Et voilà, la boucle est bouclée. Si vous avez hiberné entre le 1er janvier et hier soir et que vous consultez votre portefeuille titre en actions américaines, vous devez vous dire que tout est plutôt calme puisque l’indice S&P500 (SPX) est en hausse de 0,08% sur l’année. Tout ça pour ça! (excellent film de Claude Lelouch, injustement noté 6,0 sur IMDB). En effet tout ça pour ça, ceci dit de l’autre côté de l’Atlantique on n’a pas attendu que Wall Street se remette la tête à l’endroit, l’Eurostoxx50 est en progression de 10,6% sur l’année, le SMI (Slow Market Index) progresse de 4.86% pour sa part.
C’est une nouvelle échappée du secteur de la tech qui permet ce retour à l’équilibre du SPX hier soir, porté par un espoir revigoré que l’intelligence artificielle va repartir comme jamais, le voyage de qui vous savez dans les pays du Golfe n’y est pas étranger non plus, on va y revenir, notamment en parlant de Nvidia (NVDA +5,63%) et aussi d’Apple (AAPL +1,02%). Le podium du jour du SPX se compose de la tech, de la consommation discrétionnaire et de l’énergie. Les volumes d’échanges poursuivent leur redressement, c’est plutôt bon signe, en revanche le breadth est plus mesuré, qui montre un peu plus de titres en baisses qu’en hausse sur le SPX et un ratio légèrement positif sur le Nasdaq, on en conclut que ce sont encore une fois les mastodontes de la tech qui font le travail, d’ailleurs l’indice S&P500 équipondéré (SPW) ne progresse que de 0,22% contre +0,72% au SPW. Au-delà de Nvidia, citons des noms tels que Palantir (PLTR +8,14%), Super Micro Computer (SMCI +151,99%) ou encore Vistra (VST +6,02%) qui font partie des moteurs de la hausse de ce mardi. Le marché réagit aussi bien à la publication de l’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis, j’y reviens.
Le vénérable Dow Jones subit des effets secondaires fâcheux à cause de United Health (UNH -17,8%), après que la firme a annoncé le remplacement de son CEO pour raisons personnelles et suspendu ses perspectives financières pour l’ensemble de l’année en raison de coûts médicaux plus élevés que prévu. Rappelons ici que le bon vieux Dow est un indice «price weighted», qui ne tient pas compte de la capitalisation boursière de ses membres mais uniquement de leur prix. United Health cote 311$, de ce fait elle fait partie des gros bras de l’indice, hier soir elle contribue à elle seule à 414 points de baisse du Dow, qui en perd 269 au total et aurait donc clôturé dans le vert sans elle.
Sur la partie technique, le SPX a désormais totalement récupéré le niveau de sa dernière death cross, il n’évolue pas encore en territoire suracheté. Le NDX est pour sa part sur le point d’y entrer, ce qui ne semble pas lui poser de problème majeur la plupart du temps. La volatilité recule un chouia, le VIX perd 0,9% à 18,22, le marché est probablement en train de se calmer, on a acheté massivement les annonces de réductions de tarifs entre la Chine et les Etats-Unis, Donald Trump aurait déclaré que son administration a défini les contours d’un accord très solide avec Pékin, l’absence de forte hausse qui y fait suite indique que les intervenants relèvent le sourcil droit à nouveau et réclament des actes concrets, les mots ne suffisent plus. D’ailleurs le rendement de l’emprunt US à 10 ans remonte à 4,47%, sa prochaine résistance se situe à 4,50%, le marché obligataire veille une fois de plus, alors que les ados actions se sont laissées emporter avant de réfléchir, rien de nouveau sous le soleil Downtown Manhattan. Pour sa part le dollar semble subir un coup de mou, le Dollar Index (DXY) a été tenu en respect avec succès par sa moyenne mobile à 50 jours, phénomène identique sur la paire EUR/USD, qui évolue à 1,1204 et voit sa prochaine résistance à 1,1276.
Nous voici donc dans cette situation de déjà vu avec à ma droite un marché des actions joyeux, optimiste et qui baisse sa garde chaque jour un peu plus, tandis qu’à ma gauche cet empêcheur de rêver en rond qu’est l’austère marché obligataire continue de se la jouer fourmi, c’est agaçant et rassurant à la fois. Et puis au milieu de ces antagonistes il y a des investisseurs dubitatifs qui se demandent que faire désormais.
On sait que les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir (@Pierre Dac). Penchons-nous donc sur le passé, qui a tant à nous raconter. Le SPX a encore besoin d’une hausse de 4,3% pour atteindre un record historique. Le scénario d’une chute de 15% depuis le début de l’année, suivie d’un rebond complet, n’avait pas été réalisé aussi rapidement depuis 1982. Bespoke Investment souligne que le point bas d’il y a 43 ans s’est avéré être un moment exceptionnel pour acheter. Il a marqué le début d’un long marché haussier. Pourrait-on connaître une nouvelle année comme 1982? Cela dépendra probablement beaucoup de la politique macroéconomique américaine dans les mois à venir. Mais il est clair que la trêve commerciale avec la Chine incite les investisseurs à revoir leurs prévisions de manière plus optimiste. La dernière enquête menée par Bank of America auprès des gestionnaires de fonds est parue hier: 70% des entretiens ont eu lieu avant l’annonce des discussions à Genève entre les États-Unis et la Chine. De toute évidence, personne ne pensait qu’un taux tarifaire maximal américain de 145% durerait. La moyenne pondérée de leurs réponses anticipait un taux de seulement 37%. Environ deux tiers s’attendaient à un taux plus élevé que les 30% qui seront finalement appliqués pendant les trois prochains mois. Cela pourrait-il donner un coup de fouet au rallye et offrir une occasion de pousser trop loin le nouveau récit optimiste? Tout comme on l’a fait avec le récit pessimiste qu’il remplace d’ailleurs.
Rappelons au passage que les Etats-Unis doivent régler un petit détail qui se nomme déséquilibre budgétaire, ils n’ont en parallèle pas adressé leurs risques macro-économiques à venir, principalement quant à la croissance et au niveau général des prix. En l’état le loyer de l’argent est élevé, la Fed en retrait, ce point redeviendra probablement le plus important lorsque la poussière de la guerre commerciale de Trump retombera. L’enquête de Bank of America montre aussi que les acteurs du marché sont revenus massivement dans les actions de la tech et les grosses capitalisations, on ne se refait pas.
On l’aura compris, le contexte actuel rend les prévisions de plus en plus ardues et confirme une fois de plus combien une approche à long terme est la seule valable dans le monde de l’investissement. Structurer un portefeuille adéquat, puis aller pêcher, voilà une stratégie très souvent gagnante.
On reparle de Nvidia, qui retrouve progressivement les faveurs du plus grand nombre après avoir été envoyée au coin pendant un peu plus de quatre mois par des investisseurs infidèles comme rarement. Le CEO de Nvidia, Jensen Huang, accompagne actuellement Donald Trump en Arabie Saoudite, où un accord permet à ce pays un meilleur accès aux puces avancées. Nvidia prévoit d’y livrer 18’000 puces à une startup financée par le fonds souverain saoudien. Cependant, des inquiétudes persistent: les puces pourraient être détournées vers la Chine malgré les restrictions américaines à l’exportation. Cela souligne la difficulté de faire respecter ces limitations. Pour Nvidia, même des ventes indirectes à la Chine pourraient renforcer sa position (selon certains analystes). Apple semble être également un bénéficiaire de la trêve commerciale : la société avait estimé une perte potentielle de 900 millions de dollars à cause des droits de douane, une somme jugée négligeable par certains analystes au regard de sa capitalisation de 3’000 milliards de dollars. Malgré cet apaisement, les experts restent prudents. La dépendance aux chaînes d'approvisionnement chinoises reste problématique et il faudra sans doute engager des dépenses importantes pour les diversifier.
L'inflation sous-jacente (core CPI) d’avril augmente de 0,2%, un peu en dessous des 0,3% attendus, tandis que la hausse annuelle atteint 2,8%, conforme aux prévisions et au plus bas depuis février 2021. Les coûts du logement (+0,3%) expliquent la moitié de la progression, et l’assurance auto accélère, alors que les tarifs aériens et les voitures d’occasion reculent, mais moins fortement qu’en mars. Les détails sont globalement conformes aux attentes, avec un impact minime des droits de douane. Cette publication renforce les anticipations d’une première baisse de taux de la Fed en septembre, avec toujours l’hypothèse de deux baisses d’ici fin 2025. La confiance des petites entreprises (NFIB) reste sous sa moyenne de long terme pour le deuxième mois consécutif. Aujourd’hui plusieurs responsables de la Fed (Waller, Jefferson, Daly) prennent la parole. Demain de nombreuses publications sont attendues : Empire State, Philly Fed, ventes au détail, prix à la production, production industrielle, stocks des entreprises et moral des constructeurs.
Bien évidemment, le CPI légèrement moins fort que prévu provoque une réaction de qui vous savez qui écrit: «Pas d'inflation, et les prix de l’essence, de l’énergie, des produits alimentaires et pratiquement de tout le reste sont EN BAISSE!!! LA RÉSERVE FÉDÉRALE doit baisser les TAUX, comme l’ont fait l’Europe et la Chine. Qu’est-ce qui ne va pas avec Powell, toujours en retard? Ce n’est pas juste pour l’Amérique, qui est prête à s’épanouir. Il faut juste laisser faire les choses, ce sera magnifique!».
Au menu macro-économique de ce mercredi, l'indice des prix à la production en Allemagne et l'inflation européenne en matinée, puis aux Etats-Unis, les stocks de brut du DOE.
Eiffage publie 5,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires au premier trimestre et confirme ses prévisions. Alcon publie un chiffre d'affaires stable à 2,45 milliards de dollars au premier trimestre. Daimler Truck réduit ses prévisions de bénéfice d'exploitation 2025. Microsoft va licencier 3% de ses effectifs, selon CNBC. Verizon va investir 5 milliards de dollars dans les fournisseurs de petites entreprises américaines au cours des cinq prochaines années. Sony prévoit des bénéfices stables cette année en raison des prévisions liées aux droits de douane. Samsung va racheter le fabricant allemand de systèmes de refroidissement FlaktGroup pour 1,7 milliard de dollars. Baidu se prépare à lancer des taxis autonomes en Europe, selon le Wall Street Journal.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse hormis Tokyo, qui égare 0,14% à la cloche. Hong Kong progresse de 2%, Shanghai avance de 0,86%, Séoul monte de 1,23% et le Nifty50 traite à l’équilibre. Le future SPX est inchangé et l’Europe ouvre en repli de 0,1%. L’or recule encore un peu, l’once revient à 3237 dollars, le pétrole est en forme, le baril de WTI Light Crude traite à 63,55 dollars.