Le bitcoin, ange ou démon?

Rayan Benmabrouk, DECALIA

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Le bitcoin s’est fortement apprécié depuis janvier, mais avec toujours une grande volatilité.

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Les premiers mois de 2024 ont encore été mouvementés pour le bitcoin, dont le prix a commencé par s’envoler jusqu’à atteindre un sommet historique le 14 mars, à plus de 73’000 dollars, pour ensuite corriger fortement, reprendre une bonne partie du terrain perdu, puis corriger à nouveau. Début mai, le bitcoin affichait ainsi un recul d’environ 23% par rapport à son point culminant, mais toujours un gain considérable depuis janvier. Et à l’heure de rédiger ces lignes, sa performance sur 2024 avoisine les 65% – de quoi presque régater avec l’actuelle «vedette» des marchés boursiers, Nvidia. Osons dès lors la question: le bitcoin a-t-il aujourd’hui sa place dans un portefeuille d’investissement classique, ou son négoce est-il toujours à réserver aux seuls spéculateurs?

Sur le plan réglementaire, la décision prise le 10 janvier 2024 par la SEC, gendarme américain des marchés financiers, d’autoriser la cotation de fonds indiciels (ETF) en bitcoins a clairement contribué à alimenter le rallye. Car si ces produits donnent aux investisseurs le moyen de participer à l’évolution du bitcoin de manière liquide et sans acheter directement le sous-jacent sur une plateforme d’échange dédiée, les avoirs des ETF sont, pour leur part, bel et bien placés dans la devise numérique. Plus l’engouement pour les ETF est grand, plus la demande de bitcoins est donc forte.

Au-delà de son impact sur le cours du bitcoin, l’homologation par la SEC a aussi donné une forme de légitimité à cet actif – et aux cryptomonnaies plus généralement. On savait pourtant le président de la SEC plutôt réservé sur le domaine, qu’il avait décrit comme «hautement spéculatif» lors d’une audience en juillet 2023 devant le Sénat américain, allant même jusqu’à le qualifier de «truffé de fraudes, de tromperies et d’escrocs». A plusieurs reprises, la SEC avait donc refusé la commercialisation d’ETF similaires, avant qu’une décision de cour d’appel à Washington en octobre 2023 ne lui force la main.

Si les débats sur la réglementation du bitcoin restent nourris, et ce dans moults juridictions, il est fort à parier que l’adoption institutionnelle du bitcoin va désormais se poursuivre, à mesure que de plus en plus d’entreprises et de fonds d’investissement intègrent cet actif à leurs stratégies financières.

L’autre événement marquant de cette année pour le bitcoin a été le «halving». Définie dans le protocole du bitcoin, cette opération se produit tous les quatre ans environ (tous les 210’000 blocs pour être précis) et consiste en une réduction par moitié de la récompense allouée pour le travail de «minage» de bitcoins. Au fil des ans, cette récompense est ainsi passée de 50 bitcoins initialement, à 25 en 2012, 12,5 en 2016 et 6,25 depuis le 20 avril dernier. Cette réduction drastique a considérablement ralenti la création de nouveaux bitcoins, qui est passée de 900 à 450 unités par jour. Une évolution qui, conjuguée avec une offre totale terminale limitée à 21 millions, contribue à conférer au bitcoin une forme de rareté – et donc à doper son prix.

Le taux d’inflation actuel de l’offre de bitcoins se situe aujourd’hui à 0,85%, soit bien en-deçà de celui de l’or (2,3% environ). On pourrait donc arguer que le bitcoin est devenu plus rare que l’or – pourtant considéré comme l’actif refuge par excellence!

Sans aller jusqu’à agréer le bitcoin comme réserve de valeur pour les portefeuilles d’investissement, dans la mesure où son cours reste extrêmement volatil et il n’est pas accepté comme moyen de paiement par les autorités étatiques, nous devons tout de même souligner les avantages que lui procurent sa nature numérique, à savoir une plus grande divisibilité et portabilité, le positionnant comme un moyen d’échange moderne. Et donc reconnaître qu’il mérite une certaine place dans nos analyses de marchés. Car au final, comme le dit un vieux proverbe, «plutôt qu’un ange inconnu, mieux vaut un démon connu»…

 

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