Le gouvernement de Rishi Sunak revient notamment sur les mesures garantissant la séparation des activités de détail et d’investissement au sein d’une banque.
Le gouvernement britannique a annoncé vendredi une série de réformes post-Brexit destinées à stimuler la croissance du puissant secteur financier du pays, mais assure ne pas avoir oublié les leçons de la crise financière de 2008, face aux craintes de «déréglementation de grande envergure».
«Le Royaume-Uni a toujours eu et aura toujours un système de réglementation incroyablement respecté et robuste pour le secteur des services financiers» même s’il «est également important de s’assurer que le secteur est compétitif», a martelé vendredi le premier ministre Rishi Sunak.
Le chancelier de l’Echiquier Jeremy Hunt s’est rendu vendredi à Edimbourg, en Ecosse, pour y détailler devant des représentants du secteur «trente réformes de régulation pour assurer la place du Royaume-Uni comme centre financier mondial principal».
Il revient notamment sur certaines mesures mises en place dans la foulée de la crise de 2008, en particulier celles garantissant la séparation des activités de détail et d’investissement au sein d’une banque («ringfencing» en anglais), qui visaient à éviter les conflits d’intérêt et protéger l’argent des consommateurs.
Londres compte extraire de ces contraintes «les banques qui n’ont pas d’activité majeure d’investissement».
«Nous devons veiller à ne pas désapprendre les leçons de 2008, mais en même temps reconnaître que les banques ont aujourd’hui des bilans beaucoup plus solides» que pendant la crise financière, a argumenté M. Hunt vendredi.
C’est «une déréglementation de grande envergure qui menace de déstabiliser un secteur financier de plus en plus fragile, avec d’énormes risques pour le public et peu d’avantages», a dénoncé Fran Boait, directrice de l’ONG Positive Money dans une déclaration transmise à l’AFP.
Ces annonces viennent compléter un projet de loi en cours d’examen au Parlement, qui attribue notamment un objectif secondaire aux régulateurs: celui de promouvoir la croissance et la compétitivité du secteur.
La mesure est elle aussi dénoncée par les opposants à la réforme, qui craignent qu’elle ne détourne les régulateurs de leur mission principale: protéger la stabilité financière et les consommateurs. Autre motif de critique, l’intention de Londres de supprimer une limite aux bonus des banquiers héritée de l’UE.
L’exécutif a par ailleurs lancé il y a quelques mois une réforme des compagnies d’assurances, jusqu’ici régies par la directive européenne Solvency II.
Londres prévoit notamment d’assouplir les exigences en termes de fonds propres des entreprises du secteur, espérant débloquer des dizaines de milliards de livres pour des investissements «verts» et dans les infrastructures.
Le gouvernement a cependant récemment renoncé à introduire un pouvoir d’intervention directe dans la régulation des services financiers, comme il l’avait un temps envisagé.
Pour le Trésor, «les réformes d’Edimbourg vont donner une vigueur sans égale aux services financiers britanniques, en profitant des opportunités offertes par la sortie britannique de l’UE».
Pourtant depuis le Brexit, Londres voit Paris et Amsterdam grignoter sa position de premier centre financier européen.
Le gouvernement conservateur «essaie de trouver une justification au Brexit», estime auprès de l’AFP Steve Schifferes, professeur d’économie politique à la City University de Londres.
Mais selon lui, ces réformes ne permettront pas de générer un «big bang» tel qu’avait connu le secteur outre-Manche après la dérégulation des années 1980.
Les nombreuses «déclarations d’intention» annoncées vendredi devront encore être précisées, ajoute-t-il, d’autant que certaines mesures «pourraient ne pas entrer en vigueur si les Travaillistes sont élus» lors des prochaines élections générales, prévues en 2024.
Les professionnels du secteur, eux, applaudissent.
C’est «un ensemble complet de réformes qui, si elles sont mises en oeuvre efficacement (...) devraient contribuer à renforcer l’attractivité du Royaume-Uni» pour les entreprises, estime Miles Celic, directeur de TheCityUK, l’un des principaux lobbies financiers londoniens.
Le secteur financier génère 216 milliards de livres (250 milliards d’euros) par an et 76 milliards de livres (88,1 milliards d’euros) en recettes fiscales pour l’Etat, tout en employant plus de 2,3 millions de personnes d’après le Trésor.