L’objectif est de stabiliser et développer la voie bilatérale avec l’Union européenne en privilégiant une approche globale basée sur un paquet d’accords de coopération et d’accès au marché.
Les relations entre la Suisse et l’UE peuvent aller de l’avant. Le Conseil fédéral a approuvé vendredi le projet de mandat de négociation. Celui-ci contient les lignes directrices des négociations, qui commenceront après la consultation du Parlement, des cantons et des partenaires sociaux et économiques.
Le Conseil fédéral adoptera le mandat définitif après cette consultation, «d’ici deux à trois mois», a déclaré devant les médias le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis. Son objectif est de stabiliser et de développer la voie bilatérale avec l’UE. «Il est essentiel d’avoir de bonnes relations avec nos voisins.» Et de citer des raisons géographiques, géopolitiques et économiques.
Le gouvernement privilégie une approche globale basée sur un paquet d’accords de coopération et d’accès au marché. Il choisit un chemin entre les anciens accords bilatéraux et la conclusion d’un accord-cadre, a expliqué M. Cassis. La voie bilatérale est poursuivie «avec l’ajout de règles institutionnelles là où c’est nécessaire», c’est-à-dire directement dans les accords sur le marché intérieur.
Le Tessinois a rappelé que l’accord-cadre devait être un accord horizontal qui, en cas de dénonciation, enclenchait une «super-guillotine» faisant tomber tous les accords conclus dans le périmètre de cet accord-cadre. Désormais, «il n’y a plus de mécanisme de liaison entre les règles institutionnelles et l’accès au marché européen».
Cela diffère de la clause guillotine, «la vieille des Bilatérales I, qui tient les sept accords ensemble», qui existe toujours, a encore expliqué M. Cassis. Cela concerne notamment la question de la libre circulation des personnes.
L’accès sans obstacle au marché de l’UE est le pilier central du paquet. Il s’agit d’assurer l’actualisation des accords existants sur le marché intérieur et de conclure de nouveaux accords sectoriels dans les domaines de la sécurité alimentaire et de l’électricité.
Dans ce dernier domaine, les acteurs suisses pourraient participer aux plateformes européennes. «Les entreprises et les ménages ne s’approvisionneront pas sur le marché libre, ils continueront à avoir recours à l’approvisionnement de base», a expliqué le ministre de l’économie Guy Parmelin.
L’adoption de règles sur les aides d’Etat est prévue dans les accords sur le transport aérien, les transports terrestres et l’électricité. Ces aides d’Etat garantissent une concurrence juste, selon M. Parmelin. Si les solutions pourront être finalisées lors des négociations, la Suisse pourra mettre en place une surveillance en principe équivalente à celle de l’UE. Mais la Suisse aura ses propres procédures, a assuré le Vaudois. Le système européen des aides d’Etat permet de nombreuses exceptions.
Le paquet prévoit également un accord sur la coopération en matière de santé ainsi que la participation systématique aux programmes de l’UE, notamment dans les domaines de l’éducation et de la recherche (à l’exemple d’Horizon Europe et Erasmus+). Cette étape permet de débloquer le dossier des programmes européens, a salué M. Parmelin. Enfin, une contribution suisse régulière à la cohésion au sein de l’UE fait partie du paquet.
Dans le domaine de la protection des salaires, la Suisse vise une mise en adéquation du droit des travailleurs détachés avec le droit de l’UE. Il s’agit d’assurer les conditions de salaire et de travail et de ne pas exposer les entreprises à une concurrence déloyale, a souligné M. Parmelin.
La Suisse pourrait convenir d’un concept de garantie à trois niveaux. Celui-ci doit permettre de garantir à la Suisse de continuer à appliquer les règles nationales et ses spécificités à travers le principe «à travail égal, salaire égal au même endroit» et le principe d’un contrôle dual. Des exceptions sont aussi comprises.
Un point comprend une clause de non-régression pour garantir le niveau de protection des salaires en Suisse. La réglementation des frais doit être discutée lors des futures négociations.
Dans le secteur des transports, le service public sera garanti en Suisse, a par ailleurs affirmé Guy Parmelin. Les spécificités helvétiques du transport terrestre seront respectées par l’UE. Il s’agit d’exceptions cruciales pour la Suisse, comme l’interdiction de circuler la nuit et le dimanche pour les camions, celle des poids lourds de plus de 40 tonnes ou celle de cabotage. «Les capacités routières à travers les Alpes ne seront pas augmentées.»
La Suisse devrait devenir membre à part entière de l’Agence ferroviaire européenne. Cela implique pour elle d’ouvrir le transport ferroviaire international de passagers, a souligné M. Parmelin. Les entreprises étrangères pourront proposer des liaisons en Suisse de manière autonome. Elles devront toutefois respecter les conditions de travail et de salaires suisses.
L’UE tiendra aussi compte des spécificités de la Suisse sur la libre circulation des personnes, qui règle le droit des travailleurs de l’UE à circuler et à séjourner librement sur le territoire des Etats membres, et que la Suisse n’a pas encore repris, a expliqué la ministre de la justice Elisabeth Baume-Schneider.
Notamment concernant la limitation des conséquences sur le système social, le respect des dispositions relatives à l’expulsion des criminels étrangers et la protection des salaires, a précisé la Jurassienne.
Après l’abandon de l’accord-cadre par le Conseil fédéral le 26 mai 2021, des discussions exploratoires ont débuté en mars 2022 entre Berne et Bruxelles. Elles se sont conclues en octobre. Le document qui en résulte contient les zones d’entente communes que la délégation suisse et celle de l’UE ont définies dans chaque domaine du paquet. A la fin des négociations, le gouvernement procédera à une pondération des avantages et des inconvénients.
Le négociateur en chef sera Patric Franzen, secrétaire d’Etat adjoint et chef de la Division Europe du DFAE. Il assumera cette tâche en coresponsabilité avec les négociateurs des départements compétents pour les différents domaines du paquet. Les négociations seront menées parallèlement dans chaque domaine. Le secrétaire d’Etat Alexandre Fasel fera la liaison entre les politiques intérieure et extérieure. L’UE doit aussi adopter de son côté son propre mandat de négociation.
Questionné sur un éventuel délai concernant la fin des négociations, M. Cassis a répondu que les deux parties souhaitent avancer «relativement rapidement». «Mais seulement la qualité des résultats dira à quel point cela sera rapide.» Et de commenter encore: «Cela dépend de la flexibilité des deux parties. Mais notre but est de ne pas négocier pendant encore deux ans.»
«Il n’y a pas de lignes rouges. Tout peut encore être négocié», a-t-il dit. Des deux côtés. La Suisse discutera encore des points où elle n’a pas encore atteint ses objectifs, notamment sur la protection des salaires.
Egalement interrogé sur le règlement des litiges, le Tessinois a indiqué que ce serait toujours le tribunal arbitral qui aurait le dernier mot.