Digitalisation, la clé pour l’industrie du luxe

Pierre-François Tron, Marigny Capital

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En accélérant la nécessité d’une transformation digitale, la pandémie en a fait la priorité des marques de luxe à court terme.

La fashion week qui a commencé le 28 septembre à Paris devra bénéficier d’une médiatisation accrue pour exister dans un contexte particulier. En effet, la crise sanitaire a fortement touché le secteur du luxe, provoquant une baisse des revenus de l’ordre de 29% au premier semestre 2020. En accélérant la nécessité d’une transformation digitale, la pandémie en a fait la priorité des marques de luxe à court terme.

L’impact de la COVID-19

Alors que les boutiques d’Europe et d’Amérique du Nord ouvrent à nouveau, un consensus d’analystes estime que l’industrie du luxe devrait accuser une baisse de 15% de son chiffre d’affaires en 2020. Les clients chinois, considérés comme les plus importants pour beaucoup de marques, se remettent à acheter des biens de luxe, avec une préférence pour les boutiques monomarques. En effet, les grands magasins concentrant beaucoup de monde sont de plus en plus délaissés, au profit des boutiques. La réduction des voyages pénalise doublement l’industrie du luxe: non seulement les touristes ne se rendent plus dans les boutiques emblématiques pour consommer, mais ils ne fréquentent plus les aéroports, et ainsi n’achètent pas dans les commerces qui s’y trouvent. Face à cette baisse de fréquentation les marques doivent trouver de nouveaux moyens de vente en renforçant notamment leur présence sur Internet. Dans le secteur du luxe, les analystes estiment que le e-commerce pourrait représenter jusqu’à 17% du chiffre d’affaires des marques en 2020, contre 12% en 2019. A titre de comparaison, aux Etats-Unis le commerce en ligne représentait 34% de la vente totale de vêtements en 2019, toutes gammes confondues. Il s’agit pour les marques de luxe de rattraper le retard qu’elles ont pris dans le domaine de la vente en ligne.

Accélération de la transformation digitale

L’enjeu étant crucial pour l’industrie, les marques s’efforcent de développer leurs plateformes digitales, leur marketing sur les réseaux sociaux et leurs collaborations avec de nouveaux secteurs. Selon des analystes de chez McKinsey, 25% des clients américains et européens qui ont acheté des biens de luxe en ligne durant la crise le faisaient pour la première fois en utilisant un canal de e-commerce. Brian Duffy, PDG de Watches of Switzerland, constate que son chiffre d’affaires en ligne a connu une augmentation de plus de 50% depuis le confinement. Dans un rapport intitulé A perspective for the luxury-goods industry during and after coronavirus, McKinsey souligne l’importance des investissements digitaux et l’activation de clients à travers de nouveaux canaux. Le rapport conseille aux maisons de luxe non seulement d’améliorer leur site web, mais également de développer de nouveaux partenariats avec des e-commerçants.

Les multiples canaux de la transformation digitale

Interfaces web

Les clients des marques de luxe sont habitués à un niveau de service élevé lorsqu’ils se rendent dans les boutiques, il est alors primordial que les marques mettent l’accent sur la création d’une expérience numérique personnalisée et de même qualité. Sur le site web de Gucci, les clients ont la possibilité d’être accompagnés à distance par un vendeur de la marque. Chanel a lancé une collaboration avec Farfetch en développant un programme d’essayage à distance, grâce à des cabines virtuelles. Selon le Virtual Fitting Room Market Research Report, le marché des cabines d’essayage virtuelles devrait atteindre une taille supérieure à 19 milliards de dollars d’ici 2030 alors qu’il ne pesait que 3 milliards en 2019. Le développement des cabines virtuelles progresse rapidement dans les pays d’Asie Pacifique grâce à la Chine et le Japon qui ont une base d’acheteurs en ligne très importante. Il s’agit ainsi pour les distributeurs d’investir massivement dans des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle, afin d’améliorer leur offre et d’élargir leur base de clients.

Marketing sur les réseaux sociaux

Durant le confinement, certaines marques ont rapidement développé des salons de discussion en ligne, des services de visioconférence, de la vente sur WeChat et la réalité augmentée sur smartphones. C’est le cas de la maison Chaumet qui a développé des filtres sur Instagram afin de permettre aux utilisateurs d’essayer des bijoux via l’application. Plus récemment, c’est l’application TikTok qui attire les marques. Des maisons telles que Louis Vuitton, Christian Dior et Balenciaga ont vu le potentiel de cette application visant un public jeune (60% des utilisateurs étant âgés de 13 à 24 ans), et ont également renforcé leur présence sur Instagram. TikTok a annoncé un partenariat avec plusieurs marques, à l’occasion du lancement de son propre month-long digital fashion event se déroulant jusqu’au 8 octobre 2020.

Collaborations avec de nouveaux secteurs

Si historiquement les marques concluaient des partenariats avec des secteurs tels que l’automobile, la tendance est à présent aux partenariats avec de nouveaux secteurs innovants. Louis Vuitton, grâce à Nicolas Ghesquière (directeur artistique des collections pour femmes), est l’une des premières marques de luxe à avoir décidé de collaborer avec l’industrie du jeu vidéo, à travers son partenariat avec League Of Legend (célèbre jeu concentrant plus de 100 millions de joueurs). Durant le confinement, d’autres marques ont également choisi de surfer sur cette vague. A l’occasion de la sortie du jeu Animal Crossing: New Horizons en mars 2020, de nombreuses marques ont décidé de s’associer avec Nintendo afin de créer différentes tenues disponibles sur le jeu: Prada, Supreme, Gucci, Dior et Chanel. L’industrie du jeu vidéo représente un potentiel de diversification important pour les marques de luxe. Le but est de créer une identification à la marque auprès d’un public moins touché par les publicités classiques.

Conclusion

Malgré une forte baisse des ventes durant la crise du coronavirus, en particulier durant le confinement, les marques de luxe ont des perspectives de développement et de croissance pour les années à venir. Si l’impact de la crise sanitaire aura des répercussions sur la vente de biens de luxe à court terme, les marques mettent tout en œuvre afin d’être présentes sur les plateformes digitales à travers: l’amélioration de leur interface web, leur présence sur les réseaux sociaux, leurs collaborations avec les distributeurs, et leur intégration dans de nouveaux secteurs innovants.