas.
  2. Obligations
    Suite à de bons résultats, l’IC a décidé de réaliser des prises de bénéfices dans les obligations IG et de neutraliser ce segment en faveur des obligations HY. Premièrement, le resserrement significatif des différentiels de taux des titres IG a réduit l’attrait de ce segment. Deuxièmement, les différentiels entre les obligations HY n’ont pas suivi le même rythme de reprise que le reste du marché, ce qui ouvre des opportunités dans ce segment. Notre positionnement est donc globalement neutre sur le segment à revenu fixe. Nous maintenons notre appréciation positive des obligations des marchés émergents et réitérons notre orientation négative sur les emprunts d’État.  
  3. Equities
    L’IC a réduit son positionnement sur les actions suisses à neutre après l’avoir relevé à positif fin mars. En rétrospective, cette décision nous a été favorable avec une surperformance par rapport aux principaux indices européens. En parallèle, nous avons relevé notre positionnement sur les actions japonaises de négatif à neutre. L’économie japonaise tirée par les exportations profitera de la reprise économique de ses voisins et notamment de la Chine. Après avoir neutralisé les deux segments, notre positionnement est donc globalement neutre sur les actions.
  4. Or
    Nous maintenons la surpondération de l’or car il bénéficie de la politique de taux accommodante des banques centrales et de la fuite des investisseurs vers les valeurs refuges. Alors que le monde de l’investissement fait face à des rendements négatifs sur plus d’un quart des obligations IG en circulation et que les mesures d’assouplissement monétaire se poursuivent, le métal jaune représente une couverture adéquate contre les mauvaises surprises d’ordre politique et économique.
  5. Matières premières
    Les rendements sur les matières premières sont largement décorrélés de la performance des actions et des obligations. Cette classe d’actifs profite des périodes d’accélération de l’inflation mais bénéficie très peu des mesures de soutien des banques centrales. Tant qu’il n’y aura pas de reprise notable de l’économie et de dépréciation nette du dollar US, nous éviterons d’opter pour une surpondération. À court terme, les matières premières souffrent également des inquiétudes relatives au virus Covid-19.
  6. Stratégies alternatives
    Durant les phases de forte volatilité comme c’est le cas actuellement, nous privilégions les classes d’actifs telles que les stratégies alternatives dont la performance ne dépend pas des marchés obligataires et boursiers. Au sein de cette catégorie, notre préférence va aux hedge funds.