Asie: flux de capitaux et frictions politiques

Paras Anand, Fidelity International

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L’Asie attire des flux croissants d’investisseurs privés de rendements et sous-pondérés dans cette région.

Depuis des décennies, les bourses américaines occupent le devant de la scène sur les marchés actions internationaux, en grande partie grâce à l’hégémonie du dollar et à la solide prédominance économique des États-Unis.

Mais, un changement de paradigme potentiel se prépare. En effet, les fonds internationaux se tournent vers des émetteurs asiatiques qui promettent un plus grand potentiel de croissance. Depuis le début de l’année, c’est Hong Kong qui a accueilli l’introduction en bourse la plus importante au monde.

Les planètes semblent alignées en vue d’une nouvelle vague de valeurs florissantes en Asie où la reprise économique, les réformes des règles de cotation, l’innovation technologique et l’appréciation des devises sont autant de facteurs qui concourent à favoriser une forte progression des marchés actions.

Un changement structurel

La thèse structurelle est manifeste. Les marchés actions des pays asiatiques apparaissent sensiblement sous-développés par rapport à la taille de leurs économies, ce qui implique un énorme potentiel de croissance. Par exemple, le ratio agrégé capitalisation boursière/PIB est d’environ 89% pour la Chine (y compris Hong Kong) et 116% pour l’Inde, deux chiffres bien en-deçà des 221% des États-Unis et des 136% du Royaume-Uni.

Jouissant de l’avantage de la «première entrée, première sortie», la Chine ouvre la voie de la reprise économique mondiale au lendemain de la crise de la Covid-19 à la faveur du rebond de la consommation intérieure et d’exportateurs profitant des ruptures d’approvisionnement dans les pays occidentaux. La Chine a enregistré une croissance du PIB de 2,3% en 2020, le seul taux positif parmi les grandes économies mondiales. D’autres économies asiatiques, dont le Vietnam et Taïwan, ont également résisté au ralentissement de la croissance mondiale en affichant une croissance positive l’année dernière.

À une époque où les taux d’intérêt sont nuls ou négatifs, en particulier en Occident, les fonds internationaux ne peuvent trouver mieux que l’Asie émergente pour bénéficier de performances décentes. Selon les estimations du Fonds monétaire international, la croissance de la Chine, de l’Inde et du bloc de l’ANASE va continuer d’excéder celle des pays occidentaux au cours des prochaines années. Le FMI prévoit un taux de croissance de l’économie chinoise et indienne de respectivement 8,1% et 11,5% cette année.

La réforme des marchés chinois

Soucieux de dynamiser leurs marchés de capitaux, les responsables politiques asiatiques se sont employés à mettre en place des réformes visant à faciliter la cotation et la négociation. Un nouveau lieu de cotation pour les start-ups technologiques, connu sous le nom de STAR Board, a ouvert en fanfare à Shanghai en 2019. Il s’accompagne d’exigences de bénéfices et de coupe-circuits assouplis pour les émetteurs par rapport aux autres bourses onshore chinoises. Afin d’encourager la cotation des entreprises technologiques, les régulateurs ont également assoupli les règles d’approbation des introductions en bourse pour le ChiNext Board à Shenzhen.

Hong Kong a attiré toute une série d’introductions en bourse de groupes biotechnologiques au cours des trois dernières années, et ce, suite à l’assouplissement en 2018 par l’opérateur boursier de la ville des restrictions de manière à autoriser les émetteurs du secteur ne générant pas encore de bénéfices ou même de chiffre d’affaires.

Un élan régional

Dans le même temps, l’Inde prévoit des réformes audacieuses qui pourraient favoriser un boom du marché de capitaux au cours des prochaines années. Dans un souci d’efficacité, le gouvernement aspire à privatiser des géants publics, depuis des banques jusqu’à des opérateurs de transport, avec un objectif initial de cession de 24 milliards de dollars. Une mise en œuvre réussie de ce programme permettrait d’accroître considérablement la file des introductions en bourse en Inde et d’attirer des flux de capitaux étrangers. De même, le Pakistan envisage de privatiser des entreprises publiques dans un large éventail de secteurs.

En Asie du Sud-Est, Singapour songe à autoriser la cotation des «special purpose acquisition companies» (SPAC), à savoir des sociétés dédiées spécifiquement à une acquisition, trois ans après avoir institué des structures en double catégorie d’actions en vue d’inciter les groupes technologiques à s’introduire en bourse. Les régulateurs indonésiens sont également en train de se pencher sur les structures en double catégorie d’actions qui sont populaires parmi les sociétés Internet.

Un boom des cotations de sociétés technologiques se profile à l’horizon en Asie du Sud-Est où l’infrastructure du marché s’améliore pour toute une série de start-ups (celles qu’il convient d’appeler les «licornes») qui atteignent le bon stade de maturité pour entrer en bourse. Nous nous attendons à voir des introductions en bourse valorisées à des milliards de dollars de la part d’entreprises de la région de l’ANASE dans des secteurs tels que le commerce électronique et les services de transport au cours des prochaines années.

La masse critique

Au rythme actuel de la transformation, nous pensons que l’Asie va parvenir à constituer une masse critique d’infrastructures de marché pouvant rivaliser avec les bourses américaines dans les cinq à dix prochaines années. En termes de flux de transactions, le marché de capitaux chinois en plein essor talonne déjà les bourses américaines. Les transactions au niveau mondial gravitent de plus en plus autour de deux centres : les places financières américaines déjà anciennes et les bourses chinoises, jeunes mais dynamiques. L’année dernière, le montant des introductions en bourse a atteint 119 milliards de dollars en Chine et à Hong Kong, contre 181 milliards de dollars outre-Atlantique. Accusant certes toujours du retard en termes de valeur des levées de fonds, la Chine et Hong Kong ont toutefois enregistré 537 cotations au cours de la même période et ont ainsi dépassé l’Amérique (509).

La Chine ouvre progressivement ses marchés financiers aux investisseurs étrangers, lesquels se sont rués sur les obligations et les actions onshore du pays au cours des derniers trimestres. Les afflux de capitaux ont toutes les chances de se poursuivre, la vigueur de la croissance économique et du yuan incitant davantage de fonds à renforcer leur exposition aux actifs chinois. Ces dernières années, des fournisseurs d’indices comme MSCI et FTSE ont accru la pondération des actions chinoises dans des indices de référence des actions internationales, ce qui a contribué à renforcer leur attrait.

Plus récemment, les tensions commerciales entre Pékin et Washington ont été une arme à double tranchant pour les marchés actions d’Asie. D’une part, les risques géopolitiques ont incité un grand nombre d’entreprises technologiques chinoises à quitter les bourses américaines et à retourner en Asie. La migration vers l’Orient des cotations chinoises va probablement se poursuivre. D’autre part, des émetteurs chinois ont fait l’objet d’une étroite surveillance suite à la récente interdiction faite par Washington aux investisseurs américains de détenir des actions de plusieurs sociétés basées en Chine. Cela a eu pour effet d’accroître l’incertitude à court terme.

L’instauration de règles susceptibles de limiter la confiance des investisseurs pourrait représenter une autre menace à moyen terme pour les marchés asiatiques des introductions en bourse. Les émetteurs et les investisseurs sur le marché onshore chinois se sont par exemple inquiétés du contrôle réglementaire strict du prix des introductions en bourse. Nous pensons que ce sujet, ainsi que d’autres aspects, devraient être mieux traités dans le cadre des futurs trains de réforme des règles de cotation et nous sommes rassurés par certaines des initiatives de libéralisation expérimentées dans des régions comme à Shanghai avec le marché STAR.

Toutefois, ces frictions géopolitiques et ces tendances de marché doivent être considérées dans le contexte plus large suivant : les économies occidentales sont confrontées à d’énormes déficits de financement de leurs régimes de retraite. L’Asie est peut-être encore loin de devenir le principal centre d’introduction en bourse du monde, mais nous voyons sa trajectoire ascendante aussi indéniable qu’irréversible. Quelle que soit la manière dont les journaux décrivent les vents contraires, les capitaux internationaux vont bel et bien financer la croissance de l’Asie au cours de la prochaine décennie.

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