Japon

Andrea Astone, BMO Global Asset Management

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En matière de réforme ESG, le Japon a connu de nombreuses fausses illusions.

Mon récent séjour au Japon a coïncidé avec les derniers mois de l’ère Heisei. Heisei signifie «Paix universelle»: il semble opportun de réfléchir aux principaux thèmes soulevés à la conférence de Daiwa cette année. Ceux-ci sont en effet susceptibles d’influencer la nouvelle ère Reiwa, élégamment qualifiée d’«ère de la belle harmonie».

ESG – La gouvernance en point de mire 

En matière de réforme ESG, le Japon a connu de nombreuses fausses illusions. Cette année, cependant, il semble que les questions de gouvernance aient occupé une place vraiment très importante. Beaucoup d’entreprises que j’ai rencontrées sont en train de réformer leurs conseils d’administration et procèdent à des distributions record de liquidités au bénéfice des actionnaires. Pas encore au point de permettre aux investisseurs de sabrer le saké: d’autres entreprises ont accueilli nos questions sur la réforme de la gouvernance avec des haussements d’épaule indifférents, ou des sourires ironiques. Quoi qu’il en soit, nous avons eu le sentiment que d’une manière générale, le vent tournait. Facteur important, il se produit une transition d’ordre psychologique amenant à considérer de meilleures pratiques ESG comme un «vrai» moteur de valeur.

La société digitale 

Le Japon est connu pour son avant-garde dans l’adoption des nouvelles technologies ; pourtant, en réalité il est en retard sur d’autres pays dans certains domaines importants, en particulier le e-commerce et les paiements électroniques. Néanmoins, la transformation digitale s’accélère à présent. L’un des principaux thèmes soulevés lors de la conférence avait trait aux possibilités, pour les acteurs du e-commerce, de bénéficier d’une croissance largement supérieure à celle de l’économie japonaise dans son ensemble.

La digitalisation des modes de vie est étroitement liée à l’explosion du volume des données existantes. Parmi celles que j’ai rencontrées, de nombreuses entreprises estiment que l’avenir appartient à celles qui sauront se saisir de ces données, les interpréter, les conditionner ou les stocker.

Solutions pour une nation dont la population diminue

Le Japon illustre l’un des plus extraordinaires cas d’isolationnisme de l’histoire. Le shogunat Tokugawa, terrifié par l’influence déstabilisante des idées étrangères, interdisait à quiconque d’entrer ou de sortir du pays. Tout a changé en 1853, lorsque le commodore américain Matthew Perry a abordé dans la Baie de Tokyo pour demander au Japon d’ouvrir ses frontières commerciales.

Des signes de cette insularité passée demeurent encore aujourd’hui: on le voit tout particulièrement avec l’aversion ancienne que nourrit le Japon envers l’immigration. Le pays abrite l’une des nations les plus homogènes de toute la planète, mais cela pourrait changer progressivement. 

Durant mon séjour, l’un des plus fréquents motifs de lamentation qu’il m’ait été donné d’entendre concernait la pénurie de main d’œuvre, ce qui est assez compréhensible dans la mesure où la population en âge de travailler diminue de presque un million de personnes par an. Au cours des cinq dernières années, le nombre de travailleurs étrangers au Japon a doublé pour atteindre 1,28 million. Le Premier ministre Shinzo Abe assouplit en douceur les lois sur les visas, de même que les exigences de maîtrise de la langue dans les secteurs touchés par les plus graves pénuries de main d’œuvre. L’objectif est d’attirer 500’000 travailleurs étrangers supplémentaires d’ici 2025, mais cela pourrait être beaucoup plus. 

En parallèle, le pays investit dans l’automatisation. Le Japon est en effet l’une des nations les plus automatisées au monde, avec 303 robots industriels pour 10’000 employés. La plupart des entreprises que j’ai visitées procèdent actuellement à l’automatisation de nombreux aspects de leur activité.

Revenus à l’étranger

La majorité des entreprises nippones exposées à la croissance louchent sur des territoires plus jeunes et plus internationalisés, notamment leurs voisins asiatiques plus peuplés et dotés d’une dynamique économique vigoureuse. Les entreprises japonaises sont aujourd’hui plus disposées à recruter des talents locaux et bénéficient d’une réputation de qualité et de sécurité appréciée des consommateurs, en particulier sur les marchés émergents.

Inquiétudes concernant la Chine

Étant donné l’exposition du Japon à l’économie mondiale, les investisseurs présents à la conférence ont exprimé des inquiétudes au sujet de la Chine (ce qui est compréhensible), dont la guerre commerciale avec les États-Unis et le ralentissement économique menacent la croissance sur le sol nippon. Parmi mes interlocuteurs, la plupart ont manifesté un optimisme étonnant à ce propos. Ces entreprises estiment que le ralentissement ne sera que temporaire et qu’elles disposent de la flexibilité et des capacités de réduction des coûts nécessaires pour résister à une crise dans la région.