La semaine écoulée est marquée par un retour progressif au calme sur les parquets de trading, permis par la désescalade de la guerre commerciale en cours, notamment entre les Etats-Unis et Londres, le marché apprécie aussi grandement la pause décrétée entre Washington et Pékin. Une macro plutôt favorable accompagne le retour de l’appétit au risque (prix à la consommation, à la production, statistiques hebdomadaires sur l’emploi). Même le supposé dogmatique Jerome Powell apporte sa pierre à l’édifice acheteur en expliquant que la Fed mène une réflexion quant à son approche à long terme de l’évolution du niveau général des prix et aussi de l’emploi. Ce faisant, le premier banquier du monde laisse entendre que la Réserve Fédérale n’est pas totalement opposée à un changement d’approche, réclamé à corps et à cris par qui vous savez. La Fed ne promet absolument rien mais parvient à détendre plus ou moins tout le monde, well done JP.
Les principaux indices d’actions de Wall Street réalisent une belle semaine avec près de 7% de progression pour le Nasdaq100 (NDX) et 5% pour le S&P500 (SPX), qui ne se trouve plus qu’à 3% de son record historique. L’Europe suit à distance, l’Eurostoxx progresse d’un peu plus de 2%, le pétrole retrouve de timides couleurs alors que le dollar et l’or font l’objet de désengagements.
Vendredi les indices clôturent proches de leur plus haut du jour, la participation acheteuse est générale comme l’illustre le S&P500 équipondéré (SPW) qui avance de 0,97%, c’est mieux que le SPX. Les mastodontes de la tech ne boudent pas la fête, portés notamment par Tesla et Alphabet. Le NDX est désormais solidement de retour dans son canal haussier entamé en janvier, il est sur le point d’entrer en territoire suracheté. La paire EUR/USD traite à 1,1226, sa 50 jours évolue à 1,1116, sa résistance se situe à 1,1276. La volatilité recule logiquement vendredi, le VIX perd 3,3% à 17,24.
Ce début de semaine pourrait être perturbé par l’annonce ce weekend que l’agence Moody’s dégrade la dette des Etats-Unis.
Moody’s rétrograde la note des États-Unis à AA1 (après Fitch en 2023, et S&P il y a près de quatorze ans). L’agence justifie sa décision en pointant le niveau élevé de la dette publique américaine ainsi que le poids croissant des intérêts, bien supérieurs à ceux constatés dans d’autres pays bénéficiant d’une notation équivalente. Les griefs majeurs? Une dette en hausse constante, des déficits persistants et un Congrès incapable, d’une administration à l’autre, de parvenir à un consensus pour remettre les finances publiques sur une trajectoire plus saine. Selon Moody’s, le déficit devrait s’approcher des 9% du PIB d’ici 2035 (contre 6,4% aujourd’hui), tandis que la dette pourrait atteindre 134% du PIB, contre 98% en 2024. À ce rythme, les seuls intérêts de la dette pourraient engloutir près d’un tiers des recettes fédérales Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor, minimise cette décision, qualifiant la situation budgétaire de parfaitement connue et estimant que Moody’s est complètement à côté de la plaque. Il faut rappeler que l’agence concurrente S&P avait déjà retiré aux États-Unis leur précieuse note AAA en… 2011!
Quoi qu’en pensent Monsieur Bessent et son N+1, ceux d’entre nous, jeunes depuis plus longtemps que d’autres, se souviennent de la lame de fonds engendrée par la dégradation de la dette des Etats-Unis par S&P en août 2011. Ça avait swingué ferme dans les salles de marchés, on changeait deux ou trois fois de chemise par jour, le VIX était monté à près de 50 points. Le SPX avait perdu 6,6%, la tempête avait duré une semaine. En août 2023, rebelote, de la part de Fitch cette fois-ci qui dégrade la note des Etats-Unis de AAA à AA+. Le marché réagit nettement plus mollement alors, le SPX perd un peu plus de 1%, en revanche les rendements obligataires poussent assez fortement à la hausse. Là encore les turbulences mettent une semaine à se dissiper. Et nous voici en 2025 avec la cavalerie dernière des trois grandes agences qui dégaine un downgrade. La réaction du marché semble mesurée en l’état, le future SPX recule de 1,2%, peut-être aussi en raison de prises de profits après la belle semaine écoulée. Le dollar perd aussi du terrain, les rendements obligataires remontent légèrement, le 10 ans US passe de 4,48% vendredi soir à 4,51% ce matin, petit souci, 4,50% et plus représente la zone de danger, c’est à suivre de près.
Il ne semble donc pas que le lac ait pris feu, pas pour l’instant en tous les cas. Et puis le GGO (Gonet Geneva Open de tennis) vient de débuter, une raison supplémentaire pour les investisseurs de regarder ailleurs.
Cette semaine, au-delà de digérer l’annonce de Moody’s, d’observer les multiples rendez-vous entre chefs d’Etats, principalement autour du conflit en Ukraine et de jeter un œil sur les quelques derniers résultats trimestriels de sociétés qui manquent encore à l’appel (notamment Diageo, Home Depot, Palo Alto, Ryanair, Julius Baer et Generali), les intervenants se concentreront sur des statistiques chinoises (Pékin a annoncé cette nuit une hausse de la production industrielle plus forte que prévu en avril, tandis que les ventes de détail ont progressé, mais moins que ce que prévoyaient les économistes) et aussi sur les indicateurs PMIs (directeurs d’achats) un peu partout.
Allez! On se penche sur les tops et les flops de la semaine écoulée: les actions du fret maritime européen (Hapag-Lloyd, AP Moller Maersk, etc.) grimpent de 28,76% alors que le secteur, sous pression depuis des mois, profite d’un rebond lié à l’apaisement des tensions entre la Chine et les États-Unis. Coinbase bondit de 33,68%: son entrée dans l’indice S&P 500 attire les flux des fonds indiciels et relègue au second plan le piratage qui pourrait lui coûter jusqu’à 400 millions de dollars. Richemont avance de 14,2% et continue de tirer son épingle du jeu dans un marché du luxe en difficulté, porté par ses marques de joaillerie et des résultats trimestriels solides, avec des perspectives renforcées par des hausses de prix à venir. Stellantis gagne 9,31%, porté par l’apaisement commercial sino-américain et la nomination, selon Bloomberg, d’Antonio Filosa comme successeur potentiel de Carlos Tavares. À l’inverse, UnitedHealth Group chute de 23,31%: la démission inattendue de son CEO et une enquête pour fraude autour de Medicare ébranlent le géant américain de l’assurance santé, dont la baisse s’amplifie depuis la mi-avril. Alstom recule de 13,14% après des prévisions jugées décevantes malgré des résultats conformes; le groupe prévoit un free cash-flow modeste (entre 200 et 400 millions d’euros en 2025) en raison d’une hausse des dépenses liée à la montée en cadence de plusieurs projets. Enfin, Alcon perd 6,19%: les résultats du spécialiste suisse de l’ophtalmologie déçoivent, la bonne tenue des lentilles et consommables ne compensant pas les contreperformances en chirurgie et implants, ce qui pousse l’entreprise à revoir ses ambitions annuelles à la baisse.
Le baril de WTI Light Crude traite ce matin à 62,03 dollars, il avait atteint 63,9 dollars mardi passé. La remontée des prix du pétrole se heurte aux discussions autour d’un éventuel accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran, qui pourrait déboucher sur un assouplissement des sanctions pesant sur Téhéran. Une telle évolution permettrait à l’Iran d’accroître sa production et ses exportations, avec une hausse estimée à 400’000 barils par jour, voire jusqu’à 800’000 selon certains analystes. Cette nouvelle offre s’ajoute à l’augmentation continue de la production par l’OPEP+, alimentant les craintes d’un excédent sur le marché mondial. Parallèlement, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) met en garde contre un possible ralentissement économique susceptible de freiner la croissance de la demande. Côté offre, l’AIE anticipe une progression de 1,6 million de barils par jour en 2025, tirée en grande partie par l’Arabie saoudite, malgré un recul attendu du pétrole de schiste américain, pénalisé par des prix trop bas.
L’hebdomadaire Barron’s publie ce weekend un article intéressant sur l’impact potentiel des tarifs de Trump. L'article de Barron's, intitulé «Tariffs Will Reshape the Economy. What Should Change Won't», analyse les implications économiques des nouvelles politiques tarifaires mises en place par l'administration Trump. Les droits de douane américains ont été portés à une moyenne de 17,8%, un niveau inégalé depuis 1937. Ces tarifs pourraient générer environ 2’700 milliards de dollars sur dix ans. Toutefois, la baisse de la croissance économique prévue réduirait ces gains d’environ 400 milliards de dollars. Le secteur manufacturier pourrait bénéficier d’une croissance à long terme de 1,5%, tandis que la construction et l’agriculture subiraient des reculs. Malgré les tarifs, le déficit commercial américain devrait persister, principalement en raison d’un faible taux d’épargne nationale et de dépenses publiques élevées. Enfin, les tarifs, en tant que taxes à la consommation, pèsent davantage sur les ménages à faibles revenus, ce qui accentue les inégalités économiques. En résumé, bien que les tarifs puissent stimuler certains secteurs industriels, ils risquent d’entraver la croissance économique globale et d’aggraver les déséquilibres fiscaux et sociaux.
Rien de bien appétissant à se mettre sous la dent en termes macro-économiques aujourd’hui.
UBS est en discussions avec des clients pour un éventuel dédommagement de pertes subies avec des produits structurés complexes, selon l'agence Reuters. Trump demande à Walmart d'absorber les droits de douane plutôt que d'augmenter ses prix. Le CEO de Nvidia annonce que la prochaine puce destinée à la Chine après la H20 ne sera pas issue de la série Hopper. Nvidia qui serait par ailleurs en pourparlers avancés pour investir dans PsiQuantum, selon The Information. Michael Burry double sa participation dans le fabricant de cosmétiques Estée Lauder. L'administration Trump s'inquiète d'un accord visant à intégrer l'IA d'Alibaba dans les iPhones d'Apple, selon le New York Times. Xiaomi va investir au moins 6,9 milliards de dollars dans la conception de puces, déclare son fondateur.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en légère baisse. Tokyo abandonne 0,68% à la cloche, Hong Kong perd 0,16%, Shanghai est à l’équilibre, Séoul rend 0,89% et le Nifty50 égare 0,08%. Le future SPX recule d’1,2% et l’Europe ouvre en repli de 0,2%. L’or retrouve logiquement quelques couleurs, l’once revient à 3231 dollars.