L’Asie après la tempête

Aberdeen Standard Investments

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Cette année, le monde a été frappé par la pandémie de coronavirus. L’essentiel de l’activité économique a été suspendu, car beaucoup d’entre nous ont été confinés à leur domicile.

La région Asie-Pacifique n’en sortira pas indemne. Après des décennies de mondialisation, nous sommes tous dans le même bateau, quel que soit l’endroit où nous nous trouvions, et que cela nous plaise ou non.

Cela dit, malgré les sinistres perspectives annonçant des difficultés à long terme, il existe trois raisons pour lesquelles cette région est sans doute la mieux placée pour surmonter ces turbulences:

Une réponse efficace en matière de santé publique

Les marchés asiatiques ont été parmi les plus efficaces dans la lutte contre la crise de santé publique. Nombre d’entre eux ont été parmi les premiers à restreindre la circulation des personnes, à tester les populations à grande échelle et à tenter de localiser toute personne ayant été en contact avec un porteur du virus.

Au 1er juin, la Corée du Sud (52 millions d’habitants) avait limité à 271 le nombre de décès dus aux coronavirus. En comparaison, la Grande-Bretagne (66 millions d’habitants) déplorait 38'489 victimes du virus. De leur côté, Taïwan et Hong Kong ont réussi à limiter le nombre de décès sous la barre des 10. La Chine, malgré quelques faux pas initiaux, a rouvert ses portes. Le Vietnam, contre toute attente, n’a signalé aucun décès1.

Il est certain qu’ailleurs, des procédures de tests inadéquates empêchent les autorités sanitaires de réagir efficacement. Les pays les moins riches d’Asie sont particulièrement vulnérables. Leurs infrastructures sanitaires rudimentaires et leur aptitude moindre à supporter les coûts économiques d’un confinement prolongé assombrissent leurs perspectives.

«La gestion de la crise de santé publique en Asie n’a rien à envier à celle de nombreuses autres régions du monde»

Mais, en tant que région, la gestion asiatique de la crise de santé publique n’a rien à envier à celle de nombreuses autres régions du monde. Les responsables politiques ont pris les choses au sérieux très tôt en raison de leur amère expérience du SRAS et de la grippe aviaire. Dans l’ensemble, les populations ont fait confiance à leurs gouvernements et se sont montrées coopératives. Par exemple, l’utilisation des technologies de traçage des contacts a rencontré moins de réticences pour des raisons de protection de la vie privée.

Nous n’en sommes encore qu’aux prémices de cette pandémie. Mais l’Asie a fait preuve d’un niveau de compétence et d’autodiscipline qui pourrait encore atténuer les dommages causés. Elle devrait se porter relativement bien lorsque la reprise économique fera son apparition.

Marge de manœuvre pour la politique monétaire et budgétaire

Les responsables politiques asiatiques ont appliqué une version édulcorée des stratégies économiques des pays développés. Les banques centrales de la région ont la possibilité d’intensifier leur action car elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que les autres grandes économies (leurs taux d’intérêt ne sont pas proches de zéro)

Les banques centrales – comme celles de la Corée du Sud, de l’Indonésie ou de la Thaïlande  – ont également commencé à acheter des actifs, Mais jusqu’à présent, ce type d’achat d’obligations s’est révélé modeste dans la région Asie-Pacifique.

Le volume va augmenter, même si les banques centrales sont à des stades différents de préparation selon les pays. Ces programmes d’assouplissement quantitatif (QE), qui ont constitué une caractéristique majeure de la crise financière mondiale il y a plus de dix ans, contribuent à injecter des liquidités dans le système financier.

Les politiques de financement et d’assouplissement du crédit (telles que les opérations de mise en pension à long terme de l’Inde) sont en train d’être renforcées. Jusqu’à présent, ces programmes ne représentent qu’une infime partie du produit intérieur brut (PIB), mais leur taille va augmenter. En Asie, il est possible de développer davantage les politiques de relance non conventionnelles.
Les pays asiatiques sont généralement beaucoup mieux financés et gouvernés que lors des crises précédentes. Cela les place dans une situation budgétaire plus enviable pour faire face aux turbulences actuelles.

Le ratio dette publique/PIB est généralement plus facile à gérer, le rapport se situant entre 30% et 55% pour la plupart des économies asiatiques (à l’exception du Japon, de l’Inde et de Singapour)2. Cela laisse penser que le secteur public en Asie dispose d’une marge de manœuvre pour emprunter davantage afin de financer les efforts de relance.

Compte tenu de l’ampleur de l’expansion budgétaire déjà annoncée, les déficits risquent de se creuser. Mais il existe une certaine marge puisque la plupart des économies asiatiques (à l’exception de la Chine et de l’Inde) affichent des déficits qui ne dépassent pas -3,5% du PIB (en 2018)3.

La dynamique entre l’épargne du secteur privé et celle du secteur public aura son importance. En particulier, la baisse de l’investissement privé (autrement dit la hausse de l’épargne) signifie que les États sont en mesure d’emprunter davantage sans incidence sur leur balance des opérations courantes.

Hausse de la consommation privée

Les grandes économies développées d’Asie ne sont pas aussi dépendantes des exportations qu’elles l’auraient été, par exemple, il y a dix ans, à la suite de la crise financière mondiale.

Depuis quelques années maintenant, les responsables politiques cherchent à remodeler ces économies pour qu’elles dépendent davantage de la consommation intérieure, en mettant l’accent sur la productivité non manufacturière (c’est-à-dire du secteur des services).

La croissance des ménages à revenus intermédiaires a coïncidé avec une augmentation lente mais constante de la part de la consommation privée dans le PIB global. Pour les économies de la région d’Asie de l’Est et du Pacifique, les dépenses des ménages représentent désormais 49,1% de l’activité économique4.

Sans surprise, les gouvernements de la région ont mis l’accent sur la croissance tirée par les revenus. Les revendications en faveur de hausses des salaires dans les économies plus développées et, plus récemment, les aides financières dans le cadre des mesures de soutien, soulignent l’importance de la consommation.

Cependant, l’un des effets secondaires de ces changements a été l'augmentation de la dette des ménages, en particulier la dette hypothécaire. Si les marchés immobiliers en ébullition ont pu susciter des inquiétudes, un effondrement de l’immobilier d’origine virale nuirait au sentiment des consommateurs.

De plus, tant que l’économie mondiale restera fragile, même un vaste marché intérieur ressentira les effets d’une baisse de la production et des exportations.

À l’avenir, la réduction de l’écart de productivité entre les économies asiatiques et occidentales pourrait constituer une source potentielle de croissance. La productivité asiatique est en déclin depuis des années. La productivité mesurée par le PIB par habitant a chuté d’environ 4,56% l’année dernière, après avoir atteint un pic de 9,97% en 20075.

Accroître la productivité, en particulier dans le secteur des services, sera essentiel à la croissance. Il faudra pour cela s’ouvrir à plus de concurrence, ainsi que dépenser davantage dans l’éducation et la reconversion pour doter les travailleurs de nouvelles compétences.

 

1 Sources nationales, juin 2020
2 Moniteur des finances publiques du Fonds monétaire international, mai 2020
3 3 Moniteur des finances publiques du Fonds monétaire international, mai 2020
4 Banque mondiale, Indicateurs de développement mondiaux, mai 2020
5 Fonds monétaire international, Perspectives de l’économie mondiale, mai 2020