Le Conseil national fait une fleur aux banques amendées

AWP

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Le projet vise à rendre plus claire une législation dont l’interprétation est sujette à controverse.

Les banques et autres entreprises qui se font pincer à l’étranger pourraient continuer de défalquer leurs amendes des impôts, moyennant certaines conditions. Le Conseil national a tranché mardi en ce sens par 94 voix contre 88. Le dossier retourne au Conseil des Etats.

Les parlementaires s’étaient fâchés il y a quelques années: la collectivité n’a pas à payer les pots cassés des sanctions infligées par les Etats-Unis aux banques ayant encouragé l’évasion fiscale. Ils avaient appelé à une solution stricte.

Clarifier la législation

Le projet vise à rendre plus claire une législation dont l’interprétation est sujette à controverse. Actuellement, seules les amendes fiscales, qui ne peuvent pas être déduites de l’assiette de l’impôt, font l’objet d’une disposition expresse.

Avec la solution présentée par le Conseil fédéral, seules les sanctions visant à réduire le bénéfice qui n’ont pas de caractère pénal continueraient de pouvoir être déduites. Cela correspond à la doctrine actuelle ainsi qu’à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Pas question en revanche de pouvoir retrancher les amendes et les peines pécuniaires, ni les sanctions financières de nature administrative, dans la mesure où elles ont un caractère pénal.

La gauche, le PDC, le PVL et le PBD ont soutenu cette option, derrière laquelle s’était aussi rangé le Conseil des Etats. Des voix s’étaient toutefois élevées parmi les sénateurs en faveur d’une solution moins stricte.

Fronde de droite

L’UDC et le PLR se sont engouffrés avec succès dans cette brèche. Il y a parfois dans les décisions étrangères un aspect politique ou de lutte économique, a fait valoir Christian Lüscher (PLR/GE). Il serait inadmissible que des sociétés suisses s’exposent à des peines exclues du droit suisse alors qu’une entreprise étrangère ayant le même comportement en Suisse ne risquerait rien.

La droite a obtenu que le concept du Conseil fédéral ne s’applique que lorsqu’une autorité pénale ou administrative suisse tranche. Si les amendes, les peines pécuniaires ou les sanctions financières de nature administrative sont prononcées à l’étranger, elles pourraient être déduites de l’impôt.

Conditions posées: elles doivent être contraires à l’ordre public helvétique, sanctionner des actes qui ne seraient pas punissables en Suisse et dépasser le maximum prévu par le droit suisse pour l’infraction donnée.

Inégalité de traitement

Ce principe introduit une inégalité de traitement. Cela équivaudrait à permettre à un automobiliste allemand roulant à 240 km/h en Suisse de contester son amende sous prétexte qu’il peut rouler à cette vitesse outre-Rhin, a critiqué Ada Marra (PS/VD).

Cette solution est perverse, a renchéri sa camarade bâloise Susanne Leutenegger-Oberholzer. En permettant de déduire le montant excédant le maximum prévu en Suisse, on encourage les entreprises à trouver les pires combines pour tricher, selon elle. On ne fait en plus que compliquer le travail du fisc. La notion d’ordre public n’est outre pas claire, a ajouté Martin Landolt (PBD/GL).

Autres dispositions

Autre amendement accepté: il serait possible de déduire les dommages-intérêts, les réparations financières et les prestations comparables, pour autant qu’un comportement intentionnel ait été constaté judiciairement.

Il s’agit d’encourager les entreprises à aller en conciliation plutôt qu’en justice, a affirmé Olivier Feller (PLR/VD) au nom de la commission. Mais cela permettrait des déductions nettement plus fortes qu’aujourd’hui, a répondu Léo Müller (PDC/LU).

La droite avait en outre jugé inutile de préciser qu’on ne pouvait pas déduire les dépenses permettant la commission d’infractions ou constituant la contrepartie convenue pour la commission d’infractions. Ce serait une tautologie, selon Christian Lüscher.

Un tribunal se demanderait toutefois pourquoi le Parlement a biffé cette disposition, a relevé le ministre des finances Ueli Maurer. Cela permettrait la déduction de l’argent servant à financer le terrorisme et un tueur à gages, a estimé Léo Müller. Personne n’a au final voté pour biffer la disposition.

Les députés n’ont en revanche pas bataillé concernant les pots-de-vin et autres dépenses liées à l’exécution de délits. Les commissions occultes versées à des particuliers ne pourront plus être considérées comme des charges justifiées par l’usage commercial et déduites de l’impôt. Elles constituent en effet désormais une infraction poursuivie d’office, à l’exception des cas peu graves.