Analyse suite aux élections en France

Matthieu de Clermont, Allianz Global Investors

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Dans un contexte d’Assemblée nationale sans majorité, comment les investisseurs doivent-ils réagir?

Alors qu’une Assemblée nationale sans majorité était attendue, le second tour des élections françaises a tout de même donné lieu à un résultat choc: le Rassemblement national, parti d'extrême droite, a été propulsé à la troisième place, ce qui va déclencher des jours, voire des semaines de négociations entre les partis pour former un gouvernement.

Ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) est en première place. Mais le pire scénario pour les marchés - une majorité absolue pour le NFP - a été évité. Son programme de forte imposition et de dépenses élevées - qui comprend un impôt sur la fortune et le gel du prix des denrées alimentaires de base et de l'énergie - a été considéré comme une menace pour la stabilité financière.

Par conséquent, une Assemblée nationale sans majorité devrait être positive à court terme pour les marchés, car les partis d'extrême droite et d'extrême gauche ne disposent pas des sièges nécessaires pour mettre en œuvre des politiques extrêmes.

Dans l'ensemble, la réaction des marchés a été limitée, les investisseurs restant dans l'expectative. Le spread France-Allemagne à 10 ans s'est légèrement élargi lundi matin pour atteindre 71 points de base, avant de se réduire à 65 points de base. La formation d'un nouveau gouvernement pourrait prendre un certain temps et il n'y a pour l’instant pas de visibilité sur les alliances. Mais l'accalmie devrait être temporaire.

Inquiétudes sur le déficit

La prime de risque sur la France se maintiendra car le pays est sur une trajectoire de détérioration des finances publiques et des réformes sont nécessaires. Les marchés seront très attentifs.

Avec un déficit budgétaire de 5,5% et un ratio dette publique/PIB de 110%, une Assemblée sans majorité pourrait conduire à une stagnation politique.

Cette situation survient à un moment critique de la relation de la France avec l'Union européenne. Notre analyse suggère que le déficit français ne parviendra pas à atteindre le seuil de référence de l'UE de moins de 3% dans un délai de cinq ans.

Par conséquent, les investisseurs voudront surveiller la manière dont le nouveau gouvernement - quelle que soit sa composition - gérera ses interactions avec l'UE et le degré d'assurance qu'il adoptera pour mettre en œuvre ses engagements électoraux.

À l'avenir, nous nous attendons à ce que le ratio dette/PIB de la France continue d'augmenter. Pour stabiliser ce ratio, il faudrait réduire le budget d'environ deux points de pourcentage du PIB par an par rapport au scénario de base actuel. Compte tenu des résultats des élections, la mise en œuvre de mesures d'austérité sera très difficile à réaliser.

Implications pour les OAT

Les spreads des OAT resteront structurellement plus élevés qu'avant les élections européennes, ce qui représente un vent contraire pour l'euro et les actions européennes. De plus, le président Macron étant politiquement affaibli, nous nous attendons à de nouvelles pressions sur l'euro.

Un niveau élevé d’investisseurs étrangers rend les obligations d'État françaises vulnérables. Les investisseurs japonais, par exemple, disposent actuellement d'opportunités de rendement potentiellement attrayantes chez eux, en particulier sur la partie longue de la courbe, et pourraient être tentés de changer de stratégie.

Enfin, nous rappelons ce que nous avons dit précédemment sur la solidité des entreprises françaises et sur le fait que seulement 19% du CAC 40 dépendent de l'économie française. Mais les investisseurs doivent s'attendre à une prime de risque plus élevée et à une plus grande volatilité des marchés, même si le pire ne s'est pas concrétisé.

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