Carmen Altenkirch et Dariusz Kedziora analysent comment les réformes peuvent façonner la dette émergente.
Les pays émergents envisagent de plus en plus de difficultés du fait du ralentissement de l'économie mondiale, ce qui rend les réformes structurelles plus importantes pour attirer des capitaux et soutenir la croissance économique. Mais le rythme des réformes peut se ralentir.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), pour protéger leurs économies dans un environnement plus fragile, les marchés émergents doivent approfondir les réformes dans six domaines cibles: la gouvernance, le commerce, l'emploi, le finance domestique (tel que le contrôle des taux d'intérêt), la finance externe et les règlements du marché, y compris les droits de propriété1.
La réussite des réformes dépendra de divers facteurs, tels que le calendrier, la mise en œuvre, le degré de dépendance de l'économie nationale aux capitaux extérieurs et la façon dont les réformes elles-mêmes interagissent avec l'infrastructure institutionnelle existante.
Les réformes structurelles peuvent prendre plus de temps que prévu pour produire leurs effets. En outre, si elles sont également alignées avec le soutien des entreprises locales, des décideurs politiques et de la population en général, elles seront plus susceptibles de générer des résultats à long terme. Prenons le Brésil, par exemple, où les difficiles réformes des retraites proposées par le nouveau président Jair Bolsonaro ont été approuvées par le Sénat fédéral le 22 Octobre, avec le soutien des dirigeants politiques, des technocrates et des électeurs. L’initiative a injecté une dose de confiance indispensable des investisseurs.
Nous pouvons également voir à quel point l’alignement est important en considérant le Chili, où une vague de manifestations violentes, déclenchée par une hausse des tarifs du métro en Octobre, perturbe l'économie. Pendant des décennies, le pays était vu comme un modèle sur le plan des réformes favorables au marché, attirant des capitaux étrangers et améliorant globalement les niveaux de revenu globaux. Mais ces politiques ont également entraîné de profondes inégalités de richesse au Chili, qui ont alimenté les récentes protestations et mis son économie sous pression.
La solidité de l'infrastructure institutionnelle existante peut également renforcer l'impact des réformes, avec la gouvernance constituant l’une des composantes les plus importantes selon le FMI2. Les renforcements de la gouvernance favorisent non seulement directement une croissance économique plus productive, mais ils amplifient aussi indirectement l’impact de nouvelles réformes indépendantes.
À titre d'exemple, la Pologne a entrepris 30 années de réformes structurelles. L'orientation politique principale a été cohérente et a reçu le support du public. Après l’intégration de la Pologne dans l'Union européenne en 2004, le pays a tiré profit des réformes menées les années précédentes, ce qui lui a permis de bénéficier pleinement des nouvelles opportunités et d'une croissance sans précédent. Le PIB par habitant national a progressé de près de 150 % depuis 1989, l'économie polonaise affichant la croissance la plus rapide en Europe durant la période3. Le pays est l'un des meilleurs exemples de ce que les réformes alignées peuvent accomplir au fil du temps.
Mais une loi récente qui met gravement à rude épreuve l’indépendance judiciaire soulève des préoccupations à l’échelle internationale. Le gouvernement a introduit une législation pour que les juges puissent faire l'objet d'une enquête et de sanctions par rapport aux décisions qu'ils rendent. La loi est contestée devant la plus haute juridiction européenne par la Commission Européenne. La tentative du pays de réduire le contrôle judiciaire pourrait aussi ébranler la structure de gouvernance polonaise et effrayer les investisseurs potentiels. Lutter isolément contre les problèmes, sans considérer leurs éventuelles conséquences sur d’autres parties de l'économie pourrait compenser les avantages. Parallèlement, les réformes doivent être adaptées à la situation propre du pays. La réussite n'est possible que lorsque les objectifs sont alignés, tant à l’interne qu’à l’externe.