MiFID II et gérants indépendants

Nathalie Jouet

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La réglementation européenne aura un impact sur les sociétés de gestion suisses, selon la manière dont celles-ci ciblent leur «clientèle européenne».

La nouvelle directive européenne régissant les marchés d’instruments financiers plus communément appelée MiFID II, est entrée en vigueur le 3 janvier 2018 dans l’Espace économique européen. D’un point de vue interne, alors que les lois sur les services et les établissements financiers (LSFin et LEFin) approchent progressivement de leur forme définitive, il convient d’aborder l’impact de MiFID II sur les gérants indépendants suisses. Effectivement, même si le marché européen est le premier concerné par cette réglementation, ses conséquences sur les prestataires financiers ne doivent pas être sous-estimées. Détails.  

Une évaluation des risques propre à chaque établissement  

La Suisse ne dispose pour le moment d’aucune réglementation équivalente à la directive MiFID II. Ce vide juridique sera prochainement comblé par l’entrée en vigueur des lois sur les services et les établissements financiers prévue en 2020. Celles-ci visent à uniformiser les conditions de concurrence pour les intermédiaires financiers et renforcer la protection des clients. Si ces textes apparaissent similaires à MiFID II s’agissant de la protection des investisseurs, ils ne seront probablement pas concordants. En effet, cette directive semble être bien plus lourde et contraignante que les LSFin/LEFin. On peut aisément comprendre que certaines grandes banques adoptent MiFID II par soucis de simplification mais aussi dans l’objectif de développer des prestations de services à forte valeur ajoutée, notamment dans le conseil en investissement. Toutefois, la situation est nettement différente pour les gérants de fortune indépendants suisses ne disposant pas de filiales ou de succursales au sein de l’Union européenne.

Un gestionnaire de fortune qui dispose d’une large clientèle sur le territoire de l’Union européenne a probablement intérêt, dans une optique de gestion des risques, à appliquer MiFID II. Cependant, il appartient à chaque établissement de mesurer les risques liés à l’éventuelle implémentation de cette directive, en tenant compte de plusieurs facteurs dont: le nombre de clients situés sur le territoire de l’UE, la masse sous gestion, la nature des prestations fournies.

«Le risque d’action en justice est beaucoup plus important
aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années.»

Le risque d’action en justice, beaucoup plus important aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années, doit également être pris en compte. «Selon la convention de Lugano, le client domicilié dans l’Union européenne peut assigner en justice dans son pays d'origine un gérant indépendant suisse. Le juge étranger pourrait alors être tenté d’appliquer la directive MiFID II pour étayer son argumentaire. Il existe donc une certaine zone grise actuellement dans les relations entre un gérant indépendant suisse et son client domicilié dans l’Union européenne», indique Olivier Rigot, associé gérant chez EMC Gestion de Fortune.

Selon Maître Pierre-Olivier Etique, associé et membre du groupe bancaire et financier de FBT Avocats, «MiFID II n’est pas directement applicable aux gérants de fortune indépendants qui opèrent depuis la Suisse en faveur d’une clientèle établie dans l’EEE. Cette réglementation européenne peut néanmoins avoir des effets indirects sur les sociétés de gestion en Suisse, selon la manière dont celles-ci ciblent leur «clientèle européenne» et exécutent concrètement leurs mandats. En définitive, l’application de MiFID II doit être appréhendée dans la perspective plus globale des risques juridiques résultant des activités transfrontières du gérant».

De nouveaux impératifs en termes d’organisation

Si MiFID II n’apporte pas de réelles évolutions pour les établissements de gestion de fortune affiliés à un organisme d’auto-régulation qui ont généralement adhéré à un code de conduite reprenant la Directive en matière d’obligations précontractuelles, de suitability et de reporting, la charge administrative qu’elle induit est beaucoup plus importante.

Pour beaucoup, il faut revisiter
l’organisation  interne.

François Meylan, directeur de la société Meylan Finance spécialisée dans le conseil patrimonial et la gestion de fortune à Lausanne, qualifie l’incidence de MiFID II sur les gérants indépendants suisses sur trois plans. «Il y a une obligation de transparence accrue tant pour la finalité de la recherche qu’en matière de rétrocessions. Pour beaucoup, il faut revisiter l’organisation interne et la systématique dans la gestion administrative. Pour ce qui est de la valeur créée au profit du client, je vois une véritable approche entrepreneuriale dans le processus de placement. C’est une chance!», ajoute-t-il. En effet, il est évident que de prime abord, le grand gagnant de MiFID II est le client qui verra sa protection en tant qu’investisseur renforcée.

En tout état de cause, les principaux obstacles liés à l’application de MiFID II pour les gérants indépendants suisses sont les rétrocessions et les mandats de conseil en placements.