Les hedge Funds ont rempli leur rôle, estime Nicolas Nussbaum de BlackRock.
En pleine tourmente des marchés, certains se sont plaints de performances des fonds alternatifs décorrélés aux marchés en-dessous des leurs attentes. Mais de quelles attentes parle-t-on précisément? D’une décorrélation systématique peu réaliste? Pour Nicolas Nussbaum, responsable des hedge funds pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient (EMEA) chez BlackRock, certaines expectatives sont irréalistes et les hedge funds ont bien remplis leur rôle en offrant une faible corrélation pour une volatilité nettement plus basse. Entretien.
Il convient tout d’abord de définir ces attentes. S’il s’agit de battre les marchés quelles que soient les conditions et de surcroît de garantir une performance absolue positive, alors ces attentes sont irréalistes. Mais si l’on recherche des performances faiblement corrélées et moins de volatilité, alors les hedge funds ont bien rempli leur rôle. Pour preuve, les performances moyennes sur le premier trimestre de l’année pour les stratégies hedge funds sont d’environ moins sept pour cent alors que les actions mondiales (MSCI World) sont en baisse en moyenne de moins vingt-et-un pour cent.
Elle reflète une dispersion des performances très importante. Dans le top décile (les meilleurs), toutes stratégies confondues, les fonds ont affiché une performance positive moyenne entre quatre et cinq pour cent.
que temporaire et elle a au final renforcé les opportunités.
Il est trop tôt pour tirer des conclusions. On ne connaîtra pas le montant total des sorties avant plusieurs semaines, la plupart des fonds ayant une liquidité au minimum mensuelle. La situation évolue à tout instant, certains vont clairement tirer leur épingle du jeu et chaque jour offre une nouvelle opportunité d’investissement. Le fort rebond de la fin mars le montre clairement.
Les écarts (spreads) sur les stratégies d’arbitrage en fusion-acquisition se sont élargis à des niveaux rarement atteints à cause de distorsions de marché. Un grand nombre de ces transactions sont néanmoins robustes et il est donc possible de capturer les spreads sur ces transactions, une fois qu’ils se resserreront. La volatilité dont ces stratégies ont souffert mi-mars n’était que temporaire et elle a au final renforcé les opportunités.
Entre le 16 et le 18 mars, nous estimons que la valeur de marché brute a été réduite d’un tiers au sein des quants à cause de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’ouverture «limite à la baisse» du marché américain. Puis les plus fortes hausses jamais enregistrées en dix ans, cette volatilité extrême engendrant des frais de trading importants. En cause aussi: la suspension des cotations qui a rendu toute vente à découvert temporairement impossible sur certains titres. Certains managers ont pu rebondir mais ceux qui avaient réduit leurs expositions au plus bas n’ont pas profité du rebond.
L’environnement reste compliqué pour de nombreuses stratégies Quant. Les régimes de haute volatilité sont généralement porteurs pour ce type de stratégies, mais pas les pics de volatilité, les risques de chocs exogènes restant difficiles à modéliser. Toutefois, une dispersion existe et certains modèles basés sur l’intelligence artificielle ont montré des résultats positifs.
importantes, tout comme certains Asset Managers globaux.
Les stratégies ayant recours à l’IA utilisent une multitude de signaux novateurs, qui vont de la géolocalisation, de l’analyse du comportement des consommateurs, aux signaux plus techniques comme l’impact des flux d’ETFs sur les titres sous-jacents. Elles reposent de plus en plus souvent sur l’apprentissage automatique (Machine Learning). L’algorithme prend des décisions d’allocation à la place du modèle traditionnel. Il y a par ailleurs une augmentation croissante d’approches combinées quantitatives et fondamentales.
La survie des fonds dépend de nombreux facteurs : leur performance bien sûr, la robustesse de leurs opérations, leur capacité de gestion des risques, leur capacité de financement, leurs gérants, leurs stratégies et leur historique d’investissements; donc pas uniquement de leur taille. Aujourd’hui, les barrières à l’entrée sont bien plus élevées que par le passé mais on a vu des nouveaux lancements de gérants émergents qui ont bien marché alors que de grands fonds ont fermé. Certaines plateformes multi-stratégies ont pris des parts de marché importantes, tout comme certains Asset Managers globaux. Les fonds aux encours supérieurs à 5 milliards comptent pour deux tiers des actifs à l’échelle mondiale.
L’industrie est souvent mise face à des remises en question. Elle est toutefois particulièrement sujette au Darwinisme, avec une forte sélection naturelle. En 2008, l’industrie tout entière s’était déjà remise en question. Les acteurs ont mûri et la qualité des managers s’est passablement renforcée. L’industrie peut néanmoins toujours faire mieux en prenant le temps de bien communiquer et en éduquant plus largement les investisseurs sur les attentes et les spécificités parfois complexes de ce type d’investissement.