Les corrections récentes du marché suisse des actions ont créé de nouvelles opportunités, sans perdre de vue la qualité des entreprises, selon Martin Lehmann, gérant du fonds 3V Invest Swiss Small & Mid Cap. De fin août 2019 à fin août 2024, le rendement total de ce fonds a atteint 35,2%, d’après Citywire. Durant l’année en cours, de janvier à fin août 2024, le rendement ressort à 7,9%, en comparaison de 5,9% pour l’indice SPI SMC.
Comment jugez-vous la situation actuelle en Bourse?
On assiste à une pression sur les marchés depuis quelques semaines, du fait des incertitudes économiques, ainsi qu’à une division entre des sociétés de qualité, qui résistent bien aux vents contraires actuels, dont ceux de la Chine, et des entreprises plus cycliques, de moindre qualité, dont le cours boursier baisse.
Néanmoins, cette situation crée de nouvelles opportunités, notamment pour nos positions tactiques qui forment 20% de notre portefeuille, les 80% restants étant des sociétés de qualité à rendement composé élevé dans la durée. Tout en pouvant nous écarter de l’indice de référence SPI Small and Middle Companies et investir jusqu’à 20% de la fortune du fonds dans des sociétés du SPI Large Companies.
Quel enseignement tirez-vous des résultats semestriels des sociétés suisses?
Un sentiment partagé, avec des hauts et des bas suivant les entreprises. Certaines d’entre elles, que nous avons en portefeuille, ont très bien tiré leur épingle du jeu au premier semestre, en particulier Aryzta, Schindler, Lindt & Sprüngli, Sika, Belimo, Galderma et SFS Group. A ce titre, le recul de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt devraient donner un nouvel élan à la conjoncture et donc aux sociétés.
«Belimo est sans doute très bien valorisée mais c’est une excellente société.»
Quelles modifications de vos positions avez-vous effectuées récemment?
Nous avons, durant l’été, augmenté nos positions en actions Belimo, SFS, Straumann et Also. Par ailleurs, nous avons constitué une ligne dans la société Clariant. Nous avons profité de certaines baisses, notamment pour accumuler des actions du groupe Tecan dans le secteur de la santé.
En revanche, nous avons pris quelques bénéfices sur des titres de haute technologie comme VAT Group et Comet, également chez le sous-traitant pharmaceutique Siegfried après la publication de ses résultats semestriels. Certes, VAT apparaît encore chère, mais sa position de leader mondial dans le secteur des soupapes d’étanchéité en fait, de loin, une valeur très attractive.
Schindler et Belimo ne sont-elles pas trop chères?
Il est vrai que Belimo est sans doute très bien valorisée, mais c’est une excellente entreprise, qui enregistre une croissance hautement rentable dans un secteur porteur: l’efficience énergétique et la diminution du CO2 des bâtiments.
Quant à Schindler, nous sommes d’avis qu’elle pourra augmenter sa marge d’exploitation au niveau de celle du groupe américain Otis (plus de 15%). De plus, ses affaires de maintenance, réparation et modernisation d’ascenseurs escaliers mécaniques et de trottoir roulant génèrent un cash-flow libre considérable, sans gros investissements additionnels.
«Le redressement d’Aryzta a été mené de manière magistrale sous la conduite du CEO, Urs Jordi.»
Aryzta est la plus grosse position de votre portefeuille, avec une part de plus de 6%. Qu’est-ce qui vous rend si confiant au sujet de cette entreprise?
Le redressement a été mené magistralement sous le président et CEO, Urs Jordi, un professionnel du secteur de la boulangerie, son métier de base. Un «turnaround» ne va pas de soi, tant s’en faut! Il s’accomplit dans le cas particulier. L’amélioration de la rentabilité d’Aryzta est induite par l’innovation, qui stimule sa croissance organique, et une gestion active de son portefeuille produits et solutions.
Le rendement des capitaux investis d’Aryzta s’est fortement amélioré, à 13,1% au premier semestre. Son free cash-flow est revenu à un niveau de 100 millions d’euros ou plus par an. Son bilan se normalise progressivement. Aryzta tient ses objectifs à moyen terme. Une bonne surprise pourrait être le versement d’un dividende plus vite qu’attendu par le marché. C’est pourquoi cette société reste notre plus grande position.
Et Barry Callebaut?
La situation est un peu différente avec la hausse des matières de base et du prix des fèves de cacao notamment et dont l’évolution est aléatoire. Cependant, Barry Callebaut demeure clairement le leader mondial de la sous-traitance de l’industrie du chocolat et peut profiter d’une consolidation ou de la faiblesse de ses concurrents. Nous bénéficions de la remontée actuelle du cours de l’action. Une normalisation du marché du cacao reste d’ailleurs possible.
Quels sont d’autres titres intéressants à vos yeux?
SGS, qui retrouve une impulsion nouvelle grâce à l’arrivée de la CEO, Géraldine Picaud. Le leader mondial des tests, de l’inspection et de la certification évolue dans un domaine qui s’avère fondamentalement en croissance, notamment avec le vieillissement des infrastructures, ainsi que la recherche dans les domaines de la sûreté, sécurité et traçabilité à un niveau mondial et dans tous les secteurs d’activité.
Galderma est un autre groupe attractif à long terme, couvrant tout le spectre de la dermatologie. Nous acquerrons plus d’actions, le cas échéant.
Nous pouvons ajouter en particulier Implenia, le leader suisse de la prestation de services dans la construction et l’immobilier, ainsi que Medmix, le fabricant d’instruments de haute précision ; cette entreprise-ci dans un registre plus tactique, s’agissant de nos positions actuelles.
Quid d’Implenia?
La cession du paquet à Buru Holding d’un des investisseurs de longue date, Max Rössler, a suscité quelques remous. Mais Philip Buhofer, propriétaire de Buru, est aussi un actionnaire long terme et un entrepreneur, comme il le prouve avec le logisticien Kardex par exemple. Avec un ratio cours/bénéfices ou PER de 5,5x, Implenia apparaît bon marché.