Accroître le rendement tout en réduisant le risque grâce aux actifs privés

Schroders

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Duncan Lamont, responsable de la recherche stratégique, évoque les potentiels avantages à investir dans des actifs privés.

Avant son introduction en bourse en 2004, Google n’avait levé que 25 millions de dollars en financement privé. De nos jours, certaines entreprises lèvent plus de 500 fois ce montant. Google (désormais appelé Alphabet) pourrait-il être coté à un stade aussi précoce de sa croissance aujourd’hui? C’est très peu probable.

L’émergence et la croissance des marchés privés ont joué un rôle central dans la transformation des modes de financement des entreprises. Les stratégies d’investissement ont également dû évoluer, tout comme les modalités d’accès des investisseurs au marché.

Auparavant, seuls les investisseurs institutionnels avaient accès à ces opportunités, mais cela s’étend désormais, avec une participation accrue des particuliers fortunés et des investisseurs de détail. Les évolutions réglementaires et les innovations en matière de produit ont ouvert la voie.

Qu’est-ce qui a changé?

Aux Etats-Unis, entre 1980 et 1999, plus de 300 entreprises par an en moyenne entraient en bourse. Depuis, il n’y en a plus que 127 par an en moyenne. Outre l’absence de nouveaux candidats, les mouvements de fusions et acquisitions n’ont cessé de réduire le stock d’entreprises cotées sur le marché public. Aux Etats-Unis, ces dernières ont ainsi diminué de près de moitié depuis le pic de 1996, et les résultats sont encore bien pires sur d’autres marchés.

Les entreprises cotées sur les principaux marchés boursiers sont beaucoup moins nombreuses que par le passé

 

Cette situation s’explique à la fois par l’expansion du secteur du Private Equity (qui dispose désormais de capacités financières accrues) et par l’augmentation des coûts et des contraintes associées à une cotation en bourse. Les entreprises restent privées plus longtemps et une plus grande partie des performances est captée par les investisseurs en Private Equity. Ceux qui n’intègrent pas d’actifs privés dans leur portefeuille risquent ainsi de passer à côté d’opportunités.

Sur les marchés de la dette, une évolution notable vers les marchés privés s’observe également. Le secteur de la dette privée s’est considérablement développé, tandis que les prêteurs bancaires traditionnels se sont retirés de nombreux marchés en raison des changements réglementaires survenus après la crise financière. Cela a donné l’occasion aux prêteurs privés d’entrer en jeu.

Il est important de distinguer dette privée et prêt direct. Ces termes sont souvent utilisés de manière interchangeable mais ils sont fondamentalement différents. D’un côté, la majeure partie de l’univers de la dette privée est constituée de financements adossés à des actifs. De l’autre, les prêts directs, qui représentent environ 1'700 milliards de dollars, sont des prêts accordés aux entreprises privées. Le financement adossé à des actifs représente plus de 13'000 milliards de dollars de prêts et inclut les prêts immobiliers commerciaux, les dettes d’infrastructure et les prêts à la consommation (prêts automobiles, cartes de crédit, prêts étudiants, etc.) ainsi que le financement de créance ou de crédit-bail. Une autre distinction essentielle est le fait que le financement adossé à des actifs est garanti et remboursé par les flux de trésorerie provenant d’actifs spécifiques. Le prêt direct est, quant à lui, remboursé par les flux de trésorerie généraux de l’entreprise et est donc corrélé au risque d’entreprise présent dans les portefeuilles obligataires traditionnels.

Quels sont les attraits d’une allocation sur les actifs privés?

1. Offrir des rendements ou des revenus plus élevés

Les performances du Private Equity sur le segment des rachats d’entreprises ont significativement dépassé celles des grandes et petites capitalisations américaines (nettes de frais) sur le long terme. De plus, la dette privée offre généralement un rendement supérieur à celui des obligations d’entreprise. La nature plus fiable du financement adossé à des actifs contribue également à fournir un profil de rendement plus stable que celui des obligations d’entreprise.

Les actifs privés réalisent généralement de meilleures performances (nettes de frais)

 

La dette privée offre généralement un rendement supérieur à celui des obligations publiques, telles que la dette à haut rendement

 

2. Donner accès à un plus large éventail d’opportunités, d’industries ou de résultats

Les nouveaux modes de financement des entreprises impliquent que les investisseurs souhaitant accéder à toutes les opportunités qui leur sont offertes, doivent désormais allouer sur les marchés privés. Les répartitions sectorielle et régionale de nombreux marchés publics ne sont souvent pas représentatives non plus des caractéristiques de la classe d’actifs dans son ensemble, ce qui peut également biaiser les résultats. A titre d’exemple, le marché des obligations d’infrastructure publique est dominé par les services aux collectivités et les émetteurs américains, alors que le marché de la dette d’infrastructure est en réalité beaucoup plus diversifié en termes de secteurs et de géographies.

3. Réduire le risque (qu’il s’agisse de volatilité et/ou de risque de perte en capital)

Les rendements de nombreux actifs privés sont moins volatils que ceux des marchés publics, ce qui attire de nombreux investisseurs. Cependant, dans certains cas, cela est dû aux méthodologies de valorisation, qui peuvent atténuer la variabilité des prix déclarés.

C’est bien connu pour le Private Equity et l’immobilier, mais c’est aussi le cas pour la dette privée.

Toutes les classes ou structures d’actifs privés n’affichent pas de valorisations lissées. Les actifs des fonds semi-liquides sont valorisés de façon mensuelle ou trimestrielle, conformément à des normes comptables rigoureuses, telles que les US GAAP et l’IFRS 13. Ces valorisations sont par ailleurs souvent auditées par des cabinets externes réputés et régulièrement examinées par des comités internes.

Les actifs privés sont moins volatils et peuvent également être moins risqués. Pour apprécier ce deuxième aspect, il est cependant nécessaire de se pencher sur la classe d’actifs et la stratégie en elle-même. De nombreux facteurs qualitatifs doivent être pris en compte (consulter l’article complet pour en voir quelques exemples).

Une approche plus holistique de la compréhension du risque est essentielle. Le risque immobilier est plus similaire à celui des actions qu’à celui des actifs obligataires, malgré ce que pourrait suggérer une analyse de volatilité standard. Le marché du Private Equity est très diversifié. Il serait légitime de considérer les rachats d’entreprises de grandes capitalisations plus risqués que les actions de sociétés cotées, en raison de l’effet de levier légèrement plus élevé dans ce secteur. A l’inverse, une étude qualitative tendrait à démontrer que les rachats d’entreprises de petites et moyennes capitalisations le sont moins. Les investissements individuels en capital-risque peuvent être très incertains, tandis que les portefeuilles se sont montrés remarquablement résilients et ont pu prouver qu’ils pouvaient également bien performer dans un environnement de crise sur les marchés. La dette privée est elle aussi très diversifiée. Certains segments offrent moins de risque que les obligations d’entreprises, notamment pour les financements adossés à des actifs, mais le spectre est large.

Les risques sous-jacents des actifs privés diffèrent de ceux des marchés publics

 

4. Apporter de la diversification en introduisant de nouvelles sources de rendement

Au travers de leurs expositions sous-jacentes et de leurs sources de rendement différenciées, les actifs privés offrent des avantages en matière de diversification par rapport aux marchés publics. Ceux-ci varient selon la classe d’actifs et le marché. Compte tenu des problématiques de valorisation, la meilleure façon d’appréhender la relation entre les rendements publics et privés est d’examiner les expositions sous-jacentes et de se concentrer sur les sources de rendement différenciantes, plutôt que sur les estimations statistiques de corrélation.

Par exemple, les rendements des rachats de grandes capitalisations sur le marché du Private Equity sont fortement influencés par ceux des marchés publics, mais cette relation est beaucoup plus faible lorsqu’il s’agit des rachats de petites et moyennes capitalisations et des opérations de capital-risque. Le capital-risque en phase de démarrage dépend en effet moins des marchés boursiers et de l’économie (car les entreprises n’ont généralement pas ou peu de revenu et pas encore de bénéfice), que de leurs progrès dans le développement de produits et de leurs premiers succès commerciaux.

De même, de nombreux projets d’infrastructure présentent une plus grande stabilité des flux de trésorerie et sont moins sensibles au cycle économique que la moyenne des entreprises, ce qui permet de diversifier les expositions aux actions.

Du côté de la dette privée, les prêts directs ont une sensibilité au risque similaire à celle des obligations d’entreprises (c’est-à-dire la prime de risque crédit), tandis que les prêts à la consommation et les prêts adossés à des actifs, tels que l’immobilier et les infrastructures, sont exposés aux flux de trésorerie sous-jacents d’un actif ou d’un ensemble d’actifs, ce qui est fondamentalement différent.

En ce qui concerne leur lien avec les taux d’intérêt et les obligations traditionnelles, les investissements en actions à fort effet de levier seront plus vulnérables aux fluctuations des taux et des coûts de financement que les investissements à plus faible endettement.

Le taux variable associé à une grande partie de la dette privée a pour conséquence directe des rendements plus élevés lorsque les taux d’intérêt augmentent, tandis que l’augmentation de ces derniers entraîne une diminution des prix des obligations d’État et d’entreprises traditionnelles à taux fixe. Une grande partie de la dette privée devient donc un excellent stabilisateur lorsque la volatilité provient des taux d’intérêt et un complément bénéfique aux expositions en obligations traditionnelles.

En somme, la capacité des actifs privés à apporter de la diversification au sein d’une allocation existante sur les marchés publics peut être un attrait majeur. De ce fait, le choix de sources de rendement différenciées devrait primer sur les statistiques.
 

5. Fournir une exposition plus directe à l’investissement à impact

Ces dernières années, un nombre croissant d’investisseurs se sont focalisés sur l’impact qu’ils ont au travers de leurs investissements. Les marchés privés offrent des avantages notables pour créer et mesurer cet impact de façon plus précise que ce qui est possible sur les marchés publics.

Dans le domaine du Private Equity, par exemple, des prises de participation importantes et une représentation au conseil d’administration donnent aux investisseurs la possibilité d’influer directement sur la trajectoire d’une entreprise afin de générer notamment un impact spécifique. Dans le domaine de l’immobilier, l’investissement d’impact basé sur le lieu (PBII) met l’accent sur des résultats tels que la création d’emplois et l’amélioration du logement. Les actifs privés, en particulier dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, le logement abordable et l’agriculture durable, ont souvent un lien direct avec des objectifs d’impact tels que les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.

Du côté de la dette, le microfinancement est un exemple très parlant de l’alignement des investissements sur l’impact car il permet d’accorder à des populations à faible revenu, ainsi qu’à des micro, petites et moyennes entreprises, des prêts, de plus en plus de services d’épargne et d’assurance ainsi que des produits connexes. Tout cela permettant la création et le développement d’activités génératrices de revenus et aidant les populations à sortir de la pauvreté.

Considérations pratiques

L’intérêt accru pour les actifs privés a conduit à la levée de capitaux importants au cours de la dernière décennie. Le «dry powder», c’est-à-dire l’argent récolté mais pas encore investi, a atteint des niveaux records. Des levées de fonds importantes présentent les risques d’une concentration excessive de capitaux sur les mêmes opportunités d’investissement, d’un accroissement des prix et d’un affaiblissement des rendements à venir. Les rachats d’entreprises de grande taille et les prêts directs sont deux des activités les plus concernées par une telle situation.

De meilleures opportunités peuvent être trouvées en recherchant des marchés moins encombrés et en ayant recours à des gérants fiables et bien établis pour avoir accès à des offres que d’autres ne sont pas en mesure d’identifier. L’accès aux meilleures transactions est devenu l’un des avantages les plus importants qu’un investisseur prospère puisse revendiquer.

De plus, la compétition est souvent rude sur les transactions les plus importantes, contrairement à ce que l’on peut constater sur les transactions plus confidentielles ou plus complexes. Un exemple évident est la comparaison entre la privatisation d’une entreprise publique par un fonds de Private Equity (en payant une prime par rapport à sa valeur publique) et le rachat d’une entreprise familiale sans autres prétendants.

La structuration est une compétence essentielle dans le domaine de la dette privée, ce qui en limite l’accès. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’opérer dans des secteurs moins saturés où la structure ne peut se limiter à de simples clauses restrictives.

Les gérants d’actifs privés disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour orienter leurs investissements, ce qui entraîne une plus grande dispersion des rendements par rapport à ce qui existe généralement sur les marchés publics. À l’échelle mondiale, la différence de rendement entre les fonds de rachat du premier et du dernier quartile est de 15% en moyenne. Le choix du gérant est de fait encore plus cruciale lorsqu’il s’agit d’investissements dans des actifs privés.

L’importance de la sélection de fonds dans les actifs privés

Les marchés privés offrent une grande variété d’options d’investissement qui peuvent diversifier et améliorer le profil de risque et de rendement pour les investisseurs. Du fait de leur influence croissante, de plus en plus de financements ont lieu dans le secteur privé. Les investisseurs qui se concentrent uniquement sur les marchés publics risquent donc de passer à côté d’opportunités. Ces dernières ne manquent pas, mais l’intérêt accru pour les investissements en actifs privés s’est accompagné d’une concurrence plus forte. Les investisseurs devraient rechercher des marchés moins encombrés pour bénéficier de l’amélioration du profil de rendement / risque que peuvent offrir les actifs privés.

 

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