Le salaire de subsistance dans le secteur de la grande distribution.

En dix ans, nos façons d’acheter se sont radicalement transformées. L’essor de la distribution en ligne et à bas coût exerce des pressions sans précédent sur les marges des points de vente physiques. Pour rester dans la course, beaucoup d’entreprises ont dû réagir en réduisant leurs coûts, ce qui peut donner lieu à un resserrement des salaires des employés et des fournisseurs.
Les bienfaits à court terme supposés d’une stratégie fondée sur des bas salaires doivent être mis en perspective avec ses coûts sur le long terme. Des salaires faibles peuvent causer une plus grande érosion des salariés et une baisse de productivité, due non seulement à un moral en berne mais également à la nécessité continue de devoir former de nouvelles recrues. Ces conditions peuvent à leur tour nuire à l’expérience d’achat en magasin et contribuer encore à dégrader les perspectives commerciales des distributeurs en points de vente physique.
Notre engagement sur la question des salaires de subsistance cherche à sensibiliser les entreprises à ces problèmes moins immédiats et à les inciter à développer, sur le long terme, une approche stratégique progressive de la gestion du capital humain, fondée sur la reconnaissance des avantages offerts par des effectifs stables et motivés. Cet engagement soutient plusieurs des Objectifs de développement durable (ODD), plus particulièrement l’ODD 1 – Éliminer la pauvreté et sa cible 1.2, qui vise à réduire de moitié la population vivant dans la pauvreté, et l’ODD 8 – Travail décent et croissance économique, dont la cible 8.5 est de parvenir à un plein-emploi décent et productif pour tous. D’autre part, les emplois à bas salaire étant occupés beaucoup plus souvent par des femmes, notre engagement sur le salaire de subsistance soutient aussi l’ODD 5 – Égalité des sexes.
cherche à inciter les entreprises à développer sur le long terme
une approche stratégique progressive de la gestion du capital humain.
Notre engagement s’est concentré sur dix grandes entreprises de distribution (plus de 50’000 employés) que nous avons choisies pour représenter cinq leaders en matière d’ESG et cinq acteurs à la traîne, sur la base d’une première analyse d'informations accessibles au public.
Les dix entreprises sélectionnées sont les suivantes: Costco, Dollar General, Dollar Tree, Sysco, Walmart (toutes américaines), Tesco (Royaume-Uni), Fast Retailing (Japon), George Weston et Loblaw (Canada) et CECONOMY (Allemagne).
Ces entreprises emploient au total près de 3,7 millions de personnes.
Nous avons entamé notre travail d’engagement avec ces dix entreprises début 2019.
Notre stratégie a d’abord consisté à les sensibiliser au concept de salaire de subsistance, à comprendre leur position concernant les niveaux de rémunération dans leurs propres activités et à les inciter à plus de transparence sur la question des salaires.
Au fil de ce travail d’engagement, nous prévoyons de demander aux entreprises d'établir des plans assortis d'échéances pour ajuster les niveaux des salaires et avantages sociaux. Nous leur demanderons également de réfléchir à la question de la rémunération dans leur chaîne d’approvisionnement.
Enfin, notre aspiration est que toutes les sociétés auprès desquelles nous nous sommes engagés disposent de plans avec des échéances et ajustent leurs niveaux de rémunération au salaire de subsistance pour les catégories d’employés applicables.
Si, au cours du processus d’engagement, nous considérons qu’une société réagit de manière satisfaisante et est en bonne voie pour mettre au point une stratégie efficace de salaires de subsistance, nous pourrions décider d’abandonner l’action d’engagement et d’initier le dialogue avec une autre entreprise.
Notre action d’engagement en 2019 s’est focalisée sur les enjeux suivants:
- Sensibiliser au concept du salaire de subsistance et à ses bienfaits pour les employés comme pour l’entreprise dans son ensemble
- Inciter les entreprises à réfléchir à l’importance des niveaux de salaires des employés dans le succès à long terme de leur activité
- Demander si les entreprises évaluent les conséquences financières d’un ajustement des niveaux de salaires dans leurs activité, et si oui de quelle manière
- Demander plus de transparence sur (a) les niveaux de salaires moyens par type d’activité et par région; (b) une liste des avantages sociaux et des employés qui en bénéficient; et (c) des questions plus vastes en lien avec les effectifs, via l’enquête Workforce Disclosure Initiative
Sur dix entreprises, sept ont été réceptives à notre engagement. En dépit de plusieurs relances, Walmart, George Weston et CECONOMY n’ont en revanche pas répondu à nos tentatives d’approche.
Avec les entreprises réceptives, le dialogue a été initié à plusieurs niveaux. Dans l’une d’entre elles, nous nous sommes entretenus avec le directeur général, tandis que dans d’autres, nos échanges ont eu lieu avec des responsables tels que le DRH, la Direction des Rémunérations et avantages, des experts en durabilité ou encore des représentants des Relations Investisseurs.
La plupart de ces discussions ont été conduites de manière ouverte, mais les informations qui nous ont été fournies étaient globalement assez limitées, à une exception (très positive) près: Tesco. Toutes les entreprises ont souligné la nécessité de payer des salaires appropriés, mais avec diverses interprétations en ce qui concerne la pratique. Seule une d’entre elles, encore une fois Tesco, disposait de projets pilotes en matière de salaires de subsistance dans sa chaîne d’approvisionnement. De plus, pour ses propres employés, la nouvelle grille de salaires 2019 devait (en combinant le salaire de base et les avantages sociaux) normalement correspondre aux niveaux de salaire de subsistance au Royaume-Uni.
Toutes les entreprises nous ont assuré qu’elles évaluaient régulièrement les niveaux de salaires, mais elles ont aussi clairement reconnu que les principaux critères de décision en la matière étaient l’inflation et la rémunération offerte par la concurrence.
Aucune entreprise n’a mentionné tenir compte de considérations d’ordre social comme les taux de fidélisation des employés, les conséquences pour la santé ou la satisfaction des clients.
Certaines interrogent régulièrement leurs employés avec des enquêtes, qui incluent des questions sur leur niveau de satisfaction concernant les salaires et avantages. Mais aucune de ces entreprises n’a diffusé les résultats, même dans une version synthétique. Nous avons l’intention de continuer à recommander des enquêtes fréquentes et transparentes sur l’engagement des employés, car celles-ci permettent de mettre en lumière des thèmes et des points d'insatisfaction.
Dans l’ensemble, les entreprises avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont fait preuve d’une transparence très insuffisante concernant les informations relatives à leurs employés. Des informations plus précises sur ces aspects, y compris sur les niveaux de salaires, sont indispensables pour nous aider à comparer les meilleures pratiques, à cadrer de manière plus ciblée les attentes de notre engagement et à prendre des décisions d'investissement plus éclairées.
En 2020, nous poursuivrons notre engagement avec ces entreprises autour des questions de salaire de subsistance et de la transparence des données relatives aux effectifs. Nous allons également commencer à réclamer des objectifs d’ajustements des rémunérations et des avantages sociaux.
De plus, afin d’enrichir notre programme d’action, nous collaborons avec un groupe d’entreprises, d’ONG et une agence pour la coopération en matière de développement international, en vue de développer et piloter une méthodologie d’«analyse de scénarios d’opportunités sociales». Celle-ci servirait aux entreprises pour examiner de façon plus structurée les différents équilibres possibles entre la gestion des coûts à court terme et la performance/satisfaction à long terme de leurs employés.
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