Au-delà de la mondialisation heureuse: bâtir la résilience économique

Aymeric Gastaldi, Edmond de Rothschild Asset Management

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Les entreprises vont devoir repenser leurs chaines de valeur, leur défense cyber, et même leur allocation de capital.


Un irrésistible besoin de résilience

Après 30 ans de mondialisation dite «heureuse», le monde a changé. La montée des tensions géopolitiques, la réapparition de conflits armés en Europe, la renaissance du protectionnisme économique, les cyberattaques quotidiennes, sont autant d’illustrations d’un changement d’environnement durable. Le durcissement du contexte géopolitique est une réalité tangible avec une portée micro-économique concrète. Charles Darwin disait «Ce n’est pas la plus forte des espèces qui survit, ni la plus intelligente, mais celle qui s’adapte le mieux au changement», ce constat est parfaitement applicable aux entreprises. Celles-ci vont devoir repenser leurs chaines de valeur, leur défense cyber, et même leur allocation de capital. Ainsi, elles bâtiront leur résilience et leur capacité à opérer dans ce nouveau paradigme.

La fin de la parenthèse enchantée

Depuis les années 1980 jusqu’au début des années 2020, le monde a connu ce que d’aucun pourrait appeler une parenthèse enchantée. Ce cycle d’une quarantaine d’années aura vu le recul des grandes idéologies, la baisse des barrières douanières, un réchauffement géopolitique et l’accélération de la mondialisation. A l’ouest, nous avons assisté à la montée du libéralisme économique, à la chute du mur de Berlin et l’entrée de la Chine dans l’OMC. Cette détente paraît aujourd’hui bien lointaine. Dire que l’environnement global s’est dégradé est devenu une lapalissade. La montée des populismes, le retour en force du politique, le risque géopolitique, sont ancrés et s’inscrivent durablement dans notre environnement. Ce changement a des conséquences économiques majeures. C’est pourquoi toute stratégie d’investissement doit en tenir compte pour se positionner. Au même titre que le cycle entamé dans les années 1980 s’est révélé bénéfique aux entreprises incarnant la mondialisation heureuse (industries exportatrices, secteur de la mode et du luxe, technologie, loisirs …), le cycle à venir permettra à certaines entreprises au profil bien différent de surperformer dans la durée.

Une nouvelle typologie d’entreprises pour une performance durable

Quelques tendances se démarquent déjà très favorablement. Il s’agit entre autres de la progression des dépenses militaires et solutions de cyber sécurité. Ces deux dimensions sont l’expression de la montée durable du risque géopolitique et présentent un besoin d’investissement en inexorable croissance. En considérant seulement l’OTAN, le sous-investissement en équipement militaire atteint 1400 milliards de dollars sur 30 ans comparativement à ce que prévoient les statuts de l’organisation à sa fondation. De même, la protection physique des individus va bénéficier de vents durablement porteurs. Il en va de même pour la demande en solutions de médecine préventive, ces équipements permettant de faire face à des situations d’urgence ou de tension soudaines : production de vaccin, équipements pour diagnostics moléculaires, etc.

La composition actuelle des indices financiers reflète 30 ans de mondialisation heureuse

Un dénominateur commun aux entreprises qui performeront sera leur capacité de résilience, c’est-à-dire à décider de leur destinée indépendamment des soubresauts politiques, géopolitiques et économiques. Ce sont typiquement des entreprises avec un fort niveau d’intégration verticale, peu tributaires de composants importés et réalisant une part importante de leur chiffre d’affaires sur leur marché domestique. Leur robustesse passera aussi par une solidité financière éprouvée, matérialisée par un niveau d’endettement faible. La composition actuelle des indices financiers incarne 30 ans de mondialisation «heureuse» avec, en haut du classement, une prépondérance de sociétés exportatrices, présentes dans les services ou la technologie. A l’inverse, les entreprises purement industrielles ont vu leur poids reculer depuis 20 ans sous le joug de la concurrence des pays asiatiques. Les entreprises que l’on pourrait qualifier de résilientes sont, elles, assez peu présentes au sein du top 100. C’est la raison pour laquelle leurs perspectives boursières sont particulièrement attractives. Présentes dans des secteurs comme les infrastructures critiques, l’approvisionnement en eau ou les ressources stratégiques notamment, elles sont actuellement «sous les radars» et relativement peu détenues. Leur capacité à naviguer dans le contexte géopolitique qui prend forme aujourd’hui en fera les gagnantes de demain. 

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